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12/07/2023 | FRANCE | N°22LY00721

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 12 juillet 2023, 22LY00721


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par deux requêtes distinctes, M. D... B... et Mme C... A... épouse B... ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 30 septembre 2021 par lesquelles le préfet de l'Ardèche a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel ils pourront être reconduits d'office et a prononcé à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an

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Par un jugement n° 2108900 - 2108901 du 4 février 2022, le tribunal administra...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par deux requêtes distinctes, M. D... B... et Mme C... A... épouse B... ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 30 septembre 2021 par lesquelles le préfet de l'Ardèche a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel ils pourront être reconduits d'office et a prononcé à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2108900 - 2108901 du 4 février 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 4 mars 2022, M. et Mme B..., représentés par la Selarl B2A Bescou et Sabatier Avocats associés, agissant par Me Bescou, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 4 février 2022 ;

2°) d'annuler les décisions du préfet de l'Ardèche du 30 septembre 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Ardèche de leur délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", ou de réexaminer leur situation dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- le refus de titre de séjour opposé à M. B... est entaché d'erreurs de fait en ce qu'il retient qu'il ne justifie pas, d'une part, d'une entrée régulière depuis moins de trois mois à la date du dépôt de la demande de titre de séjour, d'autre part, de l'exercice d'un emploi salarié, enfin, en retenant qu'il aurait déposé une simple promesse d'embauche ; le 7 avril 2021, il résidait en France depuis moins de trois mois, son entrée était régulière, sous couvert de son titre de séjour de longue durée UE et de son passeport en cours de validité, et il justifie d'une activité salariée ainsi que de ressources stables et régulières ;

- le tribunal a dénaturé les éléments du dossier ; le préfet a bien opposé l'absence d'activité professionnelle et l'absence de contrat de travail visé par la DIRECCTE pour refuser la délivrance du titre de séjour ;

- ces erreurs caractérisent une absence d'examen préalable, réel et sérieux de la situation de M. B... et sont déterminantes sur le sens de la décision prise ;

- le préfet ne pouvait lui opposer un refus de titre de séjour sans avoir statué sur la demande d'autorisation de travail déposée par son employeur ; le tribunal a écarté à tort ce moyen au motif qu'il résiderait irrégulièrement en France ce qui, au demeurant, est inexact ;

- les décisions de refus de titre de séjour méconnaissent les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- les décisions de refus de titre de séjour méconnaissent les orientations fixées par la circulaire du 28 novembre 2012 et sont entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le refus de titre de séjour opposé à M. B... est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation par le préfet de son pouvoir de régularisation au titre du travail ;

- le refus de titre de séjour opposé à Mme B... est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation par le préfet des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée ;

- les obligations de quitter le territoire français sont illégales en conséquence de l'illégalité des refus de titre de séjour ;

- le préfet n'a nullement apprécié l'opportunité d'une mesure de réadmission à destination de l'Italie, commettant une erreur de droit et un défaut d'examen préalable, réel et sérieux ;

- les obligations de quitter le territoire français violent les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- les décisions fixant le délai de départ volontaire sont illégales en conséquence de l'illégalité des obligations de quitter le territoire français ;

- les décisions fixant le pays de destination sont illégales en conséquence de l'illégalité des obligations de quitter le territoire français ;

- les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français sont entachées d'un vice de procédure en l'absence de mise en œuvre de la procédure de consultation prévue au 2) de l'article 25 de la convention d'application de l'accord de Schengen ; elles sont à tout le moins, entachées d'une erreur de droit à cet égard ;

- ces décisions sont entachées d'erreur d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet de l'Ardèche, qui n'a pas produit de mémoire.

Par une décision du 14 septembre 2022, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. et Mme B....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 ;

- l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;

- le code du travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 2011 pris pour son application ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère ;

- et les observations de M. D... B....

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme B..., ressortissants de nationalité tunisienne respectivement nés les 7 août 1981 et 26 janvier 1982, déclarent être entrés en France le 1er décembre 2013 sous couvert de titres de séjour " résident longue durée - UE " délivrés par les autorités italiennes, en compagnie de leur enfant. Le 27 avril 2021, ils ont sollicité des titres de séjour sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, du 1° de l'article L. 426-11, de l'article L. 426-12, de l'article L. 423-23 et de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par des décisions du 30 septembre 2021, le préfet de l'Ardèche a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel ils sont susceptibles d'être reconduits d'office et a prononcé à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois. M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 4 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si M. et Mme B... reprochent aux premiers juges d'avoir dénaturé les pièces des dossiers et commis des erreurs de droit, de telles circonstances ne sont en tout état de cause pas de nature à affecter la régularité du jugement, mais seulement son bien-fondé.

Sur la légalité des décisions du 30 septembre 2021 :

En ce qui concerne les refus de titres de séjour :

S'agissant du refus d'admission au séjour opposé à Mme B... :

3. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article 11 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux États sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord ". Aux termes de l'article 3 de l'accord franco-tunisien : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an et renouvelable et portant la mention "salarié". (...) ". Aux termes de l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger titulaire de la carte de résident de longue-durée UE définie par les dispositions communautaires applicables en cette matière et accordée dans un autre Etat membre de l'Union européenne qui justifie de ressources stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins et, le cas échéant, à ceux de sa famille ainsi que d'une assurance maladie obtient, sous réserve qu'il en fasse la demande dans les trois mois qui suivent son entrée en France et sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée : (...) 5° Une carte de séjour temporaire portant la mention de l'activité professionnelle pour laquelle il a obtenu l'autorisation préalable requise, dans les conditions définies, selon le cas, aux 1°, 2° ou 3° de l'article L. 313-10 (...) ".

4. Il ressort de la combinaison des textes précédemment cités qu'un ressortissant tunisien qui dispose d'un titre de séjour de longue durée délivré par un autre Etat membre de l'Union européenne et qui souhaite obtenir en France un titre de séjour lui donnant l'autorisation de travailler doit, s'il veut bénéficier de l'exemption de l'exigence de visa de longue durée, en faire la demande dans les trois mois suivant son entrée en France.

5. Pour rejeter la demande de titre de séjour sollicité par M. et Mme B... en qualité de résident et conjointe de résident de longue durée-UE, le préfet de l'Ardèche a d'abord opposé dans sa décision du 30 septembre un motif tiré de ce que M. B... ne justifie pas de ressources stables et suffisantes et n'apporte pas la preuve d'une entrée régulière sur le territoire français de moins de trois mois, de sorte qu'il ne remplit pas les conditions de l'article L. 313-4-1 cité au point précédent.

6. Il ressort des pièces du dossier que M. B... déclare être entré en France le 1er décembre 2013 sous couvert de titres de séjour " résident longue durée - UE " délivrés par les autorités italiennes et y résider habituellement depuis cette date. S'il a fait l'objet d'un arrêté du préfet du Rhône portant remise aux autorités italiennes, la circonstance qu'il aurait ponctuellement regagné l'Italie ainsi que le mentionne l'attestation à son nom d'un test Covid réalisé en Italie le 9 mars 2021, ce seul élément ne suffit pas pour considérer qu'à la date à laquelle il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour, soit le 27 avril 2021, il serait entré sur le territoire français depuis moins de trois mois. Dans ces conditions, en refusant de lui délivrer le titre de séjour sollicité au motif qu'il n'avait pas respecté le délai de trois mois imparti pour déposer sa demande, le préfet n'a pas entaché sa décision d'inexactitude matérielle et a fait une exacte application des dispositions précitées de l'article L. 313-4-1du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, et comme l'ont relevé les premiers juges, M. B... a perçu, dans le cadre de contrats à durée déterminée en qualité d'ouvrier agricole, des salaires d'un montant inférieur au salaire minimum de croissance, ce qu'il ne conteste pas à hauteur d'appel, de sorte que le motif tiré de l'absence de ressources stables et suffisantes n'est entaché ni d'erreur de fait ni d'erreur d'appréciation. Il en résulte que M. B... ne remplit pas les conditions de l'article L. 313-4-1 pour pouvoir prétendre à la dispense de visa de long séjour, instaurée par les dispositions précitées pour les étrangers titulaires d'une carte de résident de longue durée-UE.

7. Il résulte de ce qui vient d'être dit que Mme B... ne peut prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 426-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui prévoient la délivrance de la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" au conjoint d'un étranger titulaire d'une carte de séjour temporaire délivrée en application de l'article L. 426-11.

8. En deuxième lieu, Mme B... reprend en appel ses moyens de première instance, tirés de ce que le refus de titre de séjour méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, les orientations fixées par la circulaire du 28 novembre 2012 et de l'erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et au regard du pouvoir de régularisation du préfet. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs circonstanciés retenus à bon droit par les premiers juges.

S'agissant du refus d'admission au séjour opposé à M. B... :

9. La circonstance que M. B... ne relevait pas du champ d'application de l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne dispensait pas le préfet, saisi d'une demande de titre de séjour portant la mention " salarié ", d'examiner le droit au séjour de l'intéressé sur le fondement des stipulations ou dispositions encadrant la délivrance d'un tel titre. Le préfet n'a nullement fondé son refus de délivrance d'un titre de séjour, en application de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, sur le défaut de production d'un visa de long séjour, mais sur le motif que M. B... ne fournissait pas de " contrat de travail visé favorablement par les autorités compétentes ".

10. Si le 5° de l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers s'oppose à la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " antérieurement à l'obtention d'une autorisation de travail, il ne fait toutefois pas obstacle à ce que la demande d'autorisation soit présentée concomitamment au dépôt de la demande d'admission au séjour. Il appartient seulement à l'autorité préfectorale, qui est l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation de travail ou viser le contrat de travail présenté au soutien d'une telle demande lorsque l'étranger est déjà présent sur le territoire national, de l'examiner avant de statuer sur la demande de titre de séjour. M. B... est fondé à soutenir que le préfet de l'Ardèche, dès lors que la demande de titre de séjour était accompagnée d'une demande d'autorisation de travail émanant de l'employeur, a commis une erreur de droit et entaché sa décision d'un défaut d'examen en rejetant sa demande d'admission au séjour sur ce motif, sans avoir préalablement statué sur la demande d'autorisation de travail déposée par son employeur.

11. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, le refus de titre de séjour opposé à M. B... doit être annulé, ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

En ce qui concerne l'obligation faite à Mme B... de quitter le territoire français :

12. En premier lieu, Mme B... n'ayant pas démontré l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour, le moyen tiré de cette illégalité et soulevé, par la voie de l'exception, à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

13. En deuxième lieu, il résulte des dispositions combinées du I. de l'article L. 611-1 et de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le champ d'application des mesures obligeant un étranger à quitter le territoire français et celui des mesures de remise d'un étranger à un autre Etat ne sont pas exclusifs l'un de l'autre et que le législateur n'a pas donné à l'une de ces procédures un caractère prioritaire par rapport à l'autre. Il s'ensuit que, lorsque l'autorité administrative envisage une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger dont la situation entre dans le champ d'application de l'article L. 621-1 ou des articles L. 621-4, L. 621-5 et L. 621-6, elle peut légalement soit le remettre aux autorités compétentes de l'Etat membre de l'Union Européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, sur le fondement des articles L. 621-1 et suivants, soit l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 611-1. Ces dispositions ne font pas non plus obstacle à ce que l'administration engage l'une de ces procédures alors qu'elle avait préalablement engagé l'autre. Toutefois, si l'étranger est résident de longue durée dans un Etat membre, il appartient au préfet d'examiner s'il y a lieu de reconduire en priorité l'étranger vers cet Etat ou de le réadmettre dans cet Etat.

14. Il résulte de ce qui a été dit plus haut que la situation de Mme B..., qui s'est vue refuser à juste titre la délivrance d'un titre de séjour en qualité de conjointe de résident de longue durée-UE, est celle prévue au 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans laquelle le préfet peut prendre une obligation de quitter le territoire français, sans avoir à examiner la possibilité de la réadmettre en Italie. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'erreur de droit dont serait entachée la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

15. En troisième lieu, Mme B... n'est pas fondée à soutenir, en l'absence de circonstance particulière faisant obstacle à son éloignement du territoire français, que l'obligation de quitter le territoire français violerait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Compte tenu de la situation de la requérante telle qu'elle vient d'être rappelée ainsi que celle exposée au point 8, l'obligation de quitter le territoire français ne peut davantage être regardée comme portant à l'intérêt supérieur des enfants de la requérante une atteinte contraire à l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire :

16. Mme B..., n'ayant pas démontré l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, n'est pas fondée à s'en prévaloir, par la voie de l'exception, à l'appui des conclusions dirigées contre la décision fixant le délai de départ volontaire.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

17. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination de son éloignement serait illégale du fait de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

18. En premier lieu, aux termes du paragraphe 2 de l'article 25 de la convention d'application de l'accord de Schengen susvisée : " Lorsqu'il apparaît qu'un étranger titulaire d'un titre de séjour en cours de validité délivré par l'une des Parties contractantes est signalé aux fins de non-admission, la Partie contractante signalante consulte la Partie qui a délivré le titre de séjour afin de déterminer s'il y a des motifs suffisants pour retirer le titre de séjour. / Si le titre de séjour n'est pas retiré, la Partie Contractante signalante procède au retrait du signalement, mais peut cependant inscrire cet étranger sur sa liste nationale de signalement. ".

19. Il ne résulte pas de ces stipulations que la décision d'interdiction de retour sur le territoire prise à son encontre aurait, par elle-même, pour effet d'interdire à Mme B... de se rendre sur le territoire de l'Etat italien où un permis de séjour lui a été délivré. Par ailleurs, les conditions d'exécution du signalement sont sans incidence sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français dont le principe et la durée sont régis par les articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, les moyens tirés du vice de procédure et de l'erreur de droit dont serait entachée l'interdiction de retour sur le territoire français en litige, faute pour le préfet de l'Ardèche d'avoir mis en œuvre la procédure de consultation préalable prévue au paragraphe 2 de l'article 25 de la convention d'application de l'accord de Schengen du 19 juin 1990, doivent être écartés.

20. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...) ".

21. Mme B..., qui a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement qu'elle n'a pas exécutée et dont la cellule familiale pourra se reconstituer dans son pays d'origine ou en Italie, n'est pas fondée à soutenir que l'interdiction de retour sur le territoire français prononcée à son encontre, d'une durée d'une année, serait entachée d'une erreur d'appréciation.

22. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de M. B... en tant qu'elle visait l'annulation des décisions du 30 septembre 2021 par lesquelles le préfet de l'Ardèche a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

23. Eu égard au motif qui la fonde, l'annulation prononcée par le présent arrêt n'implique pas que le préfet de l'Ardèche délivre à M. B... une carte de séjour mais seulement qu'il procède au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, en application de premier alinéa de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de le munir dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

24. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, de mettre à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. B... d'une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sous réserve que la Selarl B2A Bescou et Sabatier Avocats associés renonce au bénéfice de la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n 2108900 - 2108901 du tribunal administratif de Lyon du 4 février 2022 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la demande de M. B... dirigées contre les décisions du 30 septembre 2021 par lesquelles le préfet de l'Ardèche a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Ardèche de procéder au réexamen de la situation de M. B... dans un délai dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'État versera à la Selarl B2A Bescou et Sabatier Avocats associés une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que le conseil des requérants renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée .

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., en sa qualité de représentant unique, et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de de l'Ardèche.

Délibéré après l'audience du 27 juin 2023 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président,

M. Gilles Fédi, président-assesseur,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juillet 2023.

La rapporteure,

Bénédicte LordonnéLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY00721


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY00721
Date de la décision : 12/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU et SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-07-12;22ly00721 ?
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