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08/06/2023 | FRANCE | N°22LY03281

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 08 juin 2023, 22LY03281


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 14 mars 2022 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de renvoi.

Par jugement n° 2203321 du 27 juillet 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 15 novembre 2022, Mme D...

, représentée par Me Cadoux, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ainsi que les déci...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 14 mars 2022 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de renvoi.

Par jugement n° 2203321 du 27 juillet 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 15 novembre 2022, Mme D..., représentée par Me Cadoux, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ainsi que les décisions du 14 mars 2022 du préfet du Rhône la concernant ;

2°) d'enjoindre à la préfète du Rhône de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, après lui avoir remis une autorisation provisoire de séjour ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les décisions en litige sont insuffisamment motivées ;

- le refus de titre de séjour est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- il méconnaît l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation d'étudiante, quant au motif ayant fait obstacle à la détention d'un visa et au sérieux dans le suivi de ses études ;

- l'obligation de quitter le territoire méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la fixation du pays de renvoi est illégale en conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire et méconnaît l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La préfète du Rhône n'a pas produit de mémoire en défense.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention franco-mauritanienne relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à Nouakchott le 1er octobre 1992, publiée par le décret n° 95-1234 du 16 novembre 1995 et entrée en vigueur le 1er septembre 1995 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement avertie du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Christine Psilakis.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., ressortissante mauritanienne entrée en France en septembre 2018 alors qu'elle était âgée de dix-sept ans, relève appel du jugement n° 2203321 du 27 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 14 mars 2022 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de renvoi.

2. En premier lieu, la requérante réitère en appel son moyen tiré du défaut de motivation des décisions en litige. Il convient de l'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 9 de la convention franco-mauritanienne : " Les ressortissants de chacun des États contractants désireux de poursuivre des études supérieures (...) sur le territoire de l'autre État doivent, outre le visa de long séjour prévu à l'article 4, justifier d'une attestation d'inscription ou de préinscription dans l'établissement d'enseignement choisi (...), ainsi que (...) de moyens d'existence suffisants. Les intéressés reçoivent un titre de séjour temporaire portant la mention " étudiant ". / Ce titre de séjour est renouvelé annuellement sur justification de la poursuite effective des études (...) et de la possession de moyens d'existence suffisants ".

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... ne justifie avoir demandé qu'un titre de séjour en qualité d'étudiante auprès des services préfectoraux. Par suite, elle ne peut utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'encontre du refus de titre de séjour litigieux, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier qu'elle n'a pas formulé sa demande sur ce fondement, que le préfet n'était pas tenu d'examiner. Sa demande de titre de séjour devait être examinée suivant les stipulations précitées au point 3.

5. Par ailleurs, si Mme D... fait état des circonstances pour lesquelles elle n'a pu obtenir de visa long séjour à l'appui de sa demande de titre de séjour étudiant, il est constant qu'elle n'en détient pas. Par suite, et alors que le préfet ne pouvait examiner sa demande au regard de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lequel prévoit que la condition de visa long séjour n'est pas opposable au mineur ayant suivi sa scolarité depuis ses 16 ans en France, c'est pas une exacte application des stipulations précitées au point 3 que le préfet a refusé de lui délivrer le titre de séjour étudiant demandé.

6. En troisième lieu, la circonstance que le préfet du Rhône n'ait pas mentionné son arrivée en qualité de mineure en septembre 2019 en France et sa prise en charge à l'aide sociale à l'enfance est sans conséquence sur la légalité du refus de titre de séjour en litige, lequel est fondé sur l'absence de visa long séjour. Dans ces conditions, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait entaché le refus de titre de séjour en litige d'un défaut d'examen particulier.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ".

8. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... est présente en France depuis septembre 2018. Admise en classe préparatoire, elle a ensuite poursuivi des études de mathématiques à l'université Lyon 1. Elle explique avoir fui un contexte familial défavorable à la poursuite de ses études et lui imposant un mariage en Mauritanie, motif pour lequel sa sœur a obtenu la protection de l'Etat français. Compte de ce que l'intéressée présente des gages d'insertion et une vie privée et familiale stable sur le territoire où réside sa sœur, la décision d'éloignement en litige a, dans les circonstances de l'espèce, porté au droit de Mme D... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et a ainsi méconnu les stipulations précitées.

9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens dirigés contre la décision du 14 mars 2022 l'obligeant à quitter le territoire dans le délai de quatre-vingt-dix jours, que Mme D... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande d'annulation de ladite décision, ainsi que celles par voie de conséquence, dirigées contre le pays de renvoi. Mme D... est ainsi fondée à demander l'annulation du jugement attaqué dans cette mesure ainsi que celle de ces décisions.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ", tandis qu'aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ".

11. Le présent arrêt implique nécessairement, au sens des dispositions précitées, que la préfète du Rhône réexamine la situation de Mme D..., dans un délai qu'il y a lieu de fixer à quatre mois, après lui avoir délivré une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'un mois.

Sur les frais d'instance :

12. Mme D... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Cadoux de la somme de 1 000 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : Les décisions du préfet du Rhône du 14 mars 2022 obligeant Mme D... à quitter le territoire français dans le délai de quatre-vingt-dix jours et fixant le pays de renvoi sont annulées.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 27 juillet 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Il est enjoint à la préfète du Rhône de réexaminer la situation de Mme D... dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, après remise dans le délai d'un mois d'une autorisation provisoire de séjour.

Article 4 : L'Etat versera à Me Cadoux une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de Mme D... est rejeté.

Article 6 : Le présent jugement sera notifié à Mme A... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 17 mai 2023 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Arbarétaz, président,

Mme B... C..., présidente-assessure,

Mme Christine Psilakis, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juin 2023.

La rapporteure,

Christine Psilakis

Le président,

Philippe Arbarétaz

Le greffier,

Julien Billot

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY03281


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY03281
Date de la décision : 08/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Christine PSILAKIS
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : CADOUX

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-06-08;22ly03281 ?
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