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14/06/2023 | FRANCE | N°22LY00191

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 14 juin 2023, 22LY00191


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... C... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les décisions du 30 juillet 2021 par lesquelles le préfet de la Côte-d'Or a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2102283 du 14 décembre 2021, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour
r>Par une requête enregistrée le 14 janvier 2022, Mme C... épouse B..., représentée par Me Grenie...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... C... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les décisions du 30 juillet 2021 par lesquelles le préfet de la Côte-d'Or a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2102283 du 14 décembre 2021, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 14 janvier 2022, Mme C... épouse B..., représentée par Me Grenier, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 14 décembre 2021 du tribunal administratif de Dijon ;

2°) d'annuler les décisions du préfet de la Côte-d'Or du 30 juillet 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ou, subsidiairement, de procéder à un nouvel examen de sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- cette décision n'est pas suffisamment motivée ;

- elle a été adoptée au terme d'une procédure irrégulière, à défaut d'avoir été précédée de la consultation de la commission du titre de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur de droit, l'exigence de justifier un visa de long séjour ne lui étant pas applicable ;

- cette décision méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle procède d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle procède d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision limitant à trente jours le délai de départ volontaire :

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 mars 2022, le préfet de la Côte-d'Or, représenté par Me Cano (SELARL Centaure avocats), avocat, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de Mme B... une somme de 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il expose que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 24 novembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sophie Corvellec, première conseillère,

- et les observations de Me d'Ovidio, avocate, pour le préfet de la Côte-d'Or ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... relève appel du jugement du 14 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Côte-d'Or du 30 juillet 2021 rejetant sa demande de titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, en visant les dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, plus particulièrement son article L. 423-23, et en relevant, d'une part, la nécessité de solliciter un visa de long séjour et, d'autre part, l'absence d'atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale eu égard à " l'intensité, la stabilité et l'ancienneté de ses liens personnels (...) ainsi que ses conditions d'existence en France ", le préfet de la Côte-d'Or, qui n'était pas tenu de reprendre l'ensemble des éléments caractérisant la situation personnelle et familiale de Mme B..., a énoncé les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de sa décision. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision litigieuse n'est pas suffisamment motivée.

3. En deuxième lieu, d'une part, l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux ressortissants marocains en vertu de l'article 9 de l'accord franco-marocain, dispose que : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". L'article L. 412-1 du même code dispose que : " (...) la première délivrance d'une carte de séjour temporaire (...) est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour (...) ".

4. D'autre part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...) ".

5. Il est constant que Mme B... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour, non pas en qualité d'ascendante à charge, mais sur le seul fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il résulte de ces dispositions que, contrairement à ce qu'a retenu le préfet de la Côte-d'Or en indiquant, pour rejeter cette demande, qu'il appartenait à celle-ci de " retourner dans son pays d'origine afin de solliciter un visa de long séjour ", la délivrance du titre de séjour ainsi sollicité par Mme B... n'était pas subordonnée à la présentation d'un tel visa. Par suite, et ainsi que l'ont retenu les premiers juges, Mme B... est fondée à soutenir que le préfet de la Côte-d'Or a entaché sa décision d'une erreur de droit.

6. Toutefois, comme indiqué au point 2 du présent arrêt, le préfet de la Côte-d'Or s'est également fondé, pour rejeter la demande de Mme B..., sur l'absence d'atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale eu égard à " l'intensité, la stabilité et l'ancienneté de ses liens personnels (...) ainsi que ses conditions d'existence en France ".

7. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., ressortissante marocaine née en 1947, est entrée en France au cours du mois d'octobre 2020, accompagnée de son époux, qui s'y trouve également en situation irrégulière depuis. A la date de la décision litigieuse, elle résidait ainsi depuis moins d'un an sur le territoire français, après avoir vécu jusqu'à l'âge de soixante-treize ans dans son pays d'origine. Si elle invoque son état de santé et celui de son époux, il ne résulte pas des certificats médicaux produits que les époux ne pourraient être pris en charge médicalement en cas de retour dans leur pays d'origine. Par suite, la présence de deux de leurs enfants majeurs en France, dont ils ont précédemment vécu séparés, de même que le décès d'autres membres de leur famille, ne sont pas de nature à établir que le refus de titre de séjour litigieux porte une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale, ainsi que l'a retenu le préfet de la Côte-d'Or.

8. Il résulte de l'instruction que le préfet de la Côte-d'Or aurait pris la même décision s'il s'était fondé sur ce seul motif.

9. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

10. En troisième lieu, et pour ces mêmes motifs, le préfet de la Côte-d'Or n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de Mme B....

11. Enfin, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer (...) la carte de séjour temporaire prévue aux articles (...) L. 423-23 (...) à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance (...) ".

12. Comme indiqué précédemment, Mme B... ne remplit pas effectivement les conditions pour pouvoir prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré du défaut de consultation préalable de la commission du titre de séjour doit être écarté.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

13. En premier lieu, comme indiqué ci-dessus, la décision refusant de délivrer un titre de séjour à Mme B... n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de ce refus de titre doit être écarté.

14. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux précédemment mentionnés, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni davantage qu'elle procède d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Sur la légalité de la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire :

15. En premier lieu, il résulte de l'examen de la légalité de l'obligation de quitter le territoire français que Mme B... n'est pas fondée à se prévaloir de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le délai de départ volontaire.

16. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment de certificats médicaux produits, que le délai imparti à Mme B... pour quitter le territoire français serait insuffisant pour lui permettre d'organiser son départ. Par suite, le préfet de la Côte-d'Or n'a pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation sa décision de ne pas lui accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours.

Sur la légalité de la décision désignant le pays de destination :

17. Comme il a été indiqué ci-dessus, la décision faisant obligation de quitter le territoire français à Mme B... n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de cette décision doit être écarté.

18. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

19. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En application de ces mêmes dispositions, il n'y a, par ailleurs, pas lieu de mettre à la charge de Mme B... une somme au titre des frais exposés par l'Etat dans la présente instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... épouse B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le préfet de la Côte-d'Or sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... épouse B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.

Délibéré après l'audience du 30 mai 2023, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

M. Gilles Fédi, président-assesseur,

Mme Sophie Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 juin 2023.

La rapporteure,

Sophie CorvellecLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY00191


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY00191
Date de la décision : 14/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : GRENIER

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-06-14;22ly00191 ?
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