Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon :
1°) d'annuler la décision du 18 juillet 2019 par laquelle le président de la communauté de communes de la Montagne d'Ardèche a prononcé son licenciement en raison de la suppression de son emploi ;
2°) de condamner la communauté de communes de la Montagne d'Ardèche à lui verser la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi ;
3°) de mettre à la charge de la communauté de communes de la Montagne d'Ardèche une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1907402 du 16 décembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et deux mémoire, enregistrés les 17 février 2021, 23 juin 2022 et 22 juillet 2022, Mme B..., représentée par Me Achard, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 16 décembre 2020 ;
2°) d'annuler la décision du 18 juillet 2019 par laquelle le président de la communauté de communes de la Montagne d'Ardèche a prononcé son licenciement ;
3°) de mettre à la charge de la communauté de communes de la Montagne d'Ardèche une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision est entachée de vices de légalité externe tirés de son absence de motivation, de justification concernant l'avis de la CCP et d'information sur la possibilité de se voir communiquer son dossier individuel ;
- la décision contestée est illégale en raison de l'illégalité de la délibération du conseil communautaire qui a supprimé son poste, laquelle a été adoptée au terme d'une procédure irrégulière et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision en litige est entachée de détournement de pouvoir ;
- la décision attaquée est entachée d'un détournement de procédure comme constituant une sanction disciplinaire ;
- son licenciement est entaché d'erreur de droit, dès lors qu'elle pouvait être reclassée sur un autre poste.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 21 janvier 2022 et 7 juillet 2022, la communauté de communes de la Montagne d'Ardèche, représentée par Me Bory :
1°) conclut au rejet de la requête ;
2°) demande qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens présentés par la requérante ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 27 mars 2023, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 7 avril 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Fédi, président-assesseur,
- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,
- et les observations de Me Achard, représentant Mme B..., et celles de Me Benhadj, représentant la communauté de communes de la Montagne d'Ardèche ;
Considérant ce qui suit :
1. Agent contractuel employée par la communauté de communes de la Montagne d'Ardèche, Mme B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'une part, l'annulation de la décision du 18 juillet 2019 par laquelle le président de cet établissement l'a informée de son licenciement à expiration de sa période de préavis à la suite de la suppression de son emploi, d'autre part, la condamnation de la communauté de communes à réparer le préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de cette décision. Mme B... fait appel du jugement du 16 décembre 2020 en tant seulement que le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de la décision de licenciement.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En excipant de l'illégalité de la délibération du 7 février 2019 qui a supprimé son poste, Mme B... a soulevé, devant le tribunal administratif, un moyen de légalité interne tiré du défaut de base légale de la décision litigieuse. Par suite, les moyens, tirés de l'absence de motivation de la décision de licenciement, de l'absence de justification concernant l'avis de la commission consultative paritaire et de l'absence d'information sur la possibilité de se voir communiquer son dossier individuel, qui concernent la légalité externe de la décision en cause et qui ne peuvent donc être soulevés pour la première fois en appel, doivent être écartés.
3. Si dans le cadre d'une contestation d'un acte règlementaire par voie d'exception, la légalité des règles fixées par l'acte réglementaire, la compétence de son auteur et l'existence d'un détournement de pouvoir peuvent être utilement critiquées, il n'en va pas de même des conditions d'édiction de cet acte, les vices de forme et de procédure dont il serait entaché ne pouvant être utilement invoqués que dans le cadre du recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'acte réglementaire lui-même, alors même qu'à la date à laquelle le moyen a été soulevé, le délai de recours contentieux contre cette délibération n'était pas expiré. Par suite, l'appelante ne peut utilement invoquer par la voie de l'exception d'illégalité des vices de forme et de procédure, tenant à l'insuffisance d'information du conseil communautaire, à la confusion liée à l'adoption, le même jour d'un tableau des effectifs et à la consultation viciée du comité technique, qui entacheraient la délibération du 7 février 2019.
4. Il ressort des pièces du dossier que la création du nouvel établissement de coopération intercommunale, qui résulte de l'application du schéma départemental de coopération intercommunale, a été opérée au 1er janvier 2017 sans la mise en place d'une réorganisation immédiate, ni de définition d'objectifs précis par les élus de la nouvelle communauté. Il a également été fait le constat, après deux années de fonctionnement, et comme cela ressort clairement du rapport annexé à la délibération en cause, d'une part, d'un surdimensionnement du service tourisme, qui a conduit à la suppression de quatre des sept Points Information Tourisme et de l'emploi de responsable du pôle Tourisme, d'autre part, de carences managériales et enfin de la nécessité de renforcer la gestion administrative, conduisant à ce que les missions de comptabilité réparties sur deux emplois, l'un en charge du mandatement des dépenses et l'autre axé sur le traitement comptable des recettes, soient centralisées sur un seul emploi de catégorie B afin de permettre une meilleure gestion comptable. Par ailleurs, la communauté de communes de la Montagne d'Ardèche a été dotée de nouvelles compétences, transférées au 1er janvier 2019, à savoir, la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations, la politique de la ville, le soutien aux sapeurs-pompiers et le soutien à la culture et au sport. En se bornant à soutenir, d'une part, que le rattachement du pôle tourisme à un pôle développement regroupant le développement économique, le tourisme, la culture et le patrimoine serait en contradiction avec l'organisation des métiers de l'établissement et que le service tourisme serait placé sous la direction d'un agent inexpérimenté, arguments qui se rattachent à l'opportunité de la décision sur laquelle il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer, d'autre part, que la diminution envisagée du nombre d'agents conduirait à une situation de sous-effectif du service Tourisme et enfin que les besoins des services n'ont pas été abordés, Mme B... ne démontre pas que la délibération prévoyant la réorganisation des services serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. De même, Mme B... n'établit pas que la délibération serait motivée par la volonté de l'évincer ou qu'elle caractériserait un détournement de pouvoir.
5. Une collectivité territoriale peut légalement, quel que soit l'état des finances locales, procéder à une suppression d'emploi par mesure d'économie ou dans le cadre d'une réorganisation des services prise dans l'intérêt du service. Si Mme B... soutient que la réorganisation des services, qui vise selon elle à démanteler un pôle tourisme identifié comme étant un " groupe en opposition ", permettrait de justifier son licenciement, en l'absence de faute de sa part et en raison d'une mésentente avec la nouvelle directrice générale des services, sur fond de rivalité, toutefois il ressort des pièces du dossier, que la suppression de l'emploi de responsable du pôle tourisme, décidée par la délibération du 7 février 2019, après avis favorable du comité technique du centre de gestion de l'Ardèche, saisi le 20 décembre 2018, résulte d'une politique de réorganisation effective des services de l'établissement public. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une telle réorganisation aurait été conduite pour des motifs étrangers à l'intérêt du service et que la suppression d'emploi qu'elle implique ne serait pas justifiée. Même si le licenciement de l'agent est intervenu dans un contexte de tensions avec la directrice générale des services, qui a d'ailleurs conduit à un dépôt de plainte pour harcèlement moral postérieurement à la décision en litige, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision supprimant son emploi serait entachée de détournement de pouvoir.
6. Si Mme B... soutient également que son licenciement a été prononcé pour un motif d'ordre disciplinaire, toutefois les pièces du dossier, en particulier les mentions figurant dans le rapport d'audit réalisé au mois de décembre 2018, ne permettent pas de caractériser l'intention disciplinaire et le détournement de procédure qui sont allégués. Par ailleurs, Mme B... n'établit pas qu'elle aurait dû faire l'objet d'une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle pour lui permettre d'obtenir la communication de son dossier individuel.
7. Il résulte des dispositions de l'article 39-5 du décret du 15 février 1988, pris pour application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984, applicable en l'espèce que : " II. Lorsque l'autorité territoriale envisage de licencier un agent pour l'un des motifs mentionnés au I du présent article, elle convoque l'intéressé à un entretien préalable selon les modalités définies à l'article 42. A l'issue de la consultation de la commission consultative paritaire, prévue à l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée, elle lui notifie sa décision par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre précise le ou les motifs du licenciement et la date à laquelle celui-ci doit intervenir, compte tenu des droits à congés annuels restant à courir et de la durée du préavis prévu à l'article 40. Cette lettre invite également l'intéressé à présenter une demande écrite de reclassement, dans un délai correspondant à la moitié de la durée du préavis prévu à l'article 40, et indique les conditions dans lesquelles les offres de reclassement sont susceptibles de lui être adressées. (...) IV. - Lorsque l'agent refuse le bénéfice de la procédure de reclassement ou en cas d'absence de demande formulée dans le délai indiqué au troisième alinéa du II du présent article, l'agent est licencié au terme du préavis prévu à l'article 40. V. - Dans l'hypothèse où l'agent a formulé une demande de reclassement et lorsque celui-ci ne peut être proposé avant l'issue du préavis prévu à l'article 40, l'agent est placé en congé sans traitement, à l'issue de ce délai, pour une durée maximale de trois mois, dans l'attente d'un reclassement dans les conditions prévues au I du présent article. (...) En cas de refus de l'emploi proposé par l'autorité territoriale ou en cas d'impossibilité de reclassement au terme du congé sans traitement de trois mois, l'agent est licencié (...). ".
8. Il résulte d'un principe général du droit, dont s'inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation générale des salariés dont l'emploi est supprimé que les règles du statut général de la fonction publique qui imposent de donner, dans un délai raisonnable, aux fonctionnaires en activité dont l'emploi est supprimé une nouvelle affectation correspondant à leur grade, qu'il incombe à l'administration, avant de pouvoir prononcer le licenciement d'un agent contractuel recruté en vertu d'un contrat à durée indéterminée, motivé par la suppression, dans le cadre d'une réorganisation du service, de l'emploi permanent qu'il occupait, de chercher à reclasser l'intéressé. Toutefois, si l'administration est tenue au respect de cette obligation de reclassement en vertu de ce principe général du droit, sa mise en œuvre doit se faire conformément aux dispositions réglementaires en vigueur. L'administration doit ainsi inviter cet agent, en application des dispositions du II de l'article 39-5 du décret n° 88-145 du 15 février 1988, à présenter une demande écrite de reclassement dans un délai correspondant à la moitié de la durée du préavis prévu à l'article 40 et ne peut le licencier que si l'agent refuse de bénéficier de cette procédure de reclassement, ou s'abstient de répondre dans le délai mentionné plus haut, ou en cas d'acceptation de la procédure de reclassement, si ce reclassement s'avère impossible, faute d'emploi vacant, ou si l'intéressé refuse la proposition qui lui est faite.
9. Il ressort des pièces du dossier que la lettre de licenciement du 18 juillet 2019, notifiée le 19 juillet 2019, qui comprenait les mentions prévues par l'article 39-5, invitait Mme B... à solliciter un reclassement dans le délai d'un mois à compter de la décision prononçant son licenciement. Par suite, la mise en œuvre effective de la procédure de reclassement ne devait pas avoir lieu avant la décision de licenciement, contrairement à ce qui est soutenu. En outre, et en tout état de cause, les trois lettres du 8 avril 2019, du 24 juin 2019 et du 23 août 2019, cette dernière ayant été réceptionnée le 27 août 2019, qui ne manifestent aucune intention de la part de l'agent d'être reclassée, ne peuvent être regardées comme des demandes de reclassement. Par suite, c'est sans erreur de droit, que le président de la communauté de communes de la Montagne d'Ardèche a pu licencier l'intéressée, sans avoir à lui proposer un autre poste au sein de la collectivité.
10. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
11. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par les parties sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la communauté de communes de la Montagne d'Ardèche présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la communauté de communes de la Montagne d'Ardèche.
Délibéré après l'audience du 30 mai 2023, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
Mme Sophie Corvellec, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 juin 2023.
Le rapporteur,
Gilles FédiLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Sandra Bertrand
La République mande et ordonne au préfet de l'Ardèche en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 21LY00500