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06/07/2023 | FRANCE | N°22LY01844

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 06 juillet 2023, 22LY01844


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Seillet, président ;

- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

- et les observations de Me Grisel, pour les requérants, ainsi que celles de Me Guiheux, pour la société Boralex Massif du Devès.

Considérant ce qui suit :

1. La société Boralex Massif du Dev

ès a obtenu de la cour, par un arrêt du 14 avril 2022, l'annulation de l'arrêté du 16 mars 2020 par lequel le préfet de la...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Seillet, président ;

- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

- et les observations de Me Grisel, pour les requérants, ainsi que celles de Me Guiheux, pour la société Boralex Massif du Devès.

Considérant ce qui suit :

1. La société Boralex Massif du Devès a obtenu de la cour, par un arrêt du 14 avril 2022, l'annulation de l'arrêté du 16 mars 2020 par lequel le préfet de la Haute-Loire avait refusé de lui délivrer l'autorisation d'exploiter sur la commune de Saint-Jean de Nay, aux lieux-dits " Grand Champ " et " Sauvage ", quatre éoliennes de 175 mètres de haut avec deux postes de livraison implantées sur une ligne sud-ouest/nord-est, et qu'elle lui délivre cette autorisation. L'association des amis du château du Thiolent et autres ont présenté à l'encontre de cet arrêt une requête en tierce opposition.

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, dans sa rédaction alors en vigueur : " I. - Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, installations, ouvrages, ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. II. - En application du 2° du II de l'article L. 122-3, l'étude d'impact comporte les éléments suivants, en fonction des caractéristiques spécifiques du projet et du type d'incidences sur l'environnement qu'il est susceptible de produire : (...) 5° Une description des incidences notables que le projet est susceptible d'avoir sur l'environnement résultant, entre autres : a) De la construction et de l'existence du projet, y compris, le cas échéant, des travaux de démolition ; (...) d) Des risques pour la santé humaine, pour le patrimoine culturel ou pour l'environnement ; e) Du cumul des incidences avec d'autres projets existants ou approuvés, en tenant compte le cas échéant des problèmes environnementaux relatifs à l'utilisation des ressources naturelles et des zones revêtant une importance particulière pour l'environnement susceptibles d'être touchées. Ces projets sont ceux qui, lors du dépôt de l'étude d'impact : - ont fait l'objet d'une étude d'incidence environnementale au titre de l'article R. 181-14 et d'une enquête publique ; - ont fait l'objet d'une évaluation environnementale au titre du présent code et pour lesquels un avis de l'autorité environnementale a été rendu public. (...) V. - (...) L'étude d'impact tient lieu d'évaluation des incidences Natura 2000 si elle contient les éléments exigés par l'article R. 414-23. " Aux termes de cette dernière disposition : " Le dossier d'évaluation des incidences Natura 2000 est établi, (...) d'un projet (...) par le maître d'ouvrage ou le pétitionnaire, (...). Cette évaluation est proportionnée à l'importance du document ou de l'opération et aux enjeux de conservation des habitats et des espèces en présence. I. - Le dossier comprend dans tous les cas : 1° (...) une description (...) du projet, (...), accompagnée d'une carte permettant de localiser l'espace terrestre (...) sur lequel il peut avoir des effets et les sites Natura 2000 susceptibles d'être concernés par ces effets ; lorsque des travaux, ouvrages ou aménagements sont à réaliser dans le périmètre d'un site Natura 2000, un plan de situation détaillé est fourni ; 2° Un exposé sommaire des raisons pour lesquelles (...) le projet, (...) est ou non susceptible d'avoir une incidence sur un ou plusieurs sites Natura 2000 ; dans l'affirmative, cet exposé précise la liste des sites Natura 2000 susceptibles d'être affectés, compte tenu de la nature et de l'importance du (...) projet, ( ...) de sa localisation dans un site Natura 2000 ou de la distance qui le sépare du ou des sites Natura 2000, de la topographie, de l'hydrographie, du fonctionnement des écosystèmes, des caractéristiques du ou des sites Natura 2000 et de leurs objectifs de conservation. II. - Dans l'hypothèse où un ou plusieurs sites Natura 2000 sont susceptibles d'être affectés, le dossier comprend également une analyse des effets temporaires ou permanents, directs ou indirects, que (...) le projet (...) peut avoir, individuellement ou en raison de ses effets cumulés avec d'autres documents de planification, ou d'autres programmes, projets, manifestations ou interventions (...) sur l'état de conservation des habitats naturels et des espèces qui ont justifié la désignation du ou des sites. III.- S'il résulte de l'analyse mentionnée au II que (...) le projet (...) peut avoir des effets significatifs dommageables, pendant ou après sa réalisation (...) sur l'état de conservation des habitats naturels et des espèces qui ont justifié la désignation du ou des sites, le dossier comprend un exposé des mesures qui seront prises pour supprimer ou réduire ces effets dommageables. IV.- Lorsque, malgré les mesures prévues au III, des effets significatifs dommageables subsistent sur l'état de conservation des habitats naturels et des espèces qui ont justifié la désignation du ou des sites, le dossier d'évaluation expose, en outre : 1° La description des solutions alternatives envisageables, les raisons pour lesquelles il n'existe pas d'autre solution que celle retenue et les éléments qui permettent de justifier (...) la réalisation (...) du projet (...) ; 2° La description des mesures envisagées pour compenser les effets dommageables que les mesures prévues au III ci-dessus ne peuvent supprimer (...) ".

3. D'abord, il résulte de l'instruction que la zone d'implantation du projet, bien qu'à proximité des principales voies de migration, se trouve pour l'essentiel en dehors de celles-ci, la ligne d'éoliennes suivant une orientation sud-ouest/nord-est, à peu près parallèle au sens de migration, sans qu'aucune contradiction manifeste entre la carte des migrations du schéma régional de cohérence écologique (SRCE) et les informations fournies par l'étude d'impact sur la situation de la zone d'implantation potentielle (ZIP) par rapport aux voies de migration principales des oiseaux puisse être relevée. Si l'étude d'impact indique que les sites de reproduction du milan royal sont éloignés du projet, une telle indication n'est pas incohérente avec l'existence à quelques kilomètres d'un dortoir où ces rapaces se retrouvent pour passer l'hiver. Il apparaît également que l'étude d'impact, comme les documents qui lui sont joints, y compris graphiques, examinent les impacts potentiels cumulés du projet avec le parc existant de Saint-Jean-Lachalm, situé à 9,5 kilomètres au sud, sur les axes de migration principaux ou secondaires de l'avifaune, et notamment les risques d'effet barrière ainsi que les conditions pour les minimiser.

4. Ensuite, à propos du château du Thiolent, daté du 18ème siècle et inscrit en totalité à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques, avec notamment son parc, les requérants reprochent à l'étude d'impact de ne comporter aucun photomontage analysant les effets du projet, situé à environ 1 400 mètres du mur d'enceinte, sur les autres éléments protégés marquant les limites du parc (portail, pigeonnier), ni les effets de co-visibilité sous d'autres angles depuis l'extérieur du parc, ni les effets depuis les parties protégées de l'intérieur du monument. Toutefois, il résulte du rapprochement des informations variées contenues notamment dans l'étude paysagère, sous forme de descriptions détaillées et de représentations graphiques ou photographiques ainsi que de photomontages, en vues proches ou plus éloignées et sous différents angles, y compris en hiver, que, malgré, en particulier, la présentation de ces derniers en format " panoramique " et la " nébulosité " de certains d'entre eux, les principaux impacts que le projet est susceptible de causer à ce monument, même dans ses parties les plus sensibles, sont aisément identifiables et mesurables.

5. Enfin, les requérants soutiennent que le dossier d'étude d'impact ne comporterait pas une évaluation suffisante, au titre de Natura 2000, des incidences du projet sur les oiseaux fréquentant spécialement la zone spéciale de conservation (ZSC) du Marais de Limagne, à environ 100 mètres au nord de celui-ci, et de la zone de protection spéciale (ZPS) et d'intérêt communautaire du Haut Val d'Allier, à près de 1 kilomètre à l'ouest de ce dernier, et en particulier leurs milieux humides. Pourtant ce dossier, après avoir notamment rappelé que la première de ces zones correspondait à un marais situé de l'autre côté du pic de la Vesseyre présentant un lien écologique potentiel " faible " avec le projet et que, au pire, elle ne pouvait qu'être peu atteinte " en ce qui concerne le dérangement en phase chantier ou le risque de pollution du milieu aquatique ", et que la seconde accueillait une avifaune très diversifiée, en particulier de rapaces à grande mobilité, pour laquelle existait un lien écologique potentiel " fort " avec le projet, comporte une évaluation des incidences Natura 2000 sur l'avifaune. Cette évaluation reprend la sensibilité écologique locale de chacune des espèces à l'origine d'un classement à ce titre, les impacts bruts potentiels du projet en phases de travaux et de fonctionnement, les différentes variantes d'implantation du projet et les mesures d'évitement, de réduction et de compensation (ERC) proposées, y compris en ce qui concerne les zones de conservation et de protection dont il vient d'être question. Rien dans ce qu'affirment les requérants ne permet de dire que l'évaluation des incidences Natura 2000 serait notoirement incomplète.

6. Par suite, le moyen tiré de ce que le dossier de l'étude d'impact serait insuffisant ne peut, dans ses différentes branches, qu'être écarté.

7. En second lieu, aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles (...) L. 511-1 (...) ". Aux termes de cette dernière disposition : " Sont soumis aux dispositions du présent titre (...) les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, (...), soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, (...) soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. "

8. Tout d'abord, l'environnement proche du château du Thiolent, où est prévu le projet en cause, présente un caractère essentiellement agricole, ponctué de zones boisées ou humides. Dans l'axe du château, qui se trouve à environ 1, 4 kilomètres de l'éolienne la plus proche, un angle de vue sans éoliennes est préservé. Malgré quelques échappées visuelles en direction du projet, sa perception depuis différentes parties, même surélevées, du château, notamment de son parc arboré ou de ses terrasses nord-est et proches de la salle de réception, sera dissimulée, en grande partie au moins, par les secteurs bâtis du hameau ainsi que des massifs de végétation, dont des arbres de haute tige, présents dans le parc lui-même mais également à l'extérieur, la visibilité des éoliennes variant en importance selon les machines et demeurant, pour l'essentiel, modérée. Dans ces conditions, en dépit du remplacement progressif d'arbres du parc avec, pour corollaire éventuel, la création provisoire de vues supplémentaires sur des machines, et même si le château du Thiolent est inscrit à l'inventaire des monuments historiques, aucune violation des dispositions ci-dessus ne saurait donc, en l'espèce, être retenue.

9. Ensuite, les requérants soutiennent que le projet porterait atteinte à l'avifaune protégée, notamment au busard, et plus spécialement au milan royal, espèce menacée figurant sur la liste rouge régionale établie par l'UICN, particulièrement sensible à l'éolien. Il est incontestable que des individus de cette espèce, qui reste vulnérable malgré une augmentation de ses populations, ont été répertoriés en nombre important sur l'aire d'étude du site, sauf en hiver, même si la présence de dortoirs a été relevée dans les environs. Il reste que, outre une réduction de l'emprise du projet ainsi que son orientation et la distance entre les machines, qui permettent de minimiser l'effet barrière avec un évitement quasiment total de la principale zone à risques pour les migrateurs, et des suivis d'activité et de mortalité en phase de fonctionnement de l'installation, l'exploitant a prévu différentes mesures destinées à réduire les risques de collision, dont en particulier l'adaptation du calendrier des travaux, une limitation des éclairages du site, l'entretien de la plateforme au pied des éoliennes pour limiter l'attractivité de cette zone, la limitation des sources de nourriture artificielle au sein du parc mais également l'effarouchement des oiseaux en phase d'exploitation par la mise en place d'un système à cet effet sur l'éolienne E1 et, si nécessaire, sur les autres machines. Les requérants ne remettent pas en cause l'effectivité des mesures ainsi envisagées. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 511-1 du code de l'environnement ne saurait davantage être retenu.

10. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que la requête en tierce opposition présentée par l'association des amis du château du Thiolent et autres doit, dans l'ensemble de ses conclusions, être rejetée.

11. Il n'y a pas lieu, en l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société Boralex Massif du Devès au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE

Article 1er : La requête de l'association des amis du château du Thiolent et autres est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Boralex Massif du Devès au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association des amis du château du Thiolent, première dénommée, pour l'ensemble des requérants, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la société Boralex Massif du Devès.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Loire et à la ministre de la transition énergétique.

Délibéré après l'audience du 22 juin 2023 à laquelle siégeaient :

M. Seillet, président ;

M. Chassagne, premier conseiller ;

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2023.

Le président, rapporteur,

Ph. Seillet

L'assesseur le plus ancien,

J. Chassagne

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 22LY01844

al


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY01844
Date de la décision : 06/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Energie.

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement.

Procédure - Voies de recours - Tierce-opposition.


Composition du Tribunal
Président : M. SEILLET
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : VOLTA AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-07-06;22ly01844 ?
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