Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 6 décembre 2021 par lesquelles le préfet du Rhône l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office, d'enjoindre au préfet du Rhône de communiquer au tribunal l'entier dossier de l'intéressé, d'enjoindre, à titre principal, à cette autorité de fixer un rendez- vous à l'intéressé afin qu'il puisse déposer une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement, et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour, d'enjoindre, à titre subsidiaire, à cette même autorité de saisir le collège de médecins de l'OFII sur l'état de santé de l'intéressé, et ce dans les mêmes conditions, à titre encore subsidiaire, d'ordonner, avant dire-droit, une expertise médicale de l'intéressé et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, à charge pour ce dernier de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Par un jugement n° 2110188 du 21 mars 2022, le magistrat désigné par la présidente tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 28 octobre 2022, M. A... B..., représenté par Me Terrasson, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 21 mars 2022 ;
2°) d'annuler les décisions du Préfet du Rhône du 6 décembre 2021 ;
3°) de prononcer, à compter de l'arrêt à intervenir, les injonctions demandées en première instance ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'un défaut de motivation, de deux erreurs de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- c'est à tort que les premiers juges ont écarté son moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnait les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors que la protection édictée par cet article n'est en aucun cas conditionnée à l'information de l'autorité administrative par le demandeur de ses problèmes de santé ;
- c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande de communication de son entier dossier sur le fondement de l'article L. 614-5 du code de l'entré et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sa demande d'un interprète en langue Géorgienne ;
- c'est à tort que les premiers juges ont écarté son moyen tiré de la méconnaissance de l'obligation d'information prévue par les articles L. 311-6 et R. 311-37 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui constitue une garantie et a pour fondement le droit à une bonne administration, prévu par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas produit d'observations.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 septembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le traité sur l'Union européenne ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive 2008/115 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- le code des relations entre public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 de la ministre des affaires sociales et de la santé et du ministre de l'intérieur relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Bourrachot, président ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., né le 6 juin 1986 et de nationalité géorgienne, déclare être entré en France le 14 mai 2021 muni de son passeport biométrique valide. Le 20 mai 2021, l'intéressé a formé une demande d'asile, mais le 13 octobre 2021, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande d'asile, décision confirmée le 23 décembre 2021 par la Cour nationale du droit d'asile. A la suite de la notification de cette décision de rejet, définitif, l'intéressé s'est maintenu sur le territoire français. Puis, par un arrêté du 6 décembre 2021, le préfet du Rhône l'a obligé, sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à quitter le territoire français dans le délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office. M. B... a contesté l'ensemble de ces décisions le concernant, et a demandé au tribunal administratif de Lyon d'en prononcer l'annulation. M. B... relève appel du jugement du 21 mars 2022, par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. Le jugement attaqué vise et cite les dispositions dont le premier juge a fait application. Il comporte également les considérations de fait sur le fondement desquelles les moyens de la requête ont été écartés. Indépendamment de la pertinence et du bien-fondé de ces motifs, une telle motivation est suffisante au regard des exigences de l'article L. 9 du code de justice administrative dès lors que les premiers juges n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments développés par M. B....
4. Si M. B... soutient en appel que le jugement attaqué est entaché, de deux erreurs de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation, de tels moyens, qui sont sans effet sur la régularité du jugement, relèvent du contrôle du juge de cassation, et non de celui du juge d'appel auquel il appartient seulement, dans le cadre de l'effet dévolutif, de se prononcer à nouveau sur la légalité de la décision critiquée.
5. Si Monsieur B... soutient également en appel que c'est à tort que les premiers juges ont écarté son moyen tiré de la méconnaissance de l'obligation d'information prévue par les article L. 311-6 et R. 311-37 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui constitue une garantie, le premier de ces articles a été abrogé par les dispositions du V de l'article 1er de l'ordonnance n° 2020-1733 du 16 décembre 2020 et le second par les dispositions du V de l'article 1er du décret n°2020-1734 du 16 décembre 2020. Dès lors, le requérant ne peut utilement invoquer ces dispositions qui n'étaient plus en vigueur à la date de sa demande d'asile.
6. Aux termes de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vigueur depuis le 1er mai 2021 : " Lorsqu'un étranger a présenté une demande d'asile qui relève de la compétence de la France, l'autorité administrative, après l'avoir informé des motifs pour lesquels une autorisation de séjour peut être délivrée et des conséquences de l'absence de demande sur d'autres fondements à ce stade, l'invite à indiquer s'il estime pouvoir prétendre à une admission au séjour à un autre titre et, dans l'affirmative, à déposer sa demande dans un délai fixé par décret. Il est informé que, sous réserve de circonstances nouvelles, notamment pour des raisons de santé, et sans préjudice de l'article L. 611-3, il ne pourra, à l'expiration de ce délai, solliciter son admission au séjour. Les conditions d'application du présent article sont précisées par décret en Conseil d'Etat. ". Aux termes de l'article D. 431-7 du même code : " Pour l'application de l'article L. 431-2, les demandes de titres de séjour sont déposées par le demandeur d'asile dans un délai de deux mois. Toutefois, lorsqu'est sollicitée la délivrance du titre de séjour mentionné à l'article L. 425-9, ce délai est porté à trois mois. ". Aux termes des dispositions de l'article R. 425-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Le demandeur dispose d'un délai d'un mois à compter de l'enregistrement de sa demande en préfecture pour transmettre à l'office et de l'intégration le certificat médical mentionné au premier alinéa. Lorsque la demande est fondée sur l'article L. 431-2, le certificat médical est transmis dans le délai mentionné à ce même article. ".
7. A la supposer établie, la méconnaissance de l'obligation d'information prévue à l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a seulement pour effet de rendre inopposables à l'intéressé les délais de procédure prévus par les dispositions des articles D. 431-7 et R. 425-12 du même code. Le refus de séjour se fondant sur de tels délais serait illégal et entacherait d'illégalité une obligation de quitter le territoire fondée sur ce refus de séjour en application des dispositions du 3° de l'article L. 611-1 du même code. En revanche, la méconnaissance d'une telle obligation d'information est sans influence sur la légalité interne d'une obligation de quitter le territoire français fondée sur les dispositions du 4° du même article lorsque la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou qu'il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. Toutefois, l'absence de l'information prévue à l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile constitue un des éléments qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir de prendre en considération pour former sa conviction sur la régularité de la procédure conduisant à l'édiction d'une obligation de quitter le territoire français et sur le respect par le préfet de son obligation de procéder à un examen particulier de la situation de l'intéressé au vu des éléments versés au dossier par les parties.
9. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union " ; qu'aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 de la Charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union. (...) ".
10. Ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français ou sur la décision le plaçant en rétention dans l'attente de l'exécution de la mesure d'éloignement, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.
11. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français non prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne.
12. Une violation des droits de la défense, en particulier du droit d'être entendu, n'entraîne l'annulation de la décision prise au terme de la procédure administrative en cause que si, en l'absence de cette irrégularité, cette procédure pouvait aboutir à un résultat différent.
13. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B..., dont la demande d'asile a été présentée postérieurement à l'adoption de l'article L. 311-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont les dispositions ont été reprises à l'article L. 431-2 du même code à compter du 1er mai 2021, aurait été, à un moment de la procédure, informé de ce qu'il était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ou mis à même de présenter des observations, la procédure de demande d'asile n'ayant pas une telle finalité.
14. Toutefois, ni le certificat médical du 14 juin 2021, ni celui du 20 mai 2022 ne comportent d'indications utiles sur le point de savoir si l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de la Géorgie, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et, par suite, sur la possibilité de pouvoir bénéficier des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile aujourd'hui reprises au 9° de l'article L. 611-3 du même code. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en cas d'audition de l'intéressé, cette procédure pouvait aboutir à un résultat différent. Il suit de là que M. B... n'est pas fondé à se prévaloir du principe de bonne administration et à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français est intervenue en méconnaissance du principe général du droit de l'Union européenne d'être entendu.
15. En vertu de l'article 9 de l'arrêté du 27 décembre 2016 de la ministre des affaires sociales et de la santé et du ministre de l'intérieur relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, " dans tous les cas, l'étranger est tenu d'accomplir toutes les formalités nécessaires à l'établissement du certificat médical pour bénéficier de la protection qu'il sollicite ". L'article 1er du même arrêté prévoit que " cet effet, le préfet du lieu où l'étranger a sa résidence habituelle lui remet un dossier comprenant une notice explicative l'informant de la procédure à suivre et un certificat médical vierge, dont le modèle type figure à l'annexe A du présent arrêté. ". Ces dispositions impliquent nécessairement que l'étranger informe le préfet de ses problèmes de santé dans des conditions compatibles avec la protection du secret médical. Dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont écarté son moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnait les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors que la protection édictée par cet article ne serait en aucun cas conditionnée à l'information de l'autorité administrative par le demandeur de ses problèmes de santé.
16. Aux termes des dispositions de l'article L. 614-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) L'étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin le concours d'un interprète et la communication du dossier contenant les pièces sur la base desquelles la décision contestée a été prise (...) ".
17. La décision attaquée a été prise sur le fondement des dispositions du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en conséquence du refus d'asile opposé par le directeur de l'OFPRA en procédure accélérée. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait fondé sur d'autres éléments que ceux auxquels il avait accès par l'application TelemOfpra. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le premier juge a méconnu son obligation d'instruction et les dispositions de l'article L. 614-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Pour les mêmes motifs, les conclusions tendant à ce que le juge d'appel ordonne la communication du dossier de M. B... doivent être rejetées.
18. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Dès lors, elle doit être rejetée, y compris en ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais d'instance non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.
Délibéré après l'audience du 25 mai 2023, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Dèche, présidente assesseur,
Mme Rémy-Néris, Première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 juin 2023.
Le président-rapporteur,
F. Bourrachot
La présidente assesseure,
P. Dèche
La greffière,
A-C. Ponnelle
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
N° 22LY03186 2
lc