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08/08/2023 | FRANCE | N°21LY03007

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 08 août 2023, 21LY03007


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... et Mme D... C... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 8 janvier 2018 par lequel le préfet de la Savoie a déclaré d'utilité publique un projet d'aménagement de voiries dans le hameau de Vulmix sur le territoire de la commune de Bourg-Saint-Maurice, comprenant la création de places de stationnement, l'élargissement de la chaussée d'une voie (aménagement n°5), l'aménagement de la place publique (aménagements n°s 2 et 3) et la sécurisation de l'école (amé

nagement n°4), ainsi que d'annuler la décision du 24 avril 2018 rejetant leur rec...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... et Mme D... C... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 8 janvier 2018 par lequel le préfet de la Savoie a déclaré d'utilité publique un projet d'aménagement de voiries dans le hameau de Vulmix sur le territoire de la commune de Bourg-Saint-Maurice, comprenant la création de places de stationnement, l'élargissement de la chaussée d'une voie (aménagement n°5), l'aménagement de la place publique (aménagements n°s 2 et 3) et la sécurisation de l'école (aménagement n°4), ainsi que d'annuler la décision du 24 avril 2018 rejetant leur recours gracieux.

Par jugement n° 1803939 du 8 juillet 2021, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté en tant qu'il concerne les aménagements n°s 2, 3, 4 et 5, ainsi que la décision du 24 avril 2018 rejetant le recours gracieux de M. A... et Mme C....

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires enregistrés le 8 septembre 2021, 8 avril 2022 et le 24 février 2023, la commune de Bourg-Saint-Maurice, représentée par Me Bracq, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 8 juillet 2021 et de rejeter la demande de M. A... et Mme C... ;

2°) de mettre à la charge de M. A... et Mme C... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ; son maire a été valablement habilité par délibération du conseil municipal du 23 juillet 2020 à introduire l'instance d'appel ;

- le jugement est irrégulier faute pour la minute de comporter les signatures requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ; en violation du principe du contradictoire, un mémoire du 15 mars 2021 n'a pas été communiqué aux parties défenderesses en première instance ;

- l'intérêt général attaché à la réalisation des aménagements n° 2, 3 et 5 est justifié et suffisant bien que ces aménagements engendrent des dépenses importantes et des expropriations de parcelles privatives ;

- l'aménagement n° 4 ne présente pas d'inconvénients excessifs, notamment s'agissant de son coût et ne peut être implanté à un autre endroit de la commune.

Par mémoire enregistré le 2 mai 2022, M. A... et Mme C..., représentés par la Selarl CDMF Affaires publiques, concluent au rejet de la requête et à ce que la commune de Bourg-Saint-Maurice leur verse la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la requête est irrecevable faute pour le maire de justifier d'une habilitation pour agir au nom de la commune ;

- les autres moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par ordonnance du même jour, prise en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture d'instruction a été fixée au 21 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Psilakis, rapporteure,

- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public,

- et les observations de Me Temps pour la commune de Bourg-Saint-Maurice, et celles de Me Martin pour M. A... et Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet de la Savoie a, par un arrêté du 8 janvier 2018, déclaré d'utilité publique les travaux portant sur le réaménagement du hameau de Vulmix à Bourg-Saint-Maurice. La commune de Bourg-Saint-Maurice relève appel du jugement 8 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a, sur demande de M. A... et Mme C..., annulé cet arrêté en tant qu'il concerne les aménagements n°s 2, 3, 4 et 5 ainsi que la décision du 24 avril 2018 rejetant leur recours gracieux.

Sur la fin de non-recevoir opposée en défense :

2. Aux termes de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales : " Le maire peut, en outre, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : / (...) 16° D'intenter au nom de la commune les actions en justice ou de défendre la commune dans les actions intentées contre elle, dans les cas définis par le conseil municipal ; (...) ". Aux termes de l'article L. 2132-2 de ce code : " Le maire, en vertu de la délibération du conseil municipal, représente la commune en justice. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que, par une délibération du 23 juillet 2020 transmise à la sous-préfecture d'Albertville le 27 juillet suivant et publiée le 30 juillet suivant, le conseil municipal de Bourg-Saint-Maurice a donné au maire, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L.2122-22 du code général des collectivités territoriales, une délégation générale pour " intenter au nom de la commune les actions en justice (...) sur tous les domaines et juridictions dans lesquels la commune peut être amenée en justice et devant tout ordre de juridiction en première instance, en appel ou en cassation (...) ". Dès lors, le maire ayant été habilité par le conseil municipal à agir au nom de la commune, la fin de non-recevoir opposée par M. A... et Mme C... doit être écartée.

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ".

5. Il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été signé conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. La circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée à la commune de Bourg-Saint-Maurice ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement. Ce moyen d'irrégularité doit, par suite, être écarté.

6. En second lieu, aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire (...) ".

7. La commune de Bourg-Saint-Maurice fait valoir que deux photographies, produites par Mme C... et M. A... et enregistrées au greffe du tribunal administratif de Grenoble le 15 mars 2021, ne lui ont pas été communiquées. Toutefois, il ne ressort pas des termes du jugement attaqué que le tribunal se serait fondé sur ces pièces pour annuler partiellement l'arrêté en litige. Par suite, la commune de Bourg-Saint-Maurice n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges auraient entaché d'irrégularité la procédure et méconnu son caractère contradictoire en s'étant abstenus de lui communiquer ces pièces.

Sur la légalité de l'arrêté du préfet de la Savoie du 8 janvier 2018 :

8. Il appartient au juge, lorsqu'il doit se prononcer sur le caractère d'utilité publique d'une opération nécessitant l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu'elle répond à une finalité d'intérêt général, que l'expropriant n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation, notamment en utilisant des biens se trouvant dans son patrimoine et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social ou économique que comporte l'opération ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente.

9. Pour contester l'annulation de l'arrêté en litige en tant qu'il concerne l'aménagement n° 5, lequel prévoit un élargissement de la chaussée sur un mètre de la rue des Jardins, voie adjacente à la route départementale n° 86, la commune de Bourg-Saint-Maurice fait état de la nécessité de fluidifier et de sécuriser la circulation des engins de déneigement dont elle ne peut adapter la taille à toutes les contraintes locales de son territoire et des usagers de cette voie. Si les impératifs de sécurisation des usagers de cette voie relèvent de considérations d'intérêt général, toutefois, il ressort des pièces du dossier que la voie concernée ne dessert qu'un petit nombre d'habitations, que l'élargissement projeté, portant la largeur de la voie à 3,20 mètres, ne peut toujours pas permettre le croisement de véhicules ni fluidifier la circulation des engins standard de déneigement dont la commune indique qu'ils mesurent 3,70 mètres de large, et que le projet implique l'expropriation d'une place de stationnement privative alors que le stationnement demeure un problème aigu au sein du hameau. Par suite, la commune de Bourg-Saint-Maurice n'est pas fondée à soutenir que cet aménagement n'emporte pas d'inconvénients excessifs eu égard à l'intérêt qu'il présente.

10. En revanche, d'une part, il ressort des pièces du dossier que les aménagements n°s 2 et 3, afférents à la place du village, consistent dans la création d'un espace paysager marquant le centre du bourg, de neuf places de stationnement, d'un cheminement piétonnier protégé le long de la route départementale et d'un plateau surélevé permettant la traversée de cette voie, et dans le réaménagement de l'aire de collecte et de tri des ordures ménagères et du quai d'accès au bus. Les aménagements en cause, eu égard notamment à l'objectif de sécurisation qu'ils poursuivent, relèvent ainsi d'un intérêt général. La commune, qui ne disposait à cet emplacement, au centre du hameau, que d'une emprise foncière limitée à deux parcelles, ne pouvait réaliser ce projet dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation. Ces aménagements, s'ils présentent un coût important, s'élevant à 235 349 euros, permettent néanmoins de favoriser la sécurité des piétons, d'éviter la sortie dangereuse des véhicules sur la route départementale et d'améliorer les conditions de stationnement, les neuf places publiques créées ayant vocation à remplacer cinq places privatives non délimitées au sein d'un espace herbeux et peu entretenu. Dans ces conditions, les inconvénients que comporte ce projet ne peuvent être regardés comme excessifs compte tenu des améliorations attendues. Enfin, la circonstance qu'aucun accord amiable ne soit intervenu entre la commune et les propriétaires de plusieurs des parcelles concernées, à la supposer établie, est sans influence sur l'appréciation du bien-fondé de l'utilité publique.

11. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que l'aménagement n° 4, qui se situe à proximité de l'école primaire et de la salle des fêtes communale, consiste dans la création de vingt-cinq places de stationnement au lieu de sept places existantes, d'un cheminement piétonnier, d'un plateau surélevé et dans l'agrandissement de l'espace de stationnement du véhicule de ramassage scolaire. Cet aménagement répond ainsi, compte tenu notamment de sa contribution à l'amélioration de la sécurité des piétons et usagers, à une finalité d'intérêt général. Il ressort des pièces du dossier que les parcelles détenues par la commune présentent une superficie insuffisante pour répondre aux besoins de stationnement et pour l'agrandissement de l'espace de stationnement du véhicule de ramassage scolaire, si bien que le projet ne pouvait être réalisé dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation. Si l'aménagement litigieux génère la construction d'un mur de soutènement d'une hauteur de deux mètres en surplomb d'une zone agricole protégée pour des motifs paysagers, toutefois, l'emplacement choisi était contraint par l'exigence de proximité des équipements publics existants à desservir et par la présence d'un relief montagneux. En outre, l'aménagement retenu permet de limiter l'empiétement sur la zone agricole protégée. Enfin, le coût de l'aménagement incluant la construction du mur de soutènement, qui s'élève à 376 670 euros, n'apparaît pas, eu égard notamment aux contraintes liées au relief, excessif au regard des avantages qu'il comporte.

12. Il résulte de ce qui a été dit aux points 10 et 11 que, pour les aménagements n°s 2, 3 et 4, le recours à l'expropriation est justifié pour des motifs d'intérêt général et n'emporte pas d'inconvénients excessifs au regard des améliorations attendues.

13. Il résulte de ce qui précède que la commune de Bourg-Saint-Maurice est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du préfet de la Savoie du 8 janvier 2018 en tant qu'il concerne les aménagements n°s 2, 3 et 4 et la décision du 24 avril 2018 rejetant le recours gracieux de M. A... et Mme C..., et à en demander l'annulation dans cette mesure.

Sur les frais liés à l'instance :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de la commune de Bourg-Saint-Maurice qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante pour l'essentiel. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la commune de Bourg-Saint-Maurice présentées sur le fondement de ces dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°1803939 du 8 juillet 2021 du tribunal administratif de Grenoble est réformé en ce qu'il a annulé l'arrêté du préfet de la Savoie du 8 janvier 2018 déclarant d'utilité publique les aménagements n°s 2, 3 et 4 et la décision du 24 avril 2018 rejetant le recours gracieux de M. A... et Mme C....

Article 2 : La demande de M. A... et Mme C... dirigée contre l'arrêté du préfet de la Savoie du 8 janvier 2018 est rejetée en tant qu'elle concerne les aménagements n°s 2, 3 et 4.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... et à Mme C..., à la commune de Bourg-Saint-Maurice et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Copie en sera adressée au préfet de la Savoie et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 29 juin 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Evrard, présidente de la formation de jugement,

Mme Duguit-Larcher, première conseillère,

Mme Psilakis, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 août 2023.

La rapporteure,

Ch. Psilakis

La présidente,

A. Evrard

La greffière,

M.-A. Boizot

La République mande et ordonne au le ministre de la transition écologique et de de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY03007


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY03007
Date de la décision : 08/08/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06 Marchés et contrats administratifs. - Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage.


Composition du Tribunal
Président : Mme EVRARD
Rapporteur ?: Mme Christine PSILAKIS
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : SELARL ASTERIO

Origine de la décision
Date de l'import : 13/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-08-08;21ly03007 ?
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