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03/08/2023 | FRANCE | N°22LY03450

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 03 août 2023, 22LY03450


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SAS Pourquery DMP a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015.

Par un jugement n° 2105026 du 18 octobre 2022, le tribunal administratif de Lyon a déchargé la SAS Pourquery DMP des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des années 2014 et 2015 (article 1er) et a mis à la charge de l'Éta

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SAS Pourquery DMP a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015.

Par un jugement n° 2105026 du 18 octobre 2022, le tribunal administratif de Lyon a déchargé la SAS Pourquery DMP des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des années 2014 et 2015 (article 1er) et a mis à la charge de l'État la somme de 1 400 euros à verser à la SAS Pourquery DMP en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 2).

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 25 novembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 1 et 2 de ce jugement du tribunal administratif du 18 octobre 2022 ;

2°) de remettre à la charge de la SAS Pourquery DMP les rappels de taxe sur la valeur ajoutée à concurrence de la somme globale de 1 446 093 euros.

Il soutient que :

- l'administration n'avait pas nécessairement à démontrer que l'acquéreur a tiré un bénéfice de la fraude, ces sociétés nouvellement créées sont devenues, le quatrième fournisseur de la SAS Pourquery DMP sur l'exercice 2014 en ce qui concerne la société Zeppelium et son deuxième fournisseur sur l'exercice 2015 en ce qui concerne la société Metalinium ; par ailleurs, ces opérations ont été effectuées à des conditions avantageuses ;

- la SAS Pourquery DMP n'a procédé à aucun commencement de recherches sur les sociétés Zeppelium et Metalinium avant novembre 2015, soit plus de deux ans après le début de ses relations commerciales avec ces sociétés ; ainsi, la société ne peut être regardée comme ayant pris les mesures qui pouvaient raisonnablement être exigées d'elle pour s'assurer que ses opérations n'étaient pas impliquées dans une fraude fiscale ;

- ces deux sociétés avaient le même représentant, ce qui aurait pu alerter la SAS Pourquery DMP, alors que plusieurs autres indices permettent d'établir qu'elle ne pouvait ignorer être impliquée dans un circuit de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée de type " carrousel " ;

- le litige qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée déductible ne relève pas de la compétence de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;

- les deux fournisseurs, qui n'ont reversé aucune taxe sur la valeur ajoutée au Trésor à raison de leurs ventes à la société SAS Pourquery DMP, doivent être regardés comme des fournisseurs défaillants au sens de la doctrine administrative.

Par un mémoire enregistré le 9 février 2023, la SAS Pourquery DMP, représentée par le cabinet Ratheaux, conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- pour établir qu'elle savait ou ne pouvait ignorer qu'elle participait à une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée, l'administration s'est fondée sur des indices majoritairement erronés ;

- elle a demandé des renseignements concernant la société Metalinium bien avant le début des opérations de vérification qui n'ont débuté qu'en septembre 2016 et ont duré plus d'un an.

- en application de la doctrine administrative (BOI-TVA-DED-10-30, n° 20), seules les sociétés Zeppelium et Metalinium, qui ne constituaient pas des fournisseurs défaillants, pouvaient faire l'objet d'une remise en cause de leur droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ;

- les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas justifiées ;

- elle retire son moyen tiré du défaut de saisine de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure ;

- et les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. À l'issue d'une vérification de sa comptabilité portant sur la taxe sur le chiffre d'affaires au titre de la période du 1er janvier 2013 au 30 juin 2016, la SAS Pourquery DMP, qui exerce une activité de négoce de métaux précieux, a été destinataire d'une proposition de rectification datée du 19 décembre 2017, lui notifiant des rappels en matière de taxe sur la valeur ajoutée portant sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015. L'administration a notamment remis en cause, sur le fondement du 3 de l'article 272 du code général des impôts, l'exercice de son droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée lors de l'acquisition de platine auprès de la société Zeppelium, entre décembre 2013 et décembre 2014 et auprès de la société Metalinium, entre février et novembre 2015, qu'elle a regardées comme étant impliquées dans un circuit de fraude dite " au carrousel ". Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique relève appel du jugement du 18 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon a déchargé la SAS Pourquery DMP des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015.

2. Aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ". Aux termes des I et II de l'article 271 du même code : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. (...) II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : / a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures (...) ". Aux termes du 3 de l'article 272 du même code : " La taxe sur la valeur ajoutée afférente à une livraison de biens ne peut faire l'objet d'aucune déduction lorsqu'il est démontré que l'acquéreur savait ou ne pouvait ignorer que, par son acquisition, il participait à une fraude consistant à ne pas reverser la taxe due à raison de cette livraison ".

3. Il résulte des dispositions de l'article 17 de la sixième directive 77/388/CEE du 17 mai 1977, reprises en substance à l'article 168 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 et dont les dispositions du I et du a) du 1 du II de l'article 271 du code général des impôts citées au point 2 assurent la transposition, que le bénéfice du droit à déduction de taxe sur la valeur ajoutée doit être refusé à un assujetti lorsqu'il est établi, au vu d'éléments objectifs, que celui-ci savait ou aurait dû savoir que, par l'opération invoquée pour fonder ce droit, il participait à une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée commise dans le cadre d'une chaîne de livraisons ou de prestations, ainsi que l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne, notamment par son arrêt du 18 décembre 2014, Staatssecretaris van Financiën c/ Schoenimport " Italmoda " Mariano Previti vof et Turbu.com BV, Turbu.com Mobile Phone's BV (C-131/13, 163/13 et 164/13).

4. Si les opérateurs qui prennent toute mesure pouvant raisonnablement être exigée d'eux pour s'assurer que leurs opérations ne sont pas impliquées dans une fraude, qu'il s'agisse de la fraude à la taxe sur la valeur ajoutée ou d'autres fraudes, ne doivent pas perdre leur droit à déduire la taxe sur la valeur ajoutée acquittée en amont, en revanche, un assujetti qui savait ou aurait dû savoir que, par son acquisition, il participait à une opération impliquée dans une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée, doit être considéré comme participant à cette fraude, indépendamment de la question de savoir s'il tire ou non un bénéfice de la revente des biens, dès lors que, dans une telle situation, l'assujetti devient complice de la fraude, comme l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 6 juillet 2006, Axel Kittel et Recolta Recycling SRPL (C-439/04 et C-440/04).

5. Si l'administration fiscale ne peut exiger de manière générale de l'assujetti souhaitant exercer le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, d'une part, qu'il vérifie que l'émetteur de la facture correspondant aux biens et aux services au titre desquels l'exercice de ce droit est demandé dispose de la qualité d'assujetti, qu'il disposait des biens en cause et était en mesure de les livrer et qu'il a rempli ses obligations de déclaration et de paiement de la taxe, afin de s'assurer qu'il n'existe pas d'irrégularités ou de fraude au niveau des opérateurs en amont, ou, d'autre part, qu'il dispose de documents à cet égard, un opérateur avisé peut, en revanche, lorsqu'il existe des indices permettant de soupçonner l'existence d'irrégularités ou de fraude, se voir contraint de prendre des renseignements sur un autre opérateur auprès duquel il envisage d'acheter des biens ou des services afin de s'assurer qu'il s'est acquitté de ses obligations fiscales, comme l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 21 juin 2012, Mahagében kft (C-80/11). Lorsque les indices permettent de soupçonner une méconnaissance, par un fournisseur de biens ou un prestataire de services, de ses obligations de déclaration ou de paiement de la taxe sur la valeur ajoutée, il appartient ainsi à l'assujetti qui a acquis certains de ces biens ou services, pour les céder à son tour, de s'assurer qu'en ce qui concerne ces biens et services, son fournisseur ou son prestataire s'est acquitté de ses obligations.

6. Enfin, il incombe à l'administration fiscale d'établir les éléments objectifs permettant de conclure que l'assujetti savait ou aurait dû savoir que l'opération invoquée pour fonder le droit à déduction était impliquée dans une fraude. Lorsque sont en cause des opérations similaires réalisées par des sociétés différentes pendant une courte période, ces éléments doivent porter sur chacune de ces sociétés, qu'il s'agisse de l'existence de la fraude reprochée, des indices permettant à l'assujetti mis en cause de la soupçonner ou encore des mesures qui peuvent raisonnablement être exigées.

7. L'administration a relevé, dans la proposition de rectification du 19 décembre 2017, que deux fournisseurs de la société requérante, les sociétés Zeppelium et Metalinium, qui n'avaient pas reversé au Trésor, la taxe sur la valeur ajoutée, étaient insérées dans un circuit de fraude. Les informations obtenues dans le cadre du droit de communication ont permis d'établir que ces sociétés ont perçu des encaissements importants qu'elles ont reversés systématiquement sur un compte situé à Honk Kong, détenu par la société Ultrawave Trading Ltd, ayant pour gérant de fait, leur propre gérant de droit. L'administration a également constaté, qu'en dépit de ces encaissements importants, les sociétés Zeppelium et Metalinium n'avaient reversé au Trésor aucune taxe sur la valeur ajoutée. La SAS Pourquery DMP ne conteste pas sérieusement l'existence d'une fraude commise par ses deux fournisseurs pour la période au titre de laquelle des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ont été mis à sa charge. Ainsi, l'administration doit être regardée comme établissant la preuve qui lui incombe des défaillances de ces sociétés et, par suite, de leur participation à une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée.

8. En ce qui concerne les indices pouvant conduire la SAS Pourquery DMP à soupçonner l'existence d'une fraude fiscale, le service vérificateur a constaté que cette société, qui a été créée le 1er avril 2001, avait effectué auprès des fournisseurs en litige des acquisitions pour des montants importants, représentant 2 124 461 euros en 2014, en ce qui concerne la société Zeppelium, soit 7,41 % des achats de l'exercice, et 3 724 125 euros en 2015, en ce qui concerne la société Metalinium, soit 13,82 % des achats de l'exercice. L'administration a aussi relevé à ce titre que les prix d'achats pratiqués par ces sociétés étaient particulièrement avantageux par rapport à ceux pratiqués par les autres fournisseurs comparables. Par ailleurs, l'administration a également constaté que l'objet social de ces sociétés n'était pas conforme à leur activité. Ainsi, la société Zeppelium, lors de sa création, a déclaré un objet social de commerce de gros non spécialisé, lequel ne correspond pas à son activité effective qui concerne exclusivement le négoce de métaux précieux. Si la société Zeppelium, lors de son inscription au bureau de la garantie, a mentionné l'existence d'une demande de changement de son objet social prenant en compte un tel négoce, cette modification n'a jamais été publiée au registre du commerce et des sociétés. En ce qui concerne la société Metalinium, l'objet social déclaré de commerce de gros d'habillement et de chaussures s'avère également sans rapport avec l'activité effectivement exercée. De même, l'administration a relevé que ces deux sociétés se sont succédé dans l'approvisionnement de la SAS Pourquery DMP, la société Zeppelium ayant cessé toute activité, sans raison apparente, le 28 novembre 2014, alors que la société Metalinium est intervenue dès février 2015 et que ces deux sociétés mentionnent le nom de M. A..., comme contact clients, avec des numéros de téléphone inchangés.

9. La SAS Pourquery DMP fait valoir que le caractère avantageux des prix d'achat pratiqués par les deux fournisseurs litigieux n'est pas établi par l'administration, qui ne pouvait comparer ces relations commerciales avec celles entretenues avec la société Metalor laquelle fait office de " chambre de compensation " et que le taux de rentabilité de la société, pour les deux années, était supérieur, à celui des achats effectués auprès de ces sociétés. Toutefois, ces circonstances ne suffisent pas à elles seules à contredire l'existence des autres indices relevés par l'administration, lesquels devaient permettre à la SAS Pourquery DMP de soupçonner la fraude à la taxe sur la valeur ajoutée, à laquelle participaient ses fournisseurs, les sociétés Zeppelium et Metalinium.

10. En ce qui concerne les diligences mises en œuvre par la SAS Pourquery DMP pour prévenir le risque de participation à une fraude fiscale, le ministre fait valoir que cette société n'avait pas consulté les extraits K-Bis de ses deux fournisseurs, qui lui auraient permis de constater que leur objet social n'était pas conforme à leur activité, comme cela a été rappelé au point 8. Le ministre fait également valoir que la consultation des extraits K-bis aurait permis à la SAS Pourquery DMP de constater le caractère récent de la création de ces sociétés, le 3 décembre 2013, pour la société Zeppelium et le 10 décembre 2014, pour la société Metalinium. Si, sur ce point, la SAS Pourquery DMP fait valoir que l'arrivée de nouveaux fournisseurs sur le marché du négoce des métaux précieux n'avait rien de surprenant, ce marché connaissant alors un fort développement, cette circonstance aurait dû, cependant, l'inciter à prendre connaissance de ces informations concernant ses nouveaux fournisseurs. La consultation des extraits K-bis aurait également permis à la société contribuable de constater que le siège social de la société Metalinium correspondait à une adresse de domiciliation et, surtout, ainsi qu'elle l'admet dans ses écritures, que le capital social de ces deux sociétés, correspondant à 2 000 euros pour chacune d'entre elles, était particulièrement faible eu égard au montant du chiffre d'affaires généré par les seules transactions réalisées avec elles.

11. Si la SAS Pourquery DMP fait valoir qu'elle a fait preuve de diligences particulières en sollicitant des informations particulières à la société Metalinium, en novembre 2015, il résulte de l'instruction qu'elle n'a réalisé ces démarches qu'après la publication, en juin 2015, par l'administration, d'une liste des fournisseurs à risques dans le marché du négoce des métaux précieux. Ainsi, et alors même qu'elle n'était légalement pas en mesure de s'assurer de l'inscription de ses deux fournisseurs auprès du bureau de la garantie, ni de consulter le livre de police qu'ils étaient supposés tenir, la SAS Pourquery DMP, qui se présente comme un opérateur historique sur le marché concerné, ne justifie pas des diligences qu'il lui incombait de mettre en œuvre pour s'assurer du respect, par ses deux nouveaux fournisseurs, de leurs obligations au regard de la taxe sur la valeur ajoutée. Dans ces conditions, cette société ne peut être regardée comme ayant pris les mesures qui pouvaient raisonnablement être exigées d'elle pour s'assurer que ses opérations n'étaient pas impliquées dans une fraude fiscale. Il s'ensuit que l'administration a, à bon droit, remis en cause la taxe sur la valeur ajoutée déduite sur les achats réalisés auprès des fournisseurs Zeppelium et Metalinium.

12. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a retenu qu'il ne démontrait pas que la SAS Pourquery DMP savait ou ne pouvait ignorer qu'en réalisant des achats auprès des sociétés Zeppelium et Metalinium, elle participait à un circuit de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée.

13. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SAS Pourquery DMP devant le tribunal administratif de Lyon et devant la cour.

14. La SAS Pourquery DMP invoque les commentaires administratifs contenus dans le paragraphe 20 de l'instruction du BOI-TVA-DED-10-30 selon lequel " la remise en cause du droit à déduction ne peut donc s'exercer qu'à raison de la seule taxe facturée directement à l'acquéreur par son fournisseur défaillant (exemple 1). Un acquéreur ne peut se voir remettre en cause le bénéfice du droit à déduction au motif qu'un fournisseur situé en amont de son fournisseur direct dans la chaîne est défaillant (exemple 2). " Toutefois, la remise en cause du droit à déduction de la SAS Pourquery DMP est motivée par la participation de deux fournisseurs directs de cette société à un circuit de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée, l'administration ayant notamment relevé que ces fournisseurs n'avaient reversé aucune taxe sur la valeur ajoutée au Trésor à raison de leurs ventes à la SAS Pourquery DMP. Dès lors, cette dernière, qui n'entre pas dans les prévisions de l'exemple 2 des commentaires administratifs qu'elle invoque, n'est pas fondée à s'en prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

15. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

16. Pour faire application de la majoration de 40 % pour manquement délibéré, l'administration a relevé que la SAS Pourquery DMP savait ou ne pouvait ignorer que les sociétés Zeppelium et Metalinium étaient, au moment où elles émettaient leurs factures, impliquées, à des degrés divers, dans des fraudes à la taxe sur la valeur ajoutée dont des fraudes de type " carrousel ". Il résulte de ce qui vient d'être dit, que la société disposait d'indices qui auraient dû la conduire à effectuer des diligences appropriées. Si, ainsi que le fait valoir la SAS Pourquery DMP, elle a accompli des diligences concernant la situation de la société Metalinium, en novembre 2015, il résulte de l'instruction, comme cela a déjà été dit, qu'elle n'a réalisé ces démarches qu'après la publication, en juin 2015, par l'administration d'une liste des fournisseurs à risques dans le marché du négoce des métaux précieux. Par suite, la mise en œuvre tardive par la société des diligences nécessaires, traduisant ainsi sa volonté délibérée d'éluder l'impôt, justifie le bien-fondé de l'application de la pénalité pour manquement délibéré aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige. Dès lors, la SAS Pourquery DMP n'est pas fondée à en demander la décharge.

17. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a prononcé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la SAS Pourquery DMP, au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015.

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la SAS Pourquery DMP demande à ce titre.

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif de Lyon du 18 octobre 2022 sont annulés.

Article 2 : Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée, en droits et pénalités, à hauteur de la somme totale de 1 446 093 euros (520 027 euros pour l'année 2014 et 926 066 euros pour l'année 2015) sont remis à la charge de la SAS Pourquery DMP.

Article 3 : Les conclusions présentées pour la SAS Pourquery DMP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Pourquery DMP et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 6 juillet 2023 à laquelle siégeaient :

M. Hermitte, président de la cour ;

M. B..., premier vice-président ;

Mme Dèche, présidente assesseure.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 août 2023.

La rapporteure,

P. Dèche

Le président,

G. Hermitte

La greffière,

A.-C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY03450

al


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY03450
Date de la décision : 03/08/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : M. HERMITTE
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : CABINET RATHEAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-08-03;22ly03450 ?
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