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02/08/2023 | FRANCE | N°23LY00867

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 02 août 2023, 23LY00867


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SCI Peymirat a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les arrêtés des 16 février et 2 mai 2022 par lesquels le maire de la commune des Allues a délivré à la SAS Les Chalets d'Ourea des permis de construire.

Par une ordonnance n° 2204081 du 9 janvier 2023, le président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 9 mars 2023, et un mémoire, non communiqué, enregistré le 22

juin 2023, la SCI Peymirat, représentée par Me Cottin, demande à la cour :

1°) d'annuler cette o...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SCI Peymirat a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les arrêtés des 16 février et 2 mai 2022 par lesquels le maire de la commune des Allues a délivré à la SAS Les Chalets d'Ourea des permis de construire.

Par une ordonnance n° 2204081 du 9 janvier 2023, le président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 9 mars 2023, et un mémoire, non communiqué, enregistré le 22 juin 2023, la SCI Peymirat, représentée par Me Cottin, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Grenoble du 9 janvier 2023 ;

2°) d'annuler les arrêtés des 16 février et 2 mai 2022 par lesquels le maire de la commune des Allues a délivré à la SAS Les Chalets d'Ourea des permis de construire ;

3°) de mettre à la charge de la commune des Allues et de la SAS Les Chalets d'Ourea le versement, chacune, de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal ne pouvait rejeter par ordonnance sa demande dirigée contre les permis de construire, un mémoire en défense ayant été produit sans donner de délai de réponse et la contradiction devant par suite être menée à son terme ;

- le tribunal ne pouvait rejeter par ordonnance les conclusions tendant à l'annulation du permis de construire modificatif, à défaut d'avoir adressé une invitation à régulariser à la société requérante ;

- après évocation, les conclusions dirigées contre le permis de construire initial ne sont pas tardives et la société a intérêt à contester les permis en litige ; il n'est pas justifié de l'existence d'une délégation régulièrement publiée pour signer le permis de construire modificatif et l'empêchement du maire n'est pas démontré ; le dossier de permis de construire est incomplet, en méconnaissance des dispositions des articles R. 431-8, R. 431-9 et R 431-10 du code de l'urbanisme ; les dispositions des articles Ub 3, Ub 4, Ub 6, Ub 7, Ub 10, Ub 11, Ub 12 et Ub 13 du règlement du PLU sont méconnues et des erreurs manifestes d'appréciation au regard des articles R. 111-2 et R. 111-27 du code de l'urbanisme ont été commises.

Par un mémoire, enregistré le 25 mai 2023, la SAS Les Chalets d'Ourea, représentée par Me Bichelonne, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mehl-Schouder, présidente-rapporteure,

- les conclusions de M. Laval, rapporteur public,

- et les observations de Me Hincker, pour la SCI Peymirat, et de Me Bichelonne, pour la SAS les Chalets d'Ourea.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 16 février 2022, le maire de la commune des Allues a délivré à la SAS Les Chalets d'Ourea un permis de construire un immeuble de quatorze logements d'une surface de plancher de 1 350 m², sur un terrain situé ..., au lieu-dit Méribel-Mottaret. Par un arrêté du 2 mai 2022, il a délivré à cette même société un permis de construire modificatif. La SCI Peymirat, qui a acquis un lot de copropriété dans l'immeuble situé sur la parcelle cadastrée section ..., a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler ces deux arrêtés. Elle relève appel de l'ordonnance du 9 janvier 2023 du président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Grenoble rejetant ses demandes, comme étant tardive pour celle concernant le permis de construire initial, et comme ayant été présentée par un requérant dépourvu d'intérêt à agir pour celle portant sur le permis de construire modificatif.

Sur la régularité de l'ordonnance :

2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, les premiers vice-présidents des tribunaux et des cours (...), les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours (...) peuvent, par ordonnance : / (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens (...) ". Aux termes de l'article R. 612-1 du même code : " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser. / (...) / La demande de régularisation mentionne que, à défaut de régularisation, les conclusions pourront être rejetées comme irrecevables dès l'expiration du délai imparti qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours (...) ".

3. Les requêtes manifestement irrecevables qui peuvent être rejetées par ordonnance en application des dispositions de l'article R. 222-1 citées au point 2 sont, tout d'abord, celles dont l'irrecevabilité ne peut en aucun cas être couverte, ensuite, celles qui ne peuvent être régularisées que jusqu'à l'expiration du délai de recours, si ce délai est expiré et, enfin, celles qui ont donné lieu à une invitation à régulariser, si le délai que la juridiction avait imparti au requérant à cette fin, en l'informant des conséquences qu'emporte un défaut de régularisation comme l'exige l'article R. 612-1 du code de justice administrative, est expiré.

4. En premier lieu, dans ses observations enregistrées le 22 septembre 2022, la SAS Les Chalets d'Ourea, bénéficiaire des permis en litige, a soulevé des fins de non-recevoir tirées, d'une part, du défaut d'intérêt à agir de la société requérante contre le permis de construire modificatif et, d'autre part, de la tardiveté des conclusions dirigées contre le permis initial. Ce mémoire a été communiqué à la SCI Peymirat, qui a répondu sur ces deux points par un mémoire enregistré le 22 novembre 2022, en relevant plus particulièrement que les projets en litige portent atteinte aux conditions de jouissance de son bien, ce qui lui confère un intérêt lui donnant qualité à agir, et que les différences relevées dans le dernier affichage par rapport aux affichages précédents faisaient obstacle à ce qu'il puisse être regardé comme ayant été continu. Si le mémoire de la commune des Allues enregistré le 2 décembre 2022 a été communiqué à la société requérante sans lui donner de délai pour produire ses observations, il se borne à reprendre les fins de non-recevoir déjà opposées par la SAS Les Chalets d'Ourea et sur lesquelles la SCI Peymirat avait déjà apporté ses éléments de réponse. Dans ces conditions, contrairement aux allégations de la société requérante, l'instruction ainsi conduite ne faisait pas obstacle à ce que le président de la 5ème chambre du tribunal administratif fasse usage des pouvoirs définis au 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, et il pouvait ainsi, sans entacher son ordonnance d'irrégularité ou méconnaître les exigences du caractère contradictoire de la procédure, rejeter par ordonnance la demande tendant à l'annulation des permis de construire après la mise à l'instruction du dossier et après avoir, comme en l'espèce, invité les parties à présenter leurs observations.

5. En second lieu, un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol ne peut être rejeté comme manifestement irrecevable pour défaut d'intérêt pour agir, par une ordonnance prise sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, sans avoir au préalable invité le requérant à régulariser sa requête en apportant les précisions permettant d'en apprécier la recevabilité au regard des exigences de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme et sans l'avoir informé des conséquences qu'emporterait un défaut de régularisation dans le délai imparti comme l'exige l'article R. 612-1 du code de justice administrative.

6. Pour rejeter comme manifestement irrecevable, par une ordonnance prise sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, la demande de la SCI Peymirat tendant à l'annulation du permis de construire modificatif délivré le 2 mai 2022 à la SAS Les Chalets d'Ourea par le maire de la commune des Allues, le président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Grenoble a retenu que le demandeur ne justifiait pas d'un intérêt pour agir. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'en statuant ainsi sans avoir au préalable invité la requérante à régulariser sa requête en apportant les précisions permettant d'en apprécier la recevabilité au regard des exigences de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme et sans l'avoir informée des conséquences qu'emporterait un défaut de régularisation dans le délai imparti comme l'exige l'article R. 612-1 du code de justice administrative, l'auteur de l'ordonnance attaquée l'a entachée d'irrégularité, sans que la société bénéficiaire puisse utilement se prévaloir de ce que l'intérêt à agir avait fait l'objet de développements dans les écritures de la société requérante et que celle-ci avait un délai suffisant pour compléter, si elle le souhaitait, ses écritures sur ce point.

7. Il résulte de ce qui précède que l'ordonnance attaquée doit être annulée en tant qu'elle statue sur ce permis modificatif. Il y a lieu pour la cour de se prononcer immédiatement sur les conclusions dirigées contre le permis de construire modificatif par la voie de l'évocation et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions de la SCI Peymirat.

Sur la recevabilité des conclusions dirigées contre le permis initial :

8. Aux termes de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme : " Le délai de recours contentieux à l'encontre d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15. ". Aux termes de l'article R. 424-15 du même code : " Mention du permis explicite ou tacite ou de la déclaration préalable doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté ou dès la date à laquelle le permis tacite ou la décision de non-opposition à la déclaration préalable est acquis et pendant toute la durée du chantier ". L'article A. 424-18 du même code précise, enfin, que : " Le panneau d'affichage doit être installé de telle sorte que les renseignements qu'il contient demeurent lisibles de la voie publique ou des espaces ouverts au public pendant toute la durée du chantier ".

9. S'il incombe au bénéficiaire d'un permis de construire de justifier qu'il a bien rempli les formalités d'affichage prescrites par les dispositions précitées, le juge doit apprécier la continuité de l'affichage en examinant l'ensemble des pièces qui figurent au dossier qui lui est soumis.

10. Les trois constats d'huissier des 22 février, 23 mars et 23 avril 2022 établissent que le permis de construire délivré le 16 février 2022 a été affiché régulièrement sur le terrain d'assiette du projet le 18 février 2022, et ni les différences des mentions portées sur le dernier affichage relatives à l'adresse exacte de la mairie à Les Allues, qui n'ont pas empêché la requérante d'apprécier l'importance ou la consistance du projet et d'aller en mairie pour prendre connaissance du dossier de permis, ni la circonstance, alléguée, que certains de ces constats n'auraient pas été faits de manière " inopinée ", ne font obstacle à ce qu'il soit regardé comme ayant été fait sur une période continue de deux mois. Cet affichage faisait ainsi courir le délai de recours contentieux de deux mois. La requête introductive d'instance, enregistrée le 4 juillet 2022 au tribunal, a, par suite, été présentée tardivement.

11. La SCI Peymirat n'est dès lors pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions contre le permis de construire initial du 16 février 2022 comme manifestement tardives et, par suite, irrecevables.

Sur la recevabilité des conclusions dirigées contre le permis modificatif :

12. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ".

13. Lorsqu'un requérant, sans avoir utilement contesté le permis initial, forme un recours contre un permis de construire modificatif, son intérêt pour agir doit être apprécié au regard de la seule portée des modifications apportées par le permis modificatif au projet de construction initialement autorisé.

14. En l'espèce, le permis modificatif délivré le 2 mai 2022, qui ne modifie pas la hauteur et diminue légèrement la surface hors œuvre créée, porte sur quelques modifications de façades, la création d'un auvent et d'une jardinière au niveau de l'entrée, la suppression d'une jardinière du côté sud-est, la création d'une terrasse accessible R+1, la suppression d'une place de stationnement en partie sud-ouest et la réalisation de six places sur la partie haute au sud-est après élévation d'un enrochement bétonné, réalisation d'un enrobé et la pose d'un garde-corps bois ou métal, la redistribution des emplacements pour les stationnements en partie nord-est en ajoutant une place supplémentaire, le déplacement d'une cuve en réduisant l'emprise de l'espace vert, la suppression de deux escaliers extérieurs reliant le R+4, la création d'un escalier extérieur reliant le R+6, et il apporte enfin quelques modifications de façades. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les quelques modifications ainsi apportées au projet initial autorisé par un permis de construire devenu définitif, induiraient pour elle un préjudice de vue ou d'ensoleillement ou qu'elles auraient une incidence sur l'intimité ou le niveau sonore telle qu'elle affecterait directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien de la SCI Peymirat, étant au demeurant relevé que cette dernière n'établit pas qu'elle aurait une vue sur l'enrochement réalisé en contrebas de la route du Laitelet pour faire des places supplémentaires et que le permis modificatif n'ajoute que trois places de stationnement extérieures. Il en résulte que la SCI Peymirat ne justifie pas avoir un intérêt à contester le permis modificatif en litige. Par suite, cette dernière n'était pas recevable à en demander l'annulation.

15. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que la SCI Peymirat n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions dirigées contre le permis de construire initial du 16 février 2022 et, d'autre part, qu'elle n'est pas fondée à demander l'annulation du permis de construire modificatif délivré le 2 mai 2022.

Sur les frais liés au litige :

16. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 2204081 du 9 janvier 2023 du président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Grenoble est annulée en tant qu'elle statue sur les conclusions en annulation dirigées contre le permis modificatif.

Article 2 : Les conclusions tendant à l'annulation du permis modificatif du 2 mai 2022 sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par la SCI Peymirat est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par la SAS Les Chalets d'Ourea sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Peymirat, à la commune des Allues et à la SAS Les Chalets d'Ourea.

Délibéré après l'audience du 4 juillet 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,

Mme Camille Vinet, présidente assesseure,

Mme Claire Burnichon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 août 2023.

La présidente-rapporteure,

M. Mehl-SchouderLa présidente-assesseur,

C. Vinet

La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 23LY00867


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