Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du centre hospitalier de Die du 24 mai 2019 refusant de reconnaître comme maladie professionnelle les pathologies déclarées après le 27 octobre 2016, d'enjoindre audit centre de statuer à nouveau et de reconnaître comme maladie professionnelle lesdites pathologies et condamner ledit centre au versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1904968 du 22 mars 2022, ce tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 mai 2022, Mme B... A..., représentée par Me Lamamra, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1904968 du 22 mars 2022 ;
2°) d'annuler la décision n° 2019-0341 du centre hospitalier de Die du 24 mai 2019 ;
3°) d'enjoindre au centre hospitalier de Die de statuer de nouveau, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, en faveur d'une reconnaissance de l'imputabilité au service des arrêts de travail postérieurs au 16 février 2017, le cas échéant, d'une prise en charge au titre de la maladie professionnelle des pathologies déclarées le 27 avril 2016 pour la période postérieure au 16 avril 2017 ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Die une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier, le tribunal ayant omis de répondre au moyen tiré de l'erreur de fait commise par le centre hospitalier de Die, en ce que sa décision se fonde sur les pathologies de l'épaule et du poignet droits, alors que l'épisode de rechute déclaré au titre de la maladie professionnelle ayant donné lieu aux arrêts de travail à compter du 27 avril 2016 concerne le coude droit ;
- la décision n°2019-0341 du 24 mai 2019 est entachée d'une erreur de fait, d'une erreur d'appréciation et d'une erreur de droit attachées au refus de prise en charge de ses arrêts de travail postérieurs au 16 février 2017 au titre de la maladie professionnelle.
Par un mémoire en défense enregistré le 18 juillet 2022, le centre hospitalier de Die, représenté par Me Blanc, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de condamner Mme A... à supporter les frais irrépétibles à concurrence d'un montant de 2 000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que le tribunal administratif de Grenoble n'a commis ni erreur de fait, ni erreur de droit, Mme A... ne démontrant pas l'existence d'une rechute de sa pathologie du coude droit, ou d'une aggravation, postérieure au 16 février 2016, date de la consolidation de sa pathologie du coude droit reconnue comme maladie professionnelle.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relative à la fonction publique hospitalière ;
- le décret n° 88-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires ;
- le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés maladie des agents de la fonction publique hospitalière ;
- l'arrêté relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;
- l'avis du Conseil d'État n° 450102 du 15 octobre 2021 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bourrachot, rapporteur,
- les conclusions de Mme Mathilde Le Frapper, rapporteure publique,
- et les observations de Me Blanc, représentant le centre hospitalier de Die.
Considérant ce qui suit :
1. Le 11 février 2014, Mme A..., aide-soignante titulaire au centre hospitalier de Die a ressenti une vive douleur au coude droit en manipulant un patient et par la suite, a été opérée du nerf cubital droit le 25 mars 2014. Par décision du 21 janvier 2016, le directeur du centre hospitalier de Die a reconnu l'imputabilité au service de cette pathologie du coude droit avec une date de consolidation sans séquelle, fixée au 26 avril 2015. Le 24 juillet 2014 et le 5 octobre 2015, Mme A... a vainement demandé une reconnaissance d'imputabilité au service de deux autres pathologies, à l'épaule droite puis à l'épaule gauche. Mme A... a présenté un nouvel épisode douloureux du coude droit le 27 avril 2016 et le directeur du centre hospitalier de Die a reconnu cette " rechute " au coude droit imputable au service par une décision du 20 octobre 2016. Le 26 juin 2017, le centre hospitalier de Die a fixé la date de consolidation de la pathologie du coude droit au 16 février 2017 et a refusé la prise en charge au titre du service des congés et soins postérieurement à cette date, en s'appuyant sur l'avis rendu par la commission de réforme le 4 avril 2017. Le 21 mars 2018, le centre hospitalier de Die a décidé de la mise en retraite pour invalidité de Mme A... à compter du 1er avril 2018. Plusieurs procédures ont été engagées par Mme A... devant les juridictions administratives concernant ces différentes pathologies. Mme A... a saisi le tribunal administratif de Grenoble le 18 mars 2016 d'une demande en annulation des décisions portant refus de reconnaissance d'imputabilité au service des pathologies des épaules droite et gauche. Le tribunal administratif de Grenoble, dans son jugement n° 1601556 du 22 janvier 2019, a annulé les décisions portant sur les deux épaules et ce jugement a été confirmé le 3 novembre 2021 par la cour administrative d'appel de Lyon. Mme A... a également saisi le tribunal administratif de Grenoble les 15 mars 2017 et 26 octobre 2017 de demandes en annulation de la décision du 26 juin 2017 par laquelle le centre hospitalier a fixé la date de consolidation de sa pathologie du coude droit au 16 février 2017, a limité son taux d'incapacité permanente partielle à 5 %, a constaté son inaptitude totale et a refusé de prendre en charge les soins et arrêts de travail au-delà de la date de consolidation du 16 février 2017. Le tribunal administratif de Grenoble, dans son jugement du n° 17015501706126 du 22 janvier 2019, a partiellement annulé la décision du 26 juin 2017 en tant qu'elle met fin à la prise en charge des arrêts de travail et des soins de Mme A... après le 16 février 2017 et a enjoint au centre hospitalier de Die de procéder au réexamen de la situation administrative de Mme A.... Le 24 mai 2019, le directeur du centre hospitalier de Die a de nouveau décidé de ne pas reconnaitre les arrêts de travail postérieurs au 16 février 2017 comme imputables au service. Par une requête n° 1904968 enregistrée le 20 juillet 2019, Mme A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 24 mai 2019 et d'enjoindre au centre hospitalier de Die de statuer de nouveau. Mme A... relève appel du jugement du 22 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'annulation et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement et d'examiner les autres moyens de la requête :
2. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 applicable en l'espèce : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs (...). Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...). Toutefois, si la maladie provient (...) d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. (...) ".
3. D'une part, en application de ces dispositions, il y a lieu de vérifier l'imputabilité à un accident de service initial d'épisodes douloureux intervenant postérieurement à l'octroi d'un premier congé de maladie sans se fonder sur la notion inopérante de " rechute ", étrangère aux dispositions statutaires applicables à ce type de situation. L'apparition de symptômes identiques à ceux ayant conduit au premier arrêt de travail à la suite d'un accident de service suffit pour considérer qu'il existe un lien direct et certain entre ces symptômes et l'accident de service initial.
4. D'autre part, si les effets d'un accident de service peuvent être aggravés par l'existence d'un état pathologique antérieur, la maladie imputable à un accident de service se caractérise par la récidive ou l'aggravation subite et naturelle de l'affection initiale après sa consolidation sans intervention d'une cause extérieure.
5. Il ressort des pièces du dossier que le centre hospitalier de Die, dans sa décision du 13 avril 2015, a reconnu comme " maladie professionnelle " la pathologie du coude droit déclarée le 11 février 2014. S'agissant d'une lésion survenue brutalement à l'occasion de la manipulation d'un patient, c'est à tort que le centre hospitalier de Die n'a pas regardé cette pathologie comme imputable à un accident de service. Par une décision du 20 octobre 2016 le centre hospitalier de Die a regardé le nouvel épisode douloureux du coude droit du 27 avril 2016 comme une " rechute " de la maladie professionnelle du coude droit. Il résulte des dispositions de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1985, telles qu'interprétées ci-dessus, que c'est également à tort que l'apparition de ces symptômes identiques a été considérée comme n'étant pas en lien direct et certain avec l'accident de service initial. Si le rapport d'expertise du 16 février 2017 indique que l'état de santé de l'agent peut être considéré comme consolidé à la date du 16 février 2017, il conclut que la prise en charge des arrêts de travail au-delà de la date de consolidation est en lien avec un accident de service jusqu'à la mise en invalidité. Le chirurgien orthopédique, dans son compte rendu de consultation de suivi du 15 février 2017, indique que Mme A... se plaint de douleurs et de faiblesse persistantes au niveau du coude droit et l'électromyogramme du 19 mai 2017 montre une atteinte persistante du nerf ulnaire droit. Les arrêts de travail postérieurs au 16 février 2017 ne sont que la prolongation des arrêts réalisés suite à la rechute de la pathologie du coude droit. Lors de sa séance du 4 avril 2017, la commission de réforme hospitalière a décidé de ne pas suivre les conclusions de l'expertise du 16 février 2017 et a émis un avis défavorable à la prise en charge des arrêts de travail et des soins à compter du 17 février 2017 en fondant cette fin d'imputabilité au service à partir de la date de consolidation sur l'affirmation, contredite par le rapport d'expertise, de l'existence d'une pathologie indépendante, évoluant pour son propre compte. Dans sa décision du 26 juin 2017, le centre hospitalier de Die, s'appuyant sur cet avis, a refusé de prendre en charge comme imputable au service les arrêts de travail à compter du 17 février 2017. De même, dans sa décision du 24 mai 2019, prise après l'annulation de sa décision du 26 juin 2017 par le tribunal administratif de Grenoble le 22 janvier 2019, le centre hospitalier de Die a de nouveau refusé de prendre en charge, comme imputables au service, les arrêts de travail à compter du 17 février 2017 en se référant au même avis de la commission, en se fondant de manière erronée sur la date de consolidation et sans invoquer un état antérieur ou une cause extérieure. Dès lors, en refusant de reconnaitre imputables au service les arrêts de travail et soins postérieurs à la date de consolidation du 16 février 2017 pour les douleurs chroniques du coude droit apparues à nouveau le 27 avril 2016, dont la symptomatologie était similaire à l'accident de travail du 11 février 2014, le centre hospitalier de Die a commis une erreur de droit et méconnu les dispositions précitées de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ".
7. L'annulation, pour violation des dispositions de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986, d'une décision refusant de prendre en charge des arrêts de travail et des soins au titre d'un accident de service implique nécessairement la prise d'une nouvelle décision dans le sens contraire. Par suite, en application des dispositions de l'article L.911-1 du code de justice administrative, il y a lieu d'enjoindre au directeur du centre hospitalier de Die, en exécution du présent arrêt, de prendre une décision de prise en charge au titre de l'imputabilité au service des arrêts de travail postérieurs à la date du 16 février 2017.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
8. Il résulte des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Die, partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme de 2 000 euros, au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens. En revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de Mme A... qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1904968 du 22 mars 2022 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.
Article 2 : La décision n° 2019-0341 du centre hospitalier de Die du 24 mai 2019 est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au centre hospitalier de Die de reconnaitre imputable au service et de prendre en charge les arrêts de travail de Mme A... postérieurs au 16 février 2017.
Article 4 : Le Centre hospitalier de Die versera à Mme A... une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au centre hospitalier de Die.
Délibéré après l'audience du 6 juillet 2023, à laquelle siégeaient :
M. Hermitte, président de la cour,
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Dèche, présidente assesseure.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 août 2023.
Le rapporteur,
F. Bourrachot
Le président,
G. Hermitte
La greffière,
A-C. Ponnelle
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la fonction et de la transformation publiques en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N°22LY01563
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