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14/06/2023 | FRANCE | N°21LY04047

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 14 juin 2023, 21LY04047


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'association " Comité environnement santé sécurité éducation " (CESSE), M. J... C..., Mme G... C..., Mme B... H..., M. E... H..., M. F... D..., M. I... A... et la société Les pompes funèbres de l'Astrée ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 11 juin 2020 par lequel le préfet de la Loire a enregistré, au titre des installations classées pour la protection de l'environnement, une centrale d'enrobage à chaud au bitume de matériaux routiers et une installation de concassage

pour le recyclage de matériaux inertes exploitées par la société STAL TP dans l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'association " Comité environnement santé sécurité éducation " (CESSE), M. J... C..., Mme G... C..., Mme B... H..., M. E... H..., M. F... D..., M. I... A... et la société Les pompes funèbres de l'Astrée ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 11 juin 2020 par lequel le préfet de la Loire a enregistré, au titre des installations classées pour la protection de l'environnement, une centrale d'enrobage à chaud au bitume de matériaux routiers et une installation de concassage pour le recyclage de matériaux inertes exploitées par la société STAL TP dans la zone d'aménagement concertée (ZAC) de Champbayard, sur le territoire de la commune de Boën-sur-Lignon.

Par un jugement n° 2007252 du 7 octobre 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 12 décembre 2021 et quatre mémoires enregistrés le 20 septembre 2022, le 12 décembre 2022, le 6 janvier 2023 et le 10 mai 2023, ces deux derniers n'ayant pas été communiqués, l'association " Comité environnement santé sécurité éducation " (CESSE), désignée représentant unique, M. J... C..., Mme G... C..., Mme B... H..., M. E... H..., M. F... D..., M. I... A... et la société Les pompes funèbres de l'Astrée , représentés par Me Untermaier, puis par Me Petit (SELAS Adaltys affaires publiques), avocats, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 7 octobre 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Loire du 11 juin 2020 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leur requête est recevable ;

- l'étude d'impact était insuffisante :

- à défaut de comporter un " scénario de référence ", une analyse de l'incidence du projet sur le climat et de sa vulnérabilité au changement en climatique et une analyse complète des solutions de substitution raisonnablement envisageables, en méconnaissance des exigences du II. de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 3 août 2016, applicable au projet en vertu de l'article 5 de la directive 2014/52/UE ;

- à défaut de description suffisante des impacts du projet sur les populations humaines et d'évaluation de l'impact des poussières dégagées par l'activité de concassage/recyclage ;

- en raison de l'insuffisance du volet " faune/flore " et " Natura 2000 ", à défaut notamment d'analyse de son impact sur la ressource en eau ;

- en appliquant à tort l'arrêté du 2 février 1998, depuis remplacé par celui du 9 avril 2019, pour analyser les émissions de benzène et de benzo(a)pyrène dans l'étude complémentaire produite en cours d'instruction ;

- en utilisant un logiciel de modélisation atmosphérique contestable dans l'étude complémentaire produite en cours d'instruction ;

- en fondant l'étude complémentaire produite en cours d'instruction sur une étude des vents insuffisante pour apprécier les impacts résultant de la dispersion des polluants ;

- l'arrêté ne comporte pas de prescriptions relatives aux mesures d'évitement, de réduction et de compensation, en méconnaissance de l'article L. 122-1-1 du code de l'environnement ;

- il a été adopté au terme d'une procédure irrégulière, à défaut de consultation de l'autorité environnementale sur les nouveaux éléments produits par le pétitionnaire en cours d'instruction et soumis à enquête publique complémentaire ;

- le projet porte atteinte aux intérêts visés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement, compte tenu de la présence de publics fragiles à proximité ;

- il méconnaît les règles de distance minimale prévues par les arrêtés du 26 novembre 2012 et du 9 avril 2019 ;

- il est incompatible avec le plan local d'urbanisme applicable, en prévoyant une nouvelle voie d'accès au nord de la zone d'aménagement concerté et en l'absence de preuve de la compatibilité du projet avec les orientations d'aménagement et de programmation, en méconnaissance de l'article L. 514-6 du code de l'environnement.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 novembre 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il expose que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par deux mémoires en défense enregistrés le 10 novembre 2022 et le 12 décembre 2022, la société STAL TP, représentée par Me Jacques (SELAS Lega-Cité), avocat, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre la somme de 5 000 euros solidairement à la charge des requérants, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle expose que :

- la requête est irrecevable en ce qu'elle a été présentée pour l'association CESSE, à défaut pour celle-ci de justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir et à défaut pour son président d'y avoir été habilité, à défaut de signature de la requête par celui-ci et d'acte l'habilitant à agir ;

- la requête est irrecevable en ce qu'elle a été présentée pour des personnes physiques, à défaut pour celles-ci de justifier d'un intérêt leur donnant qualité pour agir ;

- la requête est irrecevable en ce qu'elle a été présentée pour une SARL, à défaut pour celle-ci de justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir ;

- les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 12 décembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 6 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement ;

- la directive 2014/52/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 modifiant la directive 2011/92/UE concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement ;

- l'ordonnance n° 2016-1058 du 3 août 2016 ;

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le décret n° 2016-1110 du 11 août 2016 ;

- l'arrêté du 26 novembre 2012 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations de broyage, concassage, criblage, etc., relevant du régime de l'enregistrement au titre de la rubrique n° 2515 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement ;

- l'arrêté du 9 avril 2019 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations relevant du régime de l'enregistrement au titre de la rubrique n° 2521 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement - Enrobage au bitume de matériaux routiers (Centrale d') ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sophie Corvellec, première conseillère,

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me Untermaier, avocat, représentant l'association "CESSE" et autres, et de Me Garaud, avocate, représentant la société STAL TP ;

Considérant ce qui suit :

1. L'association " Comité environnement santé sécurité éducation " (CESSE) et autres relèvent appel du jugement du 7 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 juin 2020 par lequel le préfet de la Loire a enregistré, au titre des installations classées pour la protection de l'environnement, une centrale d'enrobage à chaud au bitume de matériaux routiers et une installation de concassage pour le recyclage de matériaux inertes exploitées par la société STAL TP dans la zone d'aménagement concertée (ZAC) de Champbayard, sur le territoire de la commune de Boën-sur-Lignon.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Il appartient au juge du plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement d'apprécier le respect des règles relatives à la forme et la procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de droit et de fait en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation et celui des règles de fond régissant le projet en cause au regard des circonstances de droit et de fait en vigueur à la date à laquelle il se prononce, sous réserve du respect des règles d'urbanisme qui s'apprécie au regard des circonstances de droit et de fait applicables à la date de l'autorisation.

En ce qui concerne les insuffisances de l'étude d'impact telle que complétée par l'évaluation quantitative des risques sanitaires :

3. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 3 de la directive 2014/52/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 modifiant la directive 2011/92/UE concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement : " 1. Les projets pour lesquels la détermination visée à l'article 4, paragraphe 2, de la directive 2011/92/UE a été engagée avant le 16 mai 2017 sont soumis aux obligations visées à l'article 4 de la directive 2011/92/UE avant sa modification par la présente directive. 2. Un projet est soumis aux obligations visées à l'article 3 et aux articles 5 à 11 de la directive 2011/92/UE avant sa modification par la présente directive si, avant le 16 mai 2017: (...) b) les informations visées à l'article 5, paragraphe 1, de la directive 2011/92/UE ont été fournies ". D'autre part, aux termes de l'article 6 de l'ordonnance du 3 août 2016 relative à la modification des règles applicables à l'évaluation environnementale des projets, plans et programmes : " Les dispositions de la présente ordonnance s'appliquent : - aux projets relevant d'un examen au cas par cas pour lesquels la demande d'examen au cas par cas est déposée à compter du 1er janvier 2017 ; - aux projets faisant l'objet d'une évaluation environnementale systématique pour lesquels la première demande d'autorisation (...) est déposée à compter du 16 mai 2017 (...) ".

4. S'ils se prévalent des dispositions transitoires de la directive 2014/52/UE du 16 avril 2014, l'association CESSE et autres ne prétendent pas que les dispositions transitoires prévues par l'article 6 de l'ordonnance du 3 août 2016 seraient contraires à celles-ci. En tout état de cause, s'agissant des projets relevant d'un examen au cas par cas, l'article 6 de l'ordonnance du 3 août 2016 a anticipé les exigences de la directive en prévoyant son application aux projets pour lesquels la procédure d'examen au cas par cas a été engagée à compter du 1er janvier 2017. S'agissant des projets faisant l'objet d'une évaluation environnementale systématique, un pétitionnaire fournit, en déposant sa demande assortie d'une étude d'impact, les informations visées à l'article 5, paragraphe 1 de la directive 2011/92 et spécifiées à l'annexe IV de cette directive. Par suite, l'article 6 de l'ordonnance du 3 août 2016 a pu, conformément à l'article 3 de la directive 2014/52/UE, prévoir que seules les demandes déposées postérieurement au 16 mai 2017, ou pour lesquelles la procédure d'examen au cas par cas a été engagée après le 1er janvier 2017, seront soumises à ses dispositions. Il résulte en l'espèce de l'instruction que la demande d'autorisation qui a donné lieu à l'arrêté litigieux a été déposée par la société STAL TP au mois de septembre 2016, accompagnée d'une étude d'impact, sans, en tout état de cause, que les requérants ne prétendent que cette dernière ne comportait pas les informations visées à l'article 5, paragraphe 1 de la directive 2011/92. Ainsi, et quelle que soit la procédure applicable, cette demande ne relevait pas de l'ordonnance du 3 août 2016. Par suite, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir, pour contester l'étude d'impact produite à son appui, des dispositions du décret du 11 août 2016 modifiant l'article R. 122-5 du code de l'environnement et pris pour l'application de cette ordonnance. Ainsi, le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact en ce qu'elle ne comporte pas de " scénario de référence ", de description de " la vulnérabilité au projet au changement climatique " et une " description des solutions de substitution raisonnables ", tels qu'exigés par l'article R. 122-5 du code de l'environnement dans sa rédaction issue du décret du 11 août 2016, doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 122-5 du code de l'environnement dans sa rédaction alors applicable : " I.-Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, ouvrages et aménagements projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. II.-L'étude d'impact présente : (...) 2° Une analyse de l'état initial de la zone et des milieux susceptibles d'être affectés par le projet, portant notamment sur la population, la faune et la flore, les habitats naturels, les sites et paysages, les biens matériels, les continuités écologiques telles que définies par l'article L. 371-1, les équilibres biologiques, les facteurs climatiques, le patrimoine culturel et archéologique, le sol, l'eau, l'air, le bruit, les espaces naturels, agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs, ainsi que les interrelations entre ces éléments ; 3° Une analyse des effets négatifs et positifs, directs et indirects, temporaires (y compris pendant la phase des travaux) et permanents, à court, moyen et long terme, du projet sur l'environnement, en particulier sur les éléments énumérés au 2° et sur la consommation énergétique, la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses), l'hygiène, la santé, la sécurité, la salubrité publique, ainsi que l'addition et l'interaction de ces effets entre eux (...) ".

6. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

7. Il résulte de l'instruction que l'étude d'impact fournie par la société STAL TP à l'appui de sa demande a été complétée, au mois d'avril 2019, par une " évaluation des risques sanitaires ", laquelle n'avait pas, contrairement à ce que prétendent les requérants, à être soumise à une contre-expertise.

8. S'agissant de l'impact du projet sur les populations voisines, s'il est vrai que l'évaluation des risques sanitaires a considéré que les " émissions de poussières diffuses " ne pouvaient être précisément quantifiées, ces poussières, ainsi que leur impact, ont néanmoins été pris en compte tout au long de l'étude d'impact, que ce soit dans sa partie analysant les impacts négatifs du projet, notamment sur la faune, la flore, les eaux superficielles, l'air ou encore l'agriculture, ou dans sa partie consacrée aux mesures destinées à prévenir, supprimer ou réduire ces impacts. Par ailleurs, les données dont se prévalent les requérants pour quantifier de telles émissions ne permettent pas de remettre en cause leur caractère limité, tel que retenu par cette étude. S'agissant des quotients de danger (QD), de l'excès de risque individuel (ERI) et de l'interprétation de l'état des milieux (IEM) retenus par l'évaluation des risques sanitaires, leur exactitude ne saurait être remise en cause par l'application des valeurs limites d'émission fixées par l'arrêté du 9 avril 2019, comme le préconisent les requérants, en lieu et place des émissions effectives de l'installation, telles qu'évaluées par le pétitionnaire et dont l'exactitude n'est nullement démentie par les requérants. Ainsi, l'erreur quant à la valeur limite d'émission applicable au benzène que comporte le dossier de demande n'est pas de nature à démontrer une insuffisance de celui-ci. Enfin, ils ne remettent pas utilement en cause la pertinence du logiciel de modélisation des dispersions atmosphériques utilisé pour la réalisation de cette évaluation, en se prévalant d'une étude se bornant à comparer ce logiciel à un autre, sans remettre en cause sa fiabilité, ni davantage celle de l'étude des vents qu'elle comporte, en se bornant à soutenir que celle-ci repose sur des moyennes, sans, au demeurant, contester que le nombre d'occurrences contradictoires qu'ils relèvent demeure limité en comparaison du nombre total de relevés utilisés pour la réalisation de cette étude.

9. S'agissant du volet " faune/flore " et de l'étude " Natura 2000 ", l'étude d'impact recense l'intégralité des zones protégées, en tenant compte notamment des étangs qu'elles comportent dont l'étang du Bailly. Contrairement à ce que prétendent les requérants, les eaux issues de l'arrosage des poussières liées à l'activité de concassage/recyclage ont été prises en compte dans l'analyse des rejets dans le milieu aqueux, en prévoyant leur rejet dans le milieu naturel après passage dans un bassin équipé d'un séparateur d'hydrocarbures. Les requérants ne sauraient utilement, à l'appui de ce moyen, se prévaloir d'une étude hydrogéologique remettant en cause les conclusions de l'étude d'impact sur ce point, et non son caractère complet. Ils ne peuvent davantage se prévaloir d'un avis rendu par la MRAE à propos de la nouvelle voie d'accès à la ZAC, au vu d'un dossier distinct, cette même autorité ayant, dans son avis du 16 janvier 2018, estimé que les dispositifs permettant de réduire les impacts sur l'eau sont adaptés au projet sans relever d'insuffisance à cet égard. Ainsi, ils ne démontrent aucune insuffisance de l'étude d'impact quant aux incidences du projet sur la ressource en eau, et plus généralement sur la faune, la flore et les espaces naturels classés.

10. Les moyens tirés de l'insuffisance de l'étude d'impact doivent donc être écartés.

En ce qui concerne l'absence de prescriptions au titre des mesures d'évitement, de réduction et de compensation :

11. Dans l'exercice de ses pouvoirs de police administrative en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement, il appartient à l'autorité administrative d'assortir sa décision des prescriptions de nature à assurer la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du même code, en tenant compte des conditions d'installation et d'exploitation précisées par le pétitionnaire dans le dossier de demande, celles-ci comprenant notamment les engagements qu'il prend afin d'éviter, réduire et compenser les dangers ou inconvénients de son exploitation pour ces intérêts.

12. Il résulte de l'instruction, d'une part, que la demande d'autorisation d'exploiter présentée par la société STAL TP comportait des mesures destinées, autant que possible, à prévenir, supprimer ou réduire les conséquences dommageables du projet pour l'environnement et, d'autre part, que l'article 1.3.1 de l'arrêté litigieux prévoit que les installations et leurs annexes doivent être disposées, aménagées et exploitées conformément aux éléments figurant dans le dossier déposé et complété par le pétitionnaire et respecter la législation et les arrêtés ministériels de prescriptions générales applicables tels que complétés par ses autres dispositions. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet n'aurait imposé aucune prescription à l'exploitant manque en fait et doit être écarté.

En ce qui concerne l'absence de consultation de la MRAE sur les nouveaux éléments apportés par le pétitionnaire en cours d'instruction :

13. Aux termes du III de l'article R. 122-21 du code de l'environnement : " La consultation est réputée réalisée en l'absence de réponse dans le délai d'un mois à compter de la réception de la demande par les autorités mentionnées au II (...) ", parmi lesquelles figure l'autorité environnementale.

14. Le code de l'environnement n'impose pas de soumettre à l'autorité compétente en matière d'environnement les éléments complémentaires que produit le pétitionnaire, à la suite d'un avis qu'elle a rendu, en vue d'assurer une meilleure information du public et de l'autorité chargée de statuer sur la demande d'autorisation. Il n'en est autrement que dans le cas où les éléments complémentaires produits par le pétitionnaire sont destinés à combler des lacunes de l'étude d'impact d'une importance telle que l'autorité environnementale ne pouvait, en leur absence, rendre un avis sur la demande d'autorisation, en ce qui concerne ses effets sur l'environnement.

15. Il résulte de l'instruction que la société STAL TP a, en cours d'instruction de sa demande, produit une " évaluation des risques sanitaires ", à la suite de l'avis de la mission régionale d'autorité environnementale Auvergne-Rhône-Alpes (MRAE) du 17 janvier 2018, au terme duquel celle-ci a estimé " qu'en l'état, le document présenté ne permet pas d'apprécier correctement l'impact du projet sur les populations proches (...) ", en recommandant alors de " compléter l'étude d'impact et l'analyse des risques sanitaires (...) ". Toutefois, ces nouveaux éléments ont été transmis le 24 avril 2019 à la MRAE, laquelle, estimant qu'ils ne comportaient pas de modification significative par rapport au dossier initial, ne s'est pas expressément prononcée au terme d'un délai d'un mois, et est ainsi réputée avoir été régulièrement consultée, ainsi qu'il résulte de la fiche navette produite en défense corroborée par le rapport du préfet de la Loire au conseil départemental de l'environnement, des risques sanitaires et technologiques du 22 avril 2020. Dans ces circonstances, la réalité de cette saisine ne saurait être remise en cause par le seul courrier électronique de la présidente de la MRAE en date du 29 avril 2022 dont se prévalent les requérants, évoquant seulement l'absence d'un nouveau " dossier de demande d'autorisation ".

En ce qui concerne la compatibilité du projet enregistré avec le plan local d'urbanisme :

16. Aux termes de l'article L. 514-6 du code de l'environnement : " I. (...) la compatibilité d'une installation classée avec les dispositions (...) d'un plan local d'urbanisme (...) est appréciée à la date de l'autorisation, de l'enregistrement ou de la déclaration (...) ". Par ailleurs, en vertu de l'article L. 152-1 du code de l'urbanisme, le règlement et les documents graphiques du plan local d'urbanisme sont opposables à l'ouverture des installations classées appartenant aux catégories déterminées dans le plan. Il en résulte que les prescriptions de celui-ci qui déterminent les conditions d'utilisation et d'occupation des sols et les natures d'activités interdites ou limitées s'imposent aux autorisations d'exploiter délivrées au titre de la législation des installations classées.

17. Les dispositions de l'article 3 du règlement du plan local d'urbanisme qu'invoquent l'association CESSE et autres, relatives aux modalités d'accès à la zone UEza, ne déterminant ni les conditions d'utilisation et d'occupation des sols, ni les natures d'activités interdites ou limitées dans la zone concernée, ils ne peuvent utilement s'en prévaloir pour contester l'arrêté litigieux. Enfin, en relevant que la compatibilité de cet arrêté avec les Orientations d'Aménagement et de Programmation auxquelles le règlement du plan local d'urbanisme se réfère " n'est pas démontrée ", ils n'assortissent pas ce moyen de précisions suffisantes pour permettre à la cour d'y statuer. Par suite, les moyens tirés de l'incompatibilité du projet avec le plan local d'urbanisme doivent être écartés.

En ce qui concerne l'atteinte portée aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement :

18. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique (...) ". L'article L. 512-7 de ce même code prévoit que : " I. - Sont soumises à autorisation simplifiée, sous la dénomination d'enregistrement, les installations qui présentent des dangers ou inconvénients graves pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1, lorsque ces dangers et inconvénients peuvent, en principe, eu égard aux caractéristiques des installations et de leur impact potentiel, être prévenus par le respect de prescriptions générales édictées par le ministre chargé des installations classées (...) ". Son article L. 512-7-3 dispose en outre que : " (...) En vue d'assurer la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 (...), le préfet peut assortir l'enregistrement de prescriptions particulières complétant ou renforçant les prescriptions générales applicables à l'installation (...) ".

19. Pour soutenir que le projet enregistré par l'arrêté litigieux porte une atteinte excessive aux intérêts énumérés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, l'association CESSE et autres se prévalent d'abord des règles minimales de distance fixées aux articles 2.1. et 5 des arrêtés en date du 9 avril 2019 et du 26 novembre 2012 définissant les prescriptions générales applicables aux activités, d'une part, d'enrobage au bitume de matériaux routiers (rubrique n° 2521) et, d'autre part, de broyage, concassage, criblage (rubrique n° 2515). Toutefois, en se prévalant, à tort, de distances mesurées en limites de parcelles, ils ne démontrent nullement la méconnaissance de ces dispositions. Par ailleurs, s'ils invoquent la présence, à proximité du projet, d'établissements accueillant un public fragile, en particulier un groupe scolaire, un funérarium ainsi qu'un centre hospitalier comprenant un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, et se prévalent d'avis défavorables rendus par certaines autorités administratives préalablement consultées, ils n'apportent, à l'appui de ce moyen, aucune précision sur les gênes qu'ils invoquent, ni ne démontrent que les mesures prévues en vue de les limiter seraient insuffisantes. En particulier, ils n'apportent aucun élément permettant de contredire les conclusions de l'étude d'impact, reprises par les premiers juges et concluant à une faible augmentation des émissions atmosphériques, notamment des polluants, ni n'établissent l'insuffisance des mesures d'arrosage prévues pour réduire l'impact des poussières générées par l'activité de recyclage. Enfin, la circonstance que l'accès au site, modifié pour tenir compte des conclusions de l'enquête publique, ne serait pas conforme au plan local d'urbanisme n'est pas de nature à démontrer l'existence d'une atteinte à l'un des intérêts énumérés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'atteinte portée aux intérêts mentionnés par cet article doit être écarté.

20. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la requête et de la demande de première instance contestée en défense, que l'association CESSE et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par l'association CESSE et autres. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ces derniers le paiement des frais exposés par la société STAL TP en application de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'association CESSE et autres est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société STAL TP en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association " Comité environnement santé sécurité éducation ", à la société STAL TP et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré après l'audience du 30 mai 2023, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

M. Gilles Fédi, président-assesseur,

Mme Sophie Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 juin 2023.

La rapporteure,

Sophie CorvellecLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY04047


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY04047
Date de la décision : 14/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

44-02-02-005-02-02 Nature et environnement. - Installations classées pour la protection de l'environnement. - Régime juridique. - Actes affectant le régime juridique des installations. - Première mise en service.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : UNTERMAIER

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-06-14;21ly04047 ?
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