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12/07/2023 | FRANCE | N°22LY01179

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 12 juillet 2023, 22LY01179


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 14 octobre 2021 par lequel le préfet de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement .

Par un jugement n° 2200410 du 17 mars 2022 le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Procédure devant la cou

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Par une requête, enregistrée le 19 avril 2022, M. B..., représenté par Me Borges de Deus ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 14 octobre 2021 par lequel le préfet de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement .

Par un jugement n° 2200410 du 17 mars 2022 le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 19 avril 2022, M. B..., représenté par Me Borges de Deus Correia, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 17 mars 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 14 octobre 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Drôme de lui délivrer un titre de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le tribunal, qui a renversé la charge de la preuve de la suite judiciaire donnée à la plainte de son épouse, a entaché son jugement d'irrégularité en ne faisant pas usage de ses pouvoirs d'instruction pour exiger de la préfecture l'indication de la suite donnée à ladite plainte et la production de la totalité de procédure d'enquête afin de garantir le respect des principes de loyauté et du contradictoire ;

- le tribunal ne pouvait s'abstenir d'analyser sa note en délibéré et d'en tenir compte ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a écarté son moyen tiré du vice de procédure en l'absence de saisine préalable de la DIRECCTE, alors que sa demande de titre de séjour était accompagnée des formulaires " Cerfa " de demande d'autorisation de travail dûment complétés par son futur employeur et accompagnés des pièces nécessaires ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a considéré qu'il représente une menace pour l'ordre public ; les faits pour lesquels il a été condamné sont anciens et antérieurs à la reprise de la vie commune avec son épouse ; il convient de prendre en compte l'ensemble des éléments du dossier et en particulier le comportement ambivalent de cette dernière, dont la plainte pour des faits de harcèlement commis du 7 août 2020 au 14 mars 2021 a été classée sans suite.

Par un mémoire, enregistré le 10 mars 2023, la préfète de la Drôme conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés sont infondés.

Par une décision du 31 août 2022, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. B....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant tunisien né le 15 août 1988, est entré en France, en dernier lieu, le 5 mai 2016, muni d'un visa de long séjour valant titre de séjour. Il a bénéficié en qualité de conjoint d'une ressortissante française d'un titre de séjour du 29 avril 2017 au 5 juillet 2019. Par décisions du 19 novembre 2019, le préfet de l'Ardèche a refusé de lui renouveler son titre, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Par une décision du 14 janvier 2020, le préfet de l'Ardèche l'a assigné à résidence. Par un jugement n° 1909464 du 20 janvier 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté les conclusions dirigées contre les décisions du 19 novembre 2019 portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination et a renvoyé devant une formation collégiale le surplus des conclusions de M. B.... Par un jugement n° 1909464 du 19 mai 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté les conclusions tendant à l'annulation des décisions portant refus d'admission au séjour et refus implicite de délivrance d'un titre de séjour d'une durée de dix ans. Par un arrêt n° 20LY00429 du 4 décembre 2020, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé le jugement n° 1909464 du magistrat désigné du 20 janvier 2020, les décisions du préfet de l'Ardèche du 19 novembre 2019 portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixation du pays de destination et assignation à résidence. En exécution de l'arrêt de la cour ayant enjoint au préfet territorialement compétent de réexaminer la situation de M. B... et l'intéressé ayant, entretemps, demandé une carte de séjour portant la mention " salarié ", le préfet de la Drôme, après examen de sa situation, lui a opposé un nouveau refus, par un arrêté du 14 octobre 2021, assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 17 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 14 octobre 2021.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur les points en litige au vu des éléments versés au dossier par les parties. S'il peut écarter des allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées, il ne saurait exiger de l'auteur du recours que ce dernier apporte la preuve des faits qu'il avance. Le cas échéant, il revient au juge, avant de se prononcer sur une requête assortie d'allégations sérieuses non démenties par les éléments produits par l'administration en défense, de mettre en œuvre ses pouvoirs généraux d'instruction des requêtes et de prendre toutes mesures propres à lui procurer, par les voies de droit, les éléments de nature à lui permettre de former sa conviction, en particulier en exigeant de l'administration compétente la production de tout document susceptible de permettre de vérifier les allégations du demandeur.

3. Pour refuser à M. B... la délivrance du titre de séjour sollicité, le préfet de la Drome a opposé un motif tiré de la menace pour l'ordre public qu'il représente, au regard, d'une part, de sa condamnation le 4 juillet 2019 par le tribunal correctionnel de Privas à une peine de 6 mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits de violence sur son épouse, commis du 26 au 27 mai 2019, d'autre part, des faits pour lesquels il est connu des services de police, également pour des violence de même nature en 2018 ainsi que pour des faits de harcèlement commis du 7 août 2020 au 14 mars 2021. En écartant au point 7 du jugement attaqué, le moyen de M. B... tiré de l'absence de menace pour l'ordre public sans exiger de la préfecture qu'elle produise davantage d'éléments de la procédure d'enquête, en particulier la suite judiciaire donnée à la plainte de son épouse pour harcèlement, le tribunal, qui s'est estimé suffisamment informé, a formé sa conviction sur les points en litige au vu des éléments versés au dossier par les parties. En procédant ainsi, sans mettre en œuvre ses pouvoirs généraux d'instruction, il n'a pas méconnu les règles rappelées au point précédent.

4. Lorsque le juge administratif est saisi, postérieurement à la clôture de l'instruction et au prononcé des conclusions du rapporteur public, d'une note en délibéré émanant d'une des parties à l'instance, il lui appartient dans tous les cas d'en prendre connaissance avant la séance au cours de laquelle sera rendue la décision. S'il a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, de rouvrir l'instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans la note en délibéré, il n'est tenu de le faire à peine d'irrégularité de sa décision que si cette note contient soit l'exposé d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office.

5. En l'espèce, la note en délibéré produite par M. B... après la séance publique mais avant la lecture du jugement, qui a été visée dans le jugement attaqué sans que son contenu ne soit pris en compte, si elle indique les références d'enregistrement de la procédure afférente à la plainte de son épouse pour les faits d'harcèlement d'août 2020 à mars 2021, ne comportait aucune circonstance qui aurait dû conduire les premiers juges à rouvrir l'instruction et à la soumettre au débat contradictoire.

6. M. B... n'est ainsi pas fondé à soutenir que le jugement du 17 mars 2022 du tribunal administratif de Grenoble est entaché d'irrégularité.

Sur la légalité de l'arrêté du 14 octobre 2021 :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

7. Aux termes de l'article 11 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux États sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord. / Chaque État délivre notamment aux ressortissants de l'autre État tous titres de séjour autres que ceux visés au présent Accord, dans les conditions prévues par sa législation. ". Aux termes de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire, de la carte de séjour pluriannuelle et de l'autorisation provisoire de séjour prévue aux articles L. 425-4 ou L. 425-10 ainsi qu'à la délivrance de la carte de résident et de la carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE ". ".

8. Eu égard au motif de refus du titre de séjour sollicité, tiré de la menace pour l'ordre public que représente M. B..., le préfet de la Drôme n'était pas tenu de se prononcer sur la demande d'autorisation de travail, ni de saisir pour avis la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation du travail et de l'emploi.

9. Il ressort des pièces du dossier que, par un jugement du 4 juillet 2019, le tribunal correctionnel de Privas a condamné M. B... à une peine de six mois d'emprisonnement avec sursis, assortie d'une mise à l'épreuve, pour des faits de violence suivis d'une incapacité supérieure à huit jours commis sur son épouse du 26 au 27 mai 2019 et a assorti cette peine d'une interdiction d'entrer en relation avec celle-ci. Le sursis a été révoqué compte tenu de la violation par M. B... de cette interdiction, laquelle sera levée par une ordonnance du 22 octobre 2019 du juge d'application des peines du tribunal de grande instance de Valence, lequel a relevé, après audition des intéressés, que les époux avaient repris des relations quotidiennes moins d'un mois après la condamnation et, depuis, une " vie quasi-commune ", M. B... dormant au domicile de son épouse, et que celle-ci agissait sans contrainte ni emprise de son époux. Toutefois, la communauté de vie entre les époux a de nouveau cessé à la date de la décision attaquée. L'épouse de l'intéressé a porté plainte pour des faits de harcèlement commis du 7 août 2020 au 14 mars et une procédure de divorce a été engagée selon l'attestation du cabinet d'avocat du mois de mai 2021 produite en première instance. Au regard de la gravité des faits pour lesquels il a été pénalement condamné et du comportement du requérant tendant à les minimiser, voire à en rendre responsable la victime en faisant état son comportement ambivalent, quand bien même la plainte pour harcèlement a été classée sans suite, le préfet de la Drôme pouvait légalement estimer que le comportement de M. B... était constitutif d'une menace pour l'ordre public.

10. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

11. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de la Drôme.

Délibéré après l'audience du 27 juin 2023 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président,

M. Gilles Fédi, président-assesseur,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juillet 2023.

La rapporteure,

Bénédicte LordonnéLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 22LY01179


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY01179
Date de la décision : 12/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : BORGES DE DEUS CORREIA

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-07-12;22ly01179 ?
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