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08/06/2023 | FRANCE | N°23LY00748

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 08 juin 2023, 23LY00748


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 16 novembre 2022 par lequel le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pendant une durée de douze mois.

Par un jugement n° 2208919 du 26 janvier 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de L

yon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

I) Par une requête, enregistrée ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 16 novembre 2022 par lequel le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pendant une durée de douze mois.

Par un jugement n° 2208919 du 26 janvier 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

I) Par une requête, enregistrée le 28 février 2023 sous le n° 23LY00748, présentée pour M. C..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 2208919 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon du 26 janvier 2023 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;

3°) de mettre à la charge de l'État le paiement d'une somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ; elle a été prise sans réel examen de sa situation personnelle, ainsi que le révèle l'erreur commise sur son identité ; elle est entachée d'un vice de procédure dès lors que le préfet du Rhône devait préalablement saisir pour avis le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), en application des dispositions combinées du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article R. 611-1 de ce code ; elle méconnaît le 1° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il est mineur ; elle méconnaît le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de son état de santé ; elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant ; elle a été prise en méconnaissance des alinéas 10 et 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, dès lors que le préfet a décidé son éloignement sans décision de justice préalable ;

- la décision fixant le délai de départ volontaire doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ; il n'a pas été informé du caractère exécutoire de la décision lui faisant interdiction de retourner sur le territoire français, en méconnaissance de l'article R. 613-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois est entachée d'une erreur d'appréciation ; elle l'empêchera de répondre à sa convocation devant le tribunal correctionnel de Lyon pour des faits de détention de faux documents en méconnaissance du droit à un procès équitable reconnu par la cour de justice de l'Union européenne.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 mars 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Lyon (section administrative d'appel).

La requête a été communiquée à la préfète du Rhône qui n'a pas produit d'observation.

II) Par requête enregistrée le 28 février 2023 sous le n° 23LY00749, présentée pour M. C..., il est demandé à la cour :

1°) d'ordonner le sursis à exécution de ce jugement n° 2208919 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon du 26 janvier 2023 ;

2°) de mettre à la charge de l'État le paiement d'une somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient qu'il a fait valoir au soutien de sa requête tendant à l'annulation du jugement des moyens sérieux de nature à justifier l'annulation de la décision en litige, que l'exécution de ce jugement l'exposerait à des conséquences difficilement réparables et qu'il existe une urgence dès lors que la mesure d'éloignement pourrait être exécutée à tout moment.

En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative l'affaire a été dispensée d'instruction.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 mars 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Lyon (section administrative d'appel).

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Seillet, président assesseur ;

- et les observations de Me Firmin, pour M. C... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant guinéen qui indique être né le 2 novembre 2006 à N'Zérékoré (République de Guinée), entré irrégulièrement en France, a été confié à l'aide sociale à l'enfance par jugement du juge des enfants du 3 mars 2022 pour une durée de quatre mois, dans l'attente d'une vérification de ses documents d'identité. Par un jugement du 26 octobre 2022 du juge des enfants au tribunal judiciaire de Lyon, ce placement a été levé au motif de sa majorité. Par un arrêté du 16 novembre 2022, qui mentionne que l'intéressé est connu des autorités italiennes sous l'identité de M. A... B... né le 1er janvier 2003, le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pendant une durée de douze mois. En premier lieu, M. C..., par sa requête enregistrée sous le n° 23LY00748, relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté. En second lieu, par sa requête enregistrée sous le n° 23LY00749, il conclut également à ce que soit ordonné le sursis à l'exécution de ce jugement.

2. Les requêtes susvisées sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.

Sur la requête n° 23LY00748 aux fins d'annulation du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, les moyens, déjà soulevés en première instance, tirés d'une insuffisante motivation de l'obligation de quitter le territoire français et d'un défaut d'examen de sa situation personnelle doivent être écartés par les motifs retenus par le premier juge et qu'il y a lieu, pour la cour, d'adopter.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

5. Il résulte de ces dispositions que, dès lors qu'elle dispose d'éléments d'information suffisamment précis permettant d'établir qu'un étranger, résidant habituellement en France, présente un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire, l'autorité préfectorale doit, lorsqu'elle envisage de prendre une telle mesure à son égard, et alors même que l'intéressé n'a pas sollicité le bénéfice d'une prise en charge médicale en France, recueillir préalablement l'avis du collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

6. Or, s'il ressort des pièces du dossier, en particulier des certificats médicaux rédigés par un médecin de l'hôpital de la Croix-Rousse à Lyon, les 19 octobre 2022 et 21 mars 2023, que M. C..., comme il l'avait indiqué lors de son audition par les services d'enquête le 16 novembre 2022, souffre d'une pathologie pulmonaire chronique à déclaration obligatoire nécessitant l'accès à un logement salubre et à une alimentation saine et suffisante, et faisait l'objet, à la date de ces certificats, d'un traitement dont l'arrêt serait susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il ne ressort pas de ces certificats ni d'aucun autre élément que le traitement nécessaire à son état de santé ne serait pas disponible dans son pays d'origine. Dans ces conditions, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Rhône aurait entaché sa décision d'un vice de procédure pour ne pas avoir saisi pour avis le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 611-3 (9°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être également écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : 1° L'étranger mineur de dix-huit ans ; (...) ".

8. D'une part, ainsi qu'il a été dit au point 1, par jugement du 26 octobre 2022, le juge des enfants près le tribunal judiciaire de Lyon a levé la mesure de placement auprès des services de l'aide sociale à l'enfance dont faisait l'objet à titre provisoire M. C... au motif de sa majorité. Comme l'a relevé le premier juge, le juge des enfants, pour estimer que l'intéressé était majeur, s'est fondé sur un examen visuel du jugement supplétif et de l'extrait du registre d'état-civil que M. C... avait alors produits, qui comportaient " des anomalies qui questionnaient fortement quant à l'authenticité du document ", sur l'analyse des services compétents en matière de fraude documentaire et sur une expertise médicale. Si M. C... a produit, pour la première fois en appel, un autre jugement supplétif du tribunal de première instance de N'Zerekoré du 20 octobre 2022 et sa transcription sur les registres de l'état-civil, ces documents ne peuvent être regardés comme probants dès lors que le requérant avait produit initialement des actes d'état-civil dont il ne conteste pas le caractère faux et qui avaient le même objet que les actes plus récents alors qu'un même acte de naissance ne peut résulter de deux jugements supplétifs distincts. S'il produit également une carte consulaire, un tel document, qui ne constitue pas un acte d'état-civil, n'est pas revêtu de la force probante attachée à de tels actes. Dans ces conditions, il ressort des pièces du dossier que le requérant n'est pas mineur. Par suite, la décision l'obligeant à quitter le territoire français n'a pas été prise en méconnaissance des dispositions précitées du 1° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, dès lors que le requérant n'est pas mineur, il ne peut utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance de la convention internationale sur les droits de l'enfant.

9. En dernier lieu, le moyen, déjà soulevé en première instance, tiré de ce que la décision méconnaîtrait ainsi les alinéas 10 et 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 doit être écarté par les motifs retenus par le premier juge et qu'il y a lieu, pour la cour, d'adopter.

En ce qui concerne la fixation du délai de départ volontaire et la fixation du pays de renvoi :

10. Eu égard à ce qui précède la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours et la fixation du pays de renvoi ne sont pas illégales par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

En ce qui concerne l'interdiction de retour :

11. En premier lieu, les moyens, déjà soulevés en première instance, tirés d'une insuffisante motivation de la mesure d'interdiction de retour sur le territoire, de ce qu'il n'a pas été informé du caractère exécutoire de la décision et d'une erreur manifeste d'appréciation, doivent être écartés par les motifs retenus par les premiers juges et qu'il y a lieu, pour la cour, d'adopter.

12. En dernier lieu, si M. C... soutient que la décision d'interdiction de retour contestée méconnaît le droit de toute personne de pouvoir assister à son procès pénal, et son droit à un procès équitable protégé par l' article 48 de la charte des droits fondamentaux et l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en se prévalant de ce qu'il a fait l'objet de poursuites et est convoqué en novembre 2023 auprès du tribunal correctionnel pour des faits de détention de faux documents, il ne justifie pas plus en appel qu'en première instance d'une telle convocation, alors au demeurant que ces circonstances résulteraient de la nécessité dans laquelle il se trouve de se soumettre à l'obligation de quitter le territoire français et non pas de l'interdiction de retour qui ne peut prendre effet qu'à compter de l'exécution de l'éloignement. Ce moyen doit, dès lors, être écarté.

13. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à la mise à la charge de l'État d'une somme au titre des frais liés au litige.

Sur la requête n° 23LY00749 aux fins de sursis à exécution :

14. Le présent arrêt statuant sur la requête de M. C... dirigée contre le jugement attaqué, les conclusions de sa requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont devenues sans objet.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête n° 23LY00748 de M. C... est rejetée.

Article 2 : Il n'y a plus lieu de statuer sur la requête de M. C... enregistrée sous le n° 23LY00749.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.

Délibéré après l'audience du 25 mai 2023 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

M. Chassagne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juin 2023.

Le rapporteur,

Ph. SeilletLe président,

V.-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

1

2

Nos 23LY00748, 23LY00749

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY00748
Date de la décision : 08/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : FIRMIN

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-06-08;23ly00748 ?
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