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08/06/2023 | FRANCE | N°22LY02596

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 08 juin 2023, 22LY02596


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 5 avril 2022 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de quatre-vingt-dix jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de dix-huit mois.

Par jugement n° 2203455 du 27 juillet 2022, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure d

evant la cour

Par une requête enregistrée le 23 août 2022, Mme B..., représentée par Me Besc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 5 avril 2022 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de quatre-vingt-dix jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de dix-huit mois.

Par jugement n° 2203455 du 27 juillet 2022, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 23 août 2022, Mme B..., représentée par Me Bescou, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et ces décisions ;

2°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le refus de titre de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle est fondée à se prévaloir des énonciations de la circulaire du 28 novembre 2012, publiée au JORF du 30 novembre 2012 et valablement opposable à l'administration conformément aux dispositions des articles L. 312-2 et suivants du code des relations entre le public et l'administration ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- la décision fixant le délai de départ volontaire, la décision fixant le pays de destination et l'interdiction de retour sur le territoire français sont illégales en conséquence de l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire français ;

- en prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de dix-huit mois, le préfet a commis une erreur de fait et une erreur d'appréciation dans l'application des dispositions des articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

La préfète du Rhône à laquelle la requête a été communiquée n'a pas présenté d'observations.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Duguit-Larcher, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., ressortissante nigériane née le 22 juin 1987, entrée irrégulièrement en France le 3 décembre 2007 a fait l'objet, après consultation de la commission du titre de séjour le 17 mars 2022, de décisions du 5 avril 2022 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de quatre-vingt-dix jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de dix-huit mois. Elle relève appel du jugement du 27 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur le refus de séjour :

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que si Mme B... résidait en France depuis quatorze ans à la date de la décision en litige, elle a successivement fait l'objet d'obligations de quitter le territoire français les 9 septembre 2008, 9 septembre 2013 et 9 février 2017 qu'elle n'a pas exécutées. Si elle s'est livrée occasionnellement à la prostitution lors de ses premières années de résidence en France, il n'est pas établi qu'elle aurait été victime d'un réseau de prostitution. Elle ne justifie, si ce n'est diverses démarches d'accompagnement vers l'emploi, d'aucune insertion professionnelle. Elle est mère d'une enfant, née le 24 mars 2016, dont le père, de nationalité nigériane, n'a pas conservé de liens avec sa fille et se trouve également en situation irrégulière en France. Ses deux autres filles, nées respectivement le 3 septembre 2019 et le 17 mai 2021, sont issues de son union avec un autre ressortissant nigérian qui réside en Allemagne et qui, selon les déclarations de son avocat, n'assumerait pas sa parentalité. Si elle fait valoir que ses filles seraient soumises à un risque d'excision au Nigeria dans la mesure où elle est originaire de l'Etat de Delta et qu'elle appartient à l'ethnie des Urhobo, elle ne justifie pas de la réalité de ses allégations, et notamment de son appartenance à cette ethnie. Il n'est pas plus démontré que ses filles ne pourraient poursuivre leur scolarité au Nigéria. Elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales au Nigéria où résident sa mère ainsi que ses trois frères et ses trois sœurs. Dans ces conditions, le refus de titre de séjour ne porte pas une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale. Il ne porte pas plus atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dirigés contre le refus de titre de séjour doivent être écartés.

3. En deuxième lieu, les éléments dont Mme B... s'est prévalue à l'appui de sa demande de titre de séjour, rappelés au point 2, ne sauraient tenir lieu, à eux seuls, de circonstances humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, justifiant son admission exceptionnelle au séjour. En refusant de régulariser sa situation sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Rhône n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 312-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Font l'objet d'une publication (...) les circulaires (...) qui comportent une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives. Les (...) circulaires sont réputées abrogées si elles n'ont pas été publiées, dans des conditions et selon des modalités fixées par décret ". Aux termes de l'article L. 312-3 du même code : " Toute personne peut se prévaloir des documents administratifs mentionnés au premier alinéa de l'article L. 312-2, émanant des administrations centrales et déconcentrées de l'Etat et publiés sur des sites internet désignés par décret (...) ". L'article D. 312-11 du même code établit la liste des sites internet mentionnés au premier alinéa de l'article L. 312-3.

5. En instituant le mécanisme de garantie de l'article L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration, le législateur n'a pas permis de se prévaloir d'orientations générales dès lors que celles-ci sont définies pour l'octroi d'une mesure de faveur au bénéfice de laquelle l'intéressé ne peut faire valoir aucun droit, alors même qu'elles ont été publiées sur l'un des sites mentionnés à l'article D. 312-11 du code des relations entre le public et l'administration.

6. Dès lors qu'un étranger ne détient aucun droit à l'exercice par le préfet de son pouvoir de régularisation, il ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de ces dispositions, des orientations générales contenues dans la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 pour l'exercice de ce pouvoir. Par suite, le moyen tiré de ce que Mme B... remplirait les conditions prévues par la circulaire du 28 novembre 2012, qu'elle serait en droit d'invoquer en application de l'article L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration, doit être écarté comme inopérant.

7. En quatrième lieu, compte tenu de ce qui vient d'être indiqué, Mme B... n'est pas fondée à invoquer, à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français, l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour.

8. En cinquième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation, invoqués contre l'obligation de quitter le territoire, doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 2.

9. En sixième lieu, compte tenu de ce qui précède, Mme B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le délai de départ volontaire, de la décision fixant le pays de destination et de l'interdiction de retour sur le territoire français.

10. En septième lieu, compte tenu de la situation familiale et personnelle de Mme B..., rappelée au 2, et alors que l'intéressée a déjà fait l'objet de trois mesures d'éloignement qu'elle n'a pas exécutées, le préfet, qui n'a pas entaché sa décision d'erreur de fait en indiquant que sa situation n'était pas stable en France, a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation dans l'application des dispositions des articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, décider de prononcer à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de dix-huit mois.

11. En dernier lieu, pour les motifs exposés au point 2, l'interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de dix-huit mois ne méconnaît ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

12. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée, en toutes ses conclusions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.

Délibéré après l'audience du 17 mai 2023, à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président,

Mme Evrard, présidente assesseure,

Mme Duguit-Larcher, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juin 2023.

La rapporteure,

A. Duguit-LarcherLe président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

M. -Th. Pillet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY02596


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY02596
Date de la décision : 08/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU et SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-06-08;22ly02596 ?
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