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15/06/2023 | FRANCE | N°21LY02271

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 15 juin 2023, 21LY02271


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 5 avril 2018 par lequel le président de la communauté d'agglomération Vienne Condrieu Agglomération a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie, d'enjoindre au président de la communauté d'agglomération de reconnaître cette imputabilité dans un délai d'un mois et de mettre à la charge de Vienne Condrieu Agglomération une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de just

ice administrative.

Par un jugement n° 1803281 du 17 mai 2021, le tribunal admi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 5 avril 2018 par lequel le président de la communauté d'agglomération Vienne Condrieu Agglomération a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie, d'enjoindre au président de la communauté d'agglomération de reconnaître cette imputabilité dans un délai d'un mois et de mettre à la charge de Vienne Condrieu Agglomération une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1803281 du 17 mai 2021, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 5 avril 2018 du président de Vienne Condrieu Agglomération refusant l'imputabilité au service de la maladie de Mme C... (article 1er), a enjoint au président de Vienne Condrieu Agglomération de prendre dans un délai d'un mois un arrêté reconnaissant l'imputabilité au service de la maladie de Mme C... (article 2), a mis à la charge de Vienne Condrieu Agglomération le versement à Mme C... d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 3) et a rejeté les conclusions de Vienne Condrieu Agglomération dirigées contre Mme C... au même titre (article 4).

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 7 juillet 2021, la communauté d'agglomération Vienne Condrieu Agglomération, représentée par Me Cottignies, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de première instance de Mme C... ;

3°) de mettre à la charge de Mme C... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre la pathologie de Mme C... et le service n'est pas établie, compte tenu de l'absence de gravité et de consistance suffisante de l'incident survenu le 16 novembre 2015, qui ne saurait être qualifié d'accident de service ni avoir causé une pathologie mentale, l'avis de la commission de réforme étant entaché d'erreur de droit et de contradictions ;

- Mme C... n'a par ailleurs pas assisté à l'incident survenu le 31 août 2016 entre une collègue et un administré, lequel n'a en outre pu susciter la décompensation alléguée ;

- les conditions de travail de Mme C... ne peuvent davantage être à l'origine de sa pathologie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 octobre 2021, Mme A... C..., représentée par la Selarl Lex Publica, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de Vienne Condrieu Agglomération une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la communauté d'agglomération ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 26 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 27 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bourrachot, président,

- les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique,

- et les observations de Me Garaudet, représentant la communauté d'agglomération Vienne Condrieu Agglomération ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., adjoint administratif territorial de 2ème classe titulaire de la communauté d'agglomération Vienne Condrieu Agglomération depuis le 20 septembre 2015, a été placée à plusieurs reprises en arrêt de travail entre le 8 septembre 2016 et le 31 janvier 2017, avant de bénéficier d'une reprise à temps partiel thérapeutique. Elle a demandé à sa collectivité, par un courrier du 24 mars 2017, la reconnaissance comme accident de service d'une agression dont elle indiquait avoir été victime le 16 novembre 2015, eu égard aux conséquences sur sa santé. Elle a transmis concomitamment un certificat médical initial établi par un médecin généraliste tendant à la reconnaissance d'un accident du travail survenu le 16 novembre 2015. La commission de réforme a émis le 19 octobre 2017 un avis favorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident du 16 novembre 2015 ainsi qu'à la prise en charge des soins et arrêts de travail en lien avec cet accident. Par un arrêté du 5 avril 2018, le président de Vienne Condrieu Agglomération a refusé de reconnaître comme imputable au service la pathologie évoquée dans ce certificat médical initial, au motif qu'un lien de causalité direct et certain entre cette pathologie et l'évènement du 16 novembre 2015 n'était pas établi. La communauté d'agglomération relève appel du jugement du 17 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté et lui a enjoint de prendre un arrêté reconnaissant l'imputabilité au service de la maladie de Mme C....

2. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, dans sa rédaction antérieure à l'intervention de l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales ".

3. Constitue un accident de service, pour l'application des dispositions précitées, un évènement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. Un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet évènement du service, le caractère d'un accident de service.

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme C..., qui exerce des fonctions de secrétaire administrative itinérante au sein de plusieurs établissements d'accueil de jeunes enfants de la communauté d'agglomération, a déposé le 20 novembre 2015 auprès des services de police de Vienne, une plainte pour violences n'ayant pas entraîné d'incapacité de travail en raison de faits survenus le 16 novembre 2015. L'intéressée a exposé dans cette plainte avoir quitté vers 15h la crèche au sein de laquelle elle exerçait ses fonctions ce jour-là, porteuse d'une recette importante à déposer auprès du Trésor public, et s'être installée au volant de son véhicule, lorsqu'un homme s'est approché en courant et en criant, avant de rouvrir la portière que Mme C... avait préalablement fermée sans parvenir toutefois à la verrouiller, et de l'interpeller au sujet de l'assurance de son véhicule, d'une marque faisant alors l'objet de vives polémiques en raison de ses pratiques commerciales. Mme C... poursuit sa plainte en indiquant avoir hurlé avant de repartir en courant, paniquée, vers la crèche, avant d'être raccompagnée à son véhicule par la directrice de l'établissement, après l'arrivée de la police municipale appelée par ses collègues. Vienne Condrieu Agglomération ne peut minimiser la teneur de cet incident en se bornant à se prévaloir du rapport établi par la directrice, laquelle n'a été témoin que de la deuxième phase de l'incident, après l'arrivée de la police municipale. S'il ressort de ce rapport hiérarchique que l'individu ne semblait pas avoir de grief personnel à l'encontre de Mme C..., mais uniquement à l'encontre de la marque de son véhicule, il confirme toutefois que cette dernière est revenue en courant à la crèche avant de demander à ses collègues de lui ouvrir la porte en disant " je me suis fait agresser ". La circonstance que Mme C... n'ait pas immédiatement déclaré un accident de service ni ressenti dans l'immédiat la nécessité de poursuivre les consultations avec une psychologue du travail lui ayant été proposées par la collectivité n'est pas suffisante à exclure que soit qualifié d'accident de service cet incident, qui n'était pas anodin, dont la date est déterminée et qui a présenté le caractère d'un évènement soudain, dès lors que la lésion qui en est résulté pouvait survenir ultérieurement. Cet évènement est en outre survenu pendant le temps du service et à l'occasion de l'exercice de ses fonctions par Mme C..., chargée de convoyer " la régie de la structure au Trésor public ", ainsi que le confirme la directrice et aucune circonstance particulière n'est avancée qui serait de nature à le détacher du service.

5. Il ressort par ailleurs des pièces médicales toutes concordantes sur ce point, qui n'est d'ailleurs pas contesté, que Mme C... a présenté ultérieurement les symptômes d'un syndrome de stress post-traumatique, dont l'auteur du certificat médical initial indique qu'il est apparu par l'effet d'un mécanisme dit de décompensation lorsque l'intimée a été informée un matin de septembre 2016, à son arrivée au service, de ce qu'une collègue avait également été interpellée par un individu tenant des propos incohérents. L'existence d'un lien entre l'évènement du 16 novembre 2015 et les symptômes a été admise par un médecin généraliste amené à se prononcer le 24 février 2017 sur l'aptitude à reprendre en temps partiel thérapeutique, par un autre médecin généraliste ayant établi le certificat médical initial du 24 mars 2017 ainsi que par un médecin psychiatre saisi par la commission de réforme, lequel a estimé que le lien ne faisait " aucun doute ". Si un autre psychiatre initialement saisi dans le cadre de la procédure de reconnaissance d'imputabilité au service a jugé qu'il ne paraissait " pas possible de retenir un lien de causalité direct et certain entre les symptômes présentés à partir de septembre 2016 et l'incident de novembre 2015 ", il relève également l'absence d'état antérieur et ne propose aucune autre explication à l'état de stress post-traumatique diagnostiqué dont il confirme la " réalité clinique ". Si la communauté d'agglomération fait à cet égard valoir que Mme C... aurait un état de santé fragile, en se prévalant des 55 jours d'arrêt de travail décomptés au cours du stage préalable à sa titularisation le 20 septembre 2015, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces arrêts auraient été justifiés par une fragilité psychologique. Par ailleurs, la circonstance que Mme C... n'ait pas directement assisté à l'incident vécu par sa collègue en 2016 ne fait pas nécessairement obstacle à ce que le récit qui lui en a été fait le lendemain ait réactivé son traumatisme par l'effet du mécanisme de décompensation relevé médicalement. Enfin, si la communauté d'agglomération fait valoir que l'arrêt de travail ayant débuté le 8 septembre 2016 était justifié par des douleurs dorsales, cette circonstance ne fait pas obstacle par elle-même à ce que le stress post-traumatique diagnostiqué ultérieurement soit regardé comme présentant un lien direct avec l'évènement survenu le 16 novembre 2015, lequel doit ainsi en l'espèce être regardé comme suffisamment établi, au vu des éléments qui précèdent.

6. Il résulte de ce qui précède que, si la communauté d'agglomération Vienne Condrieu Agglomération est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont reconnu l'existence d'une maladie professionnelle, elle n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé, à la demande de Mme C..., l'arrêté du 5 avril 2018 portant refus d'imputabilité au service, et lui a enjoint de prendre un arrêté reconnaissant cette imputabilité.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme C... qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la communauté d'agglomération Vienne Condrieu Agglomération la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Vienne Condrieu Agglomération le versement à Mme C... d'une somme de 2 000 euros à ce titre.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la communauté d'agglomération Vienne Condrieu Agglomération est rejetée.

Article 2 : La communauté d'agglomération Vienne Condrieu Agglomération versera à Mme A... C... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté d'agglomération Vienne Condrieu Agglomération et à Mme A... B... épouse C....

Délibéré après l'audience du 25 mai 2023, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 juin 2023.

Le président rapporteur,

F. Bourrachot

La présidente-assesseure,

P. Dèche

La greffière,

A-C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au ministre de la fonction et de la transformation publiques, en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY02271

ap


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02271
Date de la décision : 15/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-04-01-03 Fonctionnaires et agents publics. - Positions. - Congés. - Congés de maladie. - Accidents de service.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: M. François BOURRACHOT
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : CABINET PHILIPPE PETIT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-06-15;21ly02271 ?
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