Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. et Mme C... et B... D... ont demandé au tribunal administratif de Lyon :
1°) d'annuler les factures émises par l'association syndicale autorisée (ASA) ... depuis avril 2010 en l'absence de prestations de service et de procéder au remboursement des sommes afférentes ;
2°) à titre subsidiaire, de condamner cette association à procéder au remboursement d'une somme indue de 5 392,42 euros ou, à tout le moins, de 4 000 euros, correspondant à des prestations de service inexistantes relatives à une borne d'alimentation en eau initialement située sur leur propriété mise hors service depuis 2010 ou, à défaut, au titre du paiement de l'indu ou de l'enrichissement sans cause ;
3°) de mettre à la charge de l'ASA ... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1909053 du 11 mars 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 7 mai 2021 et un mémoire enregistré le 11 août 2022, M. et Mme D..., représentés par Me Villand, avocate, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 11 mars 2021 ;
2°) d'annuler les factures émises par l'ASA ... depuis avril 2010 ;
3°) de condamner l'ASA du plateau de Neulise au remboursement de la somme de 5 392,42 euros ;
4°) de mettre à la charge de l'ASA du plateau de Neulise une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les factures litigieuses n'ont pas été émises par l'ordonnateur, en méconnaissance de l'article 54 du décret du 3 mai 2006 ;
- la décision du 28 décembre 2010, refusant leur retrait de l'association syndicale, est illégale, l'unanimité des voix des votants n'étant pas requise pour accepter un tel retrait ;
- la délibération fixant les bases de répartition des dépenses entre les membres de l'association est illégale, à défaut d'avoir été précédée de la consultation de ces membres, en méconnaissance de l'article 51 du décret du 2 mai 2006 et procédant à une répartition injustifiée ;
- le budget pour 2017 n'a pas été établi dans les délais prescrits par la loi et n'a pas été précédé d'une consultation des adhérents ;
- l'adoption régulière d'un budget annuel n'est pas justifiée ;
- les redevances n'étaient pas justifiées, dès lors qu'ils n'avaient pas recours à l'irrigation et que la borne était hors d'usage ;
- la quote-part d'emprunt qui leur a été réclamée en 2012 n'est pas justifiée ;
- les redevances perçues doivent être remboursées, au titre du remboursement de l'indu et de l'enrichissement sans cause.
Par deux mémoires en défense enregistrés le 14 janvier 2022 et le 6 septembre 2022, l'ASA ..., représentée par Me Robert (SELARL Robert), avocat, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge des époux D... une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, outre une somme de 2 000 euros pour recours abusif.
Elle expose que :
- les conclusions de première instance tendant à l'annulation des factures litigieuses étaient tardives et, par suite, irrecevables ;
- le moyen contestant la régularité des factures litigieuses est nouveau en appel et, par suite, irrecevable ;
- les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 12 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 7 octobre 2022.
Par courrier du 11 mai 2023, les parties ont été informées, conformément à l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour est susceptible de soulever d'office :
- l'irrecevabilité des conclusions de l'association syndicale autorisée ... tendant à ce qu'une amende pour recours abusif soit mise à la charge de M. et Mme D..., cette faculté prévue par l'article R. 741-2 du code de justice administrative constituant un pouvoir propre du juge ;
- l'irrecevabilité du moyen excipant, par la voie de l'exception, de l'illégalité des délibérations du conseil syndical fixant les bases de répartition des dépenses de l'association entre ses membres, notamment de celle du 12 avril 2017, ce moyen, soulevé pour la première fois en appel, ayant été soulevé au-delà du délai imparti de deux mois, mentionné à l'article 54 du décret du 3 mai 2006 (CE, 17 juillet 2012, SCI de Pampelonne, n°357870, A - Rec. p. 286).
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 ;
- le décret n° 2006-504 du 3 mai 2006 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Sophie Corvellec, première conseillère,
- et les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme D..., propriétaires d'une parcelle sur le territoire de la commune de ... incluse dans le périmètre de l'association syndicale autorisée (ASA) ..., relèvent appel du jugement du 11 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à ce que leur soient restituées les redevances qu'ils estiment avoir indûment versées entre 2011 et 2019 et à être déchargés de l'obligation de payer ces redevances. S'ils réitèrent, en appel, des conclusions tendant à l'annulation des factures émises à leur encontre par l'association depuis 2011, ils doivent être regardés, ainsi que l'avaient déjà estimé les premiers juges, comme sollicitant ainsi la restitution des redevances mises à leur charge par ces factures.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 54 du décret du 3 mai 2006 portant application de l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires : " L'ordonnateur émet le titre de recettes dont une ampliation est adressée aux redevables de l'association syndicale autorisée et vaut avis des sommes à payer. Les titres de recettes émis par l'ordonnateur sont exécutoires de plein droit en application de l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales. La signature de l'ordonnateur est portée sur le bordereau récapitulatif des titres de recettes, à l'exclusion des titres de recettes eux-mêmes (...) ".
3. Ces dispositions, qui visent les seuls titres exécutoires, ne sont pas applicables aux factures invoquées en l'espèce par M. et Mme D.... Sans qu'il soit besoin d'examiner sa recevabilité, le moyen tiré de leur méconnaissance est ainsi inopérant et ne peut qu'être écarté.
4. En deuxième lieu, si M. et Mme D... excipent, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision du 28 décembre 2010 les informant du rejet par le syndicat de l'association de leur première demande de retrait, cette décision, au demeurant devenue définitive, ne constitue pas la base légale des redevances en litige, lesquelles n'ont pas davantage été établies en application de celle-ci. Ce moyen doit dès lors être écarté.
5. En troisième lieu, les dispositions de l'article 54 du décret du 3 mai 2006 portant application de l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires instituent un recours de plein contentieux spécial ayant pour objet de permettre aux membres d'une association syndicale autorisée qui entendent contester le bien-fondé des redevances mise à leur charge de faire opposition, devant le juge administratif, aux titres de recettes exécutoires émis à leur encontre pour le recouvrement de ces créances publiques. Ces dispositions doivent s'entendre comme excluant toute contestation directe, par la voie du recours pour excès de pouvoir, de la délibération du syndicat arrêtant cette répartition. S'il est toutefois loisible au propriétaire d'un bien immobilier compris dans le périmètre d'une association syndicale autorisée de présenter, par voie d'exception, un moyen tiré de l'illégalité de cette délibération à l'appui de conclusions tendant à l'annulation du titre exécutoire émis pour le recouvrement de la redevance à laquelle il a été assujetti, un tel moyen n'est cependant recevable, eu égard à l'importance qui s'attache à la préservation de la sécurité juridique des bases de répartition des dépenses entre les propriétés incluses dans le périmètre d'une telle association, que s'il a été soulevé dans le délai, mentionné à l'article 54 du décret du 3 mai 2006, de deux mois suivant la réception du premier titre exécutoire faisant application au requérant de cette délibération ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuites. Par ailleurs, il est loisible à ce propriétaire de présenter à l'appui de ce recours, par voie d'exception, un moyen tiré de l'illégalité de la délibération budgétaire annuelle par laquelle le syndicat a prévu et autorisé les dépenses et les recettes de l'association.
6. D'une part, si M. et Mme D... excipent, par la voie de l'exception, de l'illégalité des délibérations du conseil syndical fixant les bases de répartition des dépenses de l'association entre ses membres, il résulte toutefois de l'instruction, notamment de leur réclamation en date du 4 mars 2019, des factures produites en première instance et du récapitulatif daté du 2 mars 2020 des différentes procédures mises en œuvre par la trésorerie, dont l'exactitude n'est pas contestée par les requérants qui indiquent s'être acquittés des différentes sommes dues, qu'en contestant ces délibérations pour la première fois en appel, ils ne les ont pas contestées dans les délais de deux mois qui leur étaient impartis. Au surplus, ces délibérations revêtant un caractère réglementaire, les requérants ne peuvent utilement contester, en dehors d'un recours pour excès de pouvoir directement dirigé contre ces délibérations, les conditions de leur édiction, par un moyen tiré de la méconnaissance de la procédure préalable prévue par l'article 51 du décret du 3 mai 2006. S'ils soutiennent en outre que la répartition des dépenses ne serait pas justifiée, il ressort des délibérations produites que le montant des redevances est échelonné en fonction du débit des bornes, augmenté d'un prix par mètre cube d'eau consommé. Enfin, la seule circonstance que certains membres ne consomment pas d'eau n'est pas de nature à justifier l'absence de paiement d'une redevance, ni dès lors à remettre en cause le bienfondé de cette répartition. Ainsi, les moyens contestant ces délibérations ne peuvent qu'être écartés.
7. D'autre part, si M. et Mme D... excipent également, par la voie de l'exception, de l'illégalité du " budget " pour 2017, la délibération du 12 avril 2017 qu'ils visent n'a pas pour objet d'adopter un tel budget, mais fixe la répartition des dépenses entre les membres de l'ASA. Les moyens tirés du défaut de consultation préalable des membres de l'association et de la tardiveté de l'adoption de cette délibération, au demeurant dépourvue d'incidence sur sa légalité, doivent être écartés pour les motifs indiqués au paragraphe précédent.
8. Enfin, en soutenant qu'il " n'est pas justifié du respect de la procédure concernant l'adoption chaque année du budget permettant de fixer les redevances de chaque propriété ", ils n'assortissent pas ce moyen de précisions suffisantes pour permettre à la cour d'y répondre.
9. Par suite, les moyens tirés de l'illégalité, soulevée par voie d'exception, des délibérations arrêtant la répartition des dépenses entre les membres de l'association et des délibérations budgétaires, ne peuvent qu'être écartés.
10. En quatrième lieu, d'une part, aux termes de l'article 53 du décret du 3 mai 2006 portant application de l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires : " Les redevances syndicales sont dues par les membres appartenant à l'association au 1er janvier de l'année de leur liquidation ". En vertu de l'article 16 des statuts de l'ASA du plateau de ... adoptés en 2008, " les recettes de l'ASA comprennent : les redevances dues par ses membres (...) ". L'absence d'utilisation effective, par un propriétaire membre d'une association syndicale autorisée, des services de cette association est sans incidence sur le caractère obligatoire des redevances mises à sa charge, lequel sont dues en raison de la seule qualité d'adhérent des propriétaires de terrains situés dans le périmètre syndical.
11. D'autre part, aux termes de l'article 38 de l'ordonnance du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires : " L'immeuble qui, pour quelque cause que ce soit, n'a plus de façon définitive d'intérêt à être compris dans le périmètre de l'association syndicale autorisée peut en être distrait. La demande de distraction émane de l'autorité administrative, du syndicat ou du propriétaire de l'immeuble. La proposition de distraction est soumise à l'assemblée des propriétaires. Si la réduction de périmètre porte sur une surface telle qu'elle est définie au II de l'article 37, l'assemblée des propriétaires peut décider que la proposition de distraction fera seulement l'objet d'une délibération du syndicat. Lorsque l'assemblée des propriétaires (...) ou (...) la majorité des membres du syndicat s'est prononcée en faveur de la distraction envisagée, l'autorité administrative peut autoriser celle-ci par acte publié et notifié dans les conditions prévues à l'article 15. Les propriétaires des fonds distraits restent redevables de la quote-part des emprunts contractés par l'association durant leur adhésion jusqu'au remboursement intégral de ceux-ci (...) ". Il résulte tant des articles 69 et 70 du décret du 18 décembre 1927 portant règlement d'administration publique sur les associations syndicales, que de l'article 38 de l'ordonnance du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires et de l'article 2 du décret du 3 mai 2006, qui s'y sont substitués, que la modification du périmètre d'une association syndicale est subordonnée à une autorisation préfectorale, sur accord de l'assemblée des propriétaires.
12. M. et Mme D... sont devenus membres de l'ASA ... par l'acquisition en 1998 d'une résidence secondaire située dans le périmètre syndical et accueillant une borne d'irrigation. D'abord conservée pour l'arrosage de leur jardin, cette borne a été fermée, à la demande des requérants, à compter de 2009. Si, par décision du 11 avril 2012, le conseil syndical a donné son accord au retrait de leur parcelle du périmètre syndical, cette procédure n'a pas abouti, à défaut pour les époux de s'être alors acquittés de leur dette syndicale. Cette décision, au demeurant devenue définitive, ne constituant pas la base légale des redevances en litige, lesquelles n'ont pas davantage été établies en application de celle-ci, les époux D... ne peuvent utilement exciper de son illégalité dans la présente instance. Alors même que les intéressés se seraient ultérieurement acquitté de la dette ainsi réclamée, aucune autorisation de distraction, telle que prévue par l'article 38 de l'ordonnance du 1er juillet 2004, n'a été adoptée par l'autorité préfectorale. Ainsi, ceux-ci n'ayant jamais perdu leur qualité de membres de l'association syndicale, ils demeuraient tenus de s'acquitter des redevances annuelles, nonobstant leur absence d'utilisation effective de l'eau d'irrigation et la mise hors service de la borne située sur leur propriété, dont ils sont à l'origine et qui ne fait pas obstacle à sa remise en usage ultérieure. Il en est de même du prétendu caractère non-irrigable de leur terrain, au demeurant nullement établi. Par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir que les redevances annuelles dont ils demandent la restitution n'étaient pas dues.
13. Enfin, il résulte de ce qui précède que les redevances acquittées étant justifiées par la qualité de membre de l'association syndicale des requérants, celles-ci n'étaient ni indues, ni dépourvues de cause. Par suite, les époux D... ne sont pas fondés à en demander la restitution en invoquant un remboursement d'indu ou un enrichissement sans cause.
14. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité des demandes en première instance contestée en défense, que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.
Sur la condamnation à une amende pour recours abusif :
15. Aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 10 000 euros ".
16. La faculté prévue par ces dispositions constituant un pouvoir propre du juge, les conclusions de l'ASA ... tendant à ce que les requérants soient condamnés à une telle amende ne sont pas recevables.
Sur les frais liés au litige :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'ASA ..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par les époux D.... Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ces derniers le paiement des frais exposés par l'ASA ... en application de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'association syndicale autorisée du plateau de ... tendant à ce que M. et Mme D... soient condamnés au versement d'une amende pour recours abusif et au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... et B... D... et à l'association syndicale autorisée ....
Délibéré après l'audience du 30 mai 2023, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
Mme Sophie Corvellec, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 juin 2023.
La rapporteure,
Sophie CorvellecLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Sandra Bertrand
La République mande et ordonne au préfet de la Loire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 21LY01455