Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 5 juillet 2021 par lequel le préfet de la Nièvre a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays à destination duquel il pourra être renvoyé d'office, et d'enjoindre au préfet de la Nièvre de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale ".
Par un jugement n° 2102001 du 17 février 2022, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 25 mars 2022, présentée pour M. A..., il est demandé à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 2102001 du 17 février 2022 et l'arrêté susmentionné du 5 juillet 2021 ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Nièvre de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " ;
3°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 2 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision de refus de délivrance du titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il justifie de son identité par les documents d'état civil qu'il a produits, qu'il justifie du caractère réel et sérieux de sa formation et qu'il n'a plus de liens familiaux dans son pays d'origine ; elle méconnaît également les dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du même code ;
- la décision d'éloignement est illégale en conséquence de l'illégalité du refus de séjour ; elle porte atteinte à la vie privée et familiale de M. A....
Par un mémoire enregistré le 26 avril 2022, le préfet de la Nièvre conclut au rejet de la requête de M. A....
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le décret n° 2015-1740 du 24 décembre 2015 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Seillet, président assesseur, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., qui déclare être de nationalité guinéenne et être né le 25 mars 2002 à Kissidougou (République de Guinée), est entré irrégulièrement en France en mars 2018, selon ses déclarations, et il a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance du département de la Nièvre, lesquels ont sollicité pour son compte, le 29 juin 2020, une carte de séjour temporaire, sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet de la Nièvre du 5 juillet 2021 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourra être renvoyé d'office.
Sur la décision de refus de délivrance du titre de séjour :
2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ".
3. Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions dans le cadre de l'admission exceptionnelle au séjour, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans et qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Ce n'est que si ces conditions préalables sont remplies que le préfet, sous le contrôle juridictionnel de l'erreur manifeste, doit prendre en compte la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française.
4. D'autre part, aux termes de l'article R. 431-10 du même code : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil ; / 2° Les documents justifiants de sa nationalité ". Aux termes de l'article L. 811-2 de ce code, la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. Aux termes de ce dernier article : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". En vertu de l'article 1er du décret du 24 décembre 2015 susvisé relatif aux modalités de vérification d'un acte de l'état civil étranger : " Lorsque, en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger, l'autorité administrative saisie d'une demande d'établissement ou de délivrance d'un acte ou de titre procède ou fait procéder, en application de l'article 47 du code civil, aux vérifications utiles auprès de l'autorité étrangère compétente, le silence gardé pendant huit mois vaut décision de rejet (...) ".
5. Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger et pour écarter la présomption d'authenticité dont bénéficie un tel acte, l'autorité administrative procède aux vérifications utiles ou y fait procéder auprès de l'autorité étrangère compétente. L'article 47 du code civil précité pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays. Il incombe donc à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.
6. Pour refuser de délivrer à M. A... le titre de séjour sollicité, le préfet de la Nièvre a estimé que l'intéressé avait commis une fraude en produisant de faux documents à l'appui de sa demande de titre de séjour et qu'il ne démontrait pas, par conséquent, son identité ni sa minorité. Pour remettre en cause la force probante de ces documents, un jugement supplétif du tribunal de première instance de Kissidougou du 28 février 2019, un " acte du registre de l'état civil (naissance) " retranscrivant ce jugement, un extrait d'acte de naissance établi à Kissidougou le 10 juin 2019 et un certificat de nationalité daté du 4 janvier 2021, le préfet de la Nièvre s'est fondé, en particulier, sur un rapport d'analyse documentaire des services de la police aux frontières, en date du 18 mai 2021, rédigé par un analyste dont la qualification pour opérer de tels constats résulte de son affectation dans un service spécialisé à raison d'une formation à cette fin et de son agrément par le bureau de la fraude documentaire, dont il résulte en particulier que les documents produits, outre qu'ils ne comportent aucune sécurité documentaire, comportent tous des irrégularités résultant notamment d'incohérences de dates et de signatures, de la falsification de tampons, de fautes d'orthographes et de nombreuses autres irrégularités, reprises notamment d'un document à l'autre. Si M. A... a produit une carte consulaire, ce document est dépourvu de toute force probante pour l'application de l'article 47 du code civil dès lors qu'il ne constitue pas un acte d'état civil. Dès lors, et alors que le requérant se borne à nier le caractère faux de ces documents, le préfet a pu en déduire que les documents d'état civil produits à l'appui de la demande de titre de séjour étaient entachés de fraude et ne pouvaient par suite être regardés comme faisant foi. Par suite, le préfet de la Nièvre pouvait, nonobstant le sérieux de la formation suivie par le requérant et l'absence alléguée de lien familiaux dans le pays d'origine de M. A..., légalement se fonder sur ce seul motif pour rejeter la demande de l'intéressé, dont il n'est dans ces conditions pas davantage établi qu'elle avait été présentée dans l'année ayant suivi son dix-huitième anniversaire. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit donc être écarté.
7. En second lieu, les moyens tirés d'une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale, d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une méconnaissance des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés par les motifs retenus par les premiers juges et qu'il y a lieu, pour la cour, d'adopter.
Sur la décision d'éloignement :
8. En premier lieu, eu égard à ce qui précède, la décision d'obligation de quitter le territoire français n'est pas illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de séjour.
9. En second lieu, pour les motifs énoncés au point 7, les moyens tirés d'une violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
10. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et tendant à la mise à la charge de l'État d'une somme au titre des frais liés au litige.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Nièvre.
Délibéré après l'audience du 6 juillet 2023 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Djebiri, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juillet 2023.
Le rapporteur,
Ph. SeilletLe président,
V.-M. Picard
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY00886
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