La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/06/2023 | FRANCE | N°22LY02280

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 08 juin 2023, 22LY02280


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon, le cas échéant, après avoir sursis à statuer dans l'attente de la décision du tribunal judiciaire sur sa nationalité, d'annuler l'arrêté du 18 août 2021 par lequel la préfète de l'Ain a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, et d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer un titre de séjour temporaire dans un certai

n délai ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer dan...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon, le cas échéant, après avoir sursis à statuer dans l'attente de la décision du tribunal judiciaire sur sa nationalité, d'annuler l'arrêté du 18 août 2021 par lequel la préfète de l'Ain a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, et d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer un titre de séjour temporaire dans un certain délai ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour dans un certain délai.

Par un jugement n° 2203040 du 23 juin 2022, le tribunal a annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination (article 1er), enjoint à la préfète de l'Ain de délivrer à M. B... une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans l'attente du jugement du tribunal judiciaire de Lyon, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement (article 2), mis à la charge de l'État, au profit de son conseil, une somme de 900 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle (article 3), et rejeté le surplus de cette demande (article 4).

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 22 juillet, régularisée le 8 septembre, et un mémoire, enregistré le 5 décembre 2022, la préfète de l'Ain demande à la cour d'annuler ce jugement en ce qu'il a annulé ses décisions du 18 août 2021 portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination, lui a enjoint de délivrer à M. B... une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, et mis à la charge de l'État au profit de son conseil une somme au titre des frais du litige.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier faute pour les premiers juges de ne pas avoir répondu au moyen tiré de l'exception de nationalité soulevé par M. B... ni à la demande de sursis à statuer dans l'attente de la décision du juge judiciaire ;

- le jugement attaqué est entaché d'une contradiction de motifs ;

- l'obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur la situation personnelle de M. B... ;

- la décision fixant le pays de renvoi ne peut être annulée par voie de conséquence ;

- les autres moyens soulevés par M. B... devant les premiers juges à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 17 novembre 2022, M. B..., représenté par Me Cadoux, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à titre subsidiaire, le cas échéant, après avoir sursis à statuer dans l'attente du jugement du tribunal judiciaire de Lyon sur la procédure relative à sa nationalité, d'annuler les décisions du 18 août 2021 par lesquelles la préfète de l'Ain lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, et d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans l'attente du jugement du tribunal judiciaire de Lyon, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt ;

3°) de mettre à la charge de l'État, au profit de son conseil, la somme de 1 500 euros en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le moyen de régularité soulevé par la préfète de l'Ain n'est pas fondé ;

- les moyens qui tendent à contester le bien-fondé du motif de censure retenu par les premiers juges sont inopérants et infondés ;

- sa demande de première instance est fondée.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Chassagne, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1 M. B..., ressortissant de la République de Guinée né le 3 juin 2003 à Mamou, déclare être entré irrégulièrement en France le 8 avril 2018. Après avoir été accueilli par les services de l'aide sociale à l'enfance durant sa minorité, il a demandé le 17 mai 2021 un titre de séjour sur le fondement des articles L. 423-22 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à la préfète de l'Ain qui, par un arrêté du 18 août 2021, lui a opposé un refus, fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. La préfète de l'Ain relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon qui a annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination, et lui a ordonné de délivrer à M. B... une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.

Sur les motifs d'annulation retenu par les premiers juges

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; / (...). " Aux termes de l'article 21-12 du code civil : " L'enfant qui a fait l'objet d'une adoption simple par une personne de nationalité française peut, jusqu'à sa majorité, déclarer, dans les conditions prévues aux articles 26 et suivants, qu'il réclame la qualité de Français, pourvu qu'à l'époque de sa déclaration il réside en France. / Toutefois, l'obligation de résidence est supprimée lorsque l'enfant a été adopté par une personne de nationalité française n'ayant pas sa résidence habituelle en France. / Peut, dans les mêmes conditions, réclamer la nationalité française : / 1° L'enfant qui, depuis au moins trois années, est recueilli sur décision de justice et élevé par une personne de nationalité française ou est confié au service de l'aide sociale à l'enfance ; / (...). " Aux termes de l'article 26-3 du même code : " Le ministre ou le directeur des services de greffe judiciaires du tribunal judiciaire refuse d'enregistrer les déclarations qui ne satisfont pas aux conditions légales. / Sa décision motivée est notifiée au déclarant qui peut la contester devant le tribunal judiciaire durant un délai de six mois. L'action peut être exercée personnellement par le mineur dès l'âge de seize ans. / La décision de refus d'enregistrement doit intervenir six mois au plus après la date à laquelle a été délivré au déclarant le récépissé constatant la remise de toutes les pièces nécessaires à la preuve de recevabilité de la déclaration. / (...). " Aux termes de l'article 26-4 de ce code : " A défaut de refus d'enregistrement dans les délais légaux, copie de la déclaration est remise au déclarant revêtue de la mention de l'enregistrement. / Dans le délai de deux ans suivant la date à laquelle il a été effectué, l'enregistrement peut être contesté par le ministère public si les conditions légales ne sont pas satisfaites. / L'enregistrement peut encore être contesté par le ministère public en cas de mensonge ou de fraude dans le délai de deux ans à compter de leur découverte. (...). " Aux termes de l'article 26-5 dudit code : " Sous réserve des dispositions du deuxième alinéa (1°) de l'article 23-9, les déclarations de nationalité, dès lors qu'elles ont été enregistrées, prennent effet à la date à laquelle elles ont été souscrites. "

3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a souscrit le 2 juin 2021 devant la directrice des services de greffe du tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse une déclaration de nationalité fondée sur les dispositions précitées du 1° de l'article 21-12 du code civil. Dans le délai prévu par les dispositions également précitées de l'article 26-3 et avant que n'intervienne la mesure prévue par l'article 26-4 du même code, cette autorité a refusé d'enregistrer cette déclaration par une décision prise le 10 septembre 2021 et notifiée par écrit le 29 septembre 2021. Ainsi, faute d'un tel enregistrement, M. B... ne pouvait de toutes les façons pas être regardé comme bénéficiant à la date de l'arrêté contesté du 18 août 2021, de la nationalité française. Si M. B... soutient que, à la date du 10 septembre 2021, le refus d'enregistrement de sa déclaration ne lui avait pas encore été notifié et que, avant de contester l'arrêté du 18 août 2021 devant le tribunal administratif, il avait saisi le tribunal judiciaire de Lyon d'une contestation de ce refus dont l'annulation entraînerait la reconnaissance de sa nationalité française à titre recognitif à compter du 2 juin 2021, de telles circonstances, postérieures à l'intervention de l'obligation de quitter le territoire français ici en cause, sont sans incidence sur sa légalité, le juge judiciaire ne s'étant au demeurant toujours pas prononcé à ce jour. Par suite, et faute pour l'intéressé d'être français par déclaration à la date de l'obligation de quitter le territoire français, c'est à tort que, pour annuler cette dernière mesure et, par voie de conséquence, la décision fixant le pays de renvoi, le premier juge a retenu que la préfète se serait livrée à une appréciation entachée d'erreur manifeste des conséquences de cet éloignement sur sa situation personnelle.

4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif et la cour.

Sur les moyens communs

5. En premier lieu, l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination contestées ont été signées par Mme E... D..., cheffe du bureau de la citoyenneté de la préfecture de l'Ain, en vertu d'un arrêté de délégation de signature du 1er juin 2021 lui permettant de le faire, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du même jour. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions contestées manque en fait et ne peut qu'être écarté.

6. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète de l'Ain ne se serait pas livrée à un examen particulier et sérieux de la situation personnelle de M. B... avant de prendre les décisions contestées. Le moyen ne peut donc être admis.

Sur l'obligation de quitter le territoire

7. En premier lieu, aux termes de l'article 29 du code civil : " La juridiction civile de droit commun est seule compétente pour connaître des contestations sur la nationalité française ou étrangère des personnes physiques. / Les questions de nationalité sont préjudicielles devant toute autre juridiction de l'ordre administratif ou judiciaire à l'exception des juridictions répressives comportant un jury criminel. " Aux termes de l'article 375 du même code, dans sa rédaction applicable : " Si la santé, la sécurité ou la moralité d'un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises, des mesures d'assistance éducative peuvent être ordonnées par justice à la requête des père et mère conjointement, ou de l'un d'eux, de la personne ou du service à qui l'enfant a été confié ou du tuteur, du mineur lui-même ou du ministère public. Dans les cas où le ministère public a été avisé par le président du conseil départemental, il s'assure que la situation du mineur entre dans le champ d'application de l'article L. 226-4 du code de l'action sociale et des familles. Le juge peut se saisir d'office à titre exceptionnel. / (...) / La décision fixe la durée de la mesure sans que celle-ci puisse excéder deux ans. La mesure peut être renouvelée par décision motivée. / (...). " Aux termes de l'article 375-1 du même code, dans sa rédaction applicable : " Le juge des enfants est compétent, à charge d'appel, pour tout ce qui concerne l'assistance éducative. / (...). ". Aux termes de l'article 375-3 de ce code, dans sa rédaction applicable : " Si la protection de l'enfant l'exige, le juge des enfants peut décider de le confier : / (...) / 3° A un service départemental de l'aide sociale à l'enfance ; / (...). " Aux termes de l'article 375-5 du même code : " A titre provisoire mais à charge d'appel, le juge peut, pendant l'instance, soit ordonner la remise provisoire du mineur à un centre d'accueil ou d'observation, soit prendre l'une des mesures prévues aux articles 375-3 (...). / En cas d'urgence, le procureur de la République du lieu où le mineur a été trouvé a le même pouvoir, à charge de saisir dans les huit jours le juge compétent, qui maintiendra, modifiera ou rapportera la mesure. (...). "

8. Il résulte notamment des dispositions, citées au point précédent, des articles 375, 375-1, 375-3 et 375-5 du code civil, outre celles du code de l'action sociale et des familles régissant les conditions dans lesquelles les mineurs sont concrètement pris en charge par ces services ou les obligations pesant sur le président du conseil départemental en matière de protection de ces derniers, que la durée de trois années au moins pendant lesquelles un enfant doit avoir été confié au service départemental de l'aide sociale à l'enfance visée par les dispositions précitées du 1° de l'article 21-12 du code civil pour déclarer la nationalité française, correspond à la période pendant laquelle ce placement a été réalisé en vertu d'un jugement ou d'une ordonnance de l'autorité judiciaire, soit en urgence par le procureur de la République sous réserve de confirmation par le juge des enfants, soit par le juge des enfants.

9. M. B... se prévaut d'un placement auprès des services de l'aide sociale à l'enfance à compter du 18 mai 2018. Il apparait toutefois qu'il n'a été que provisoirement recueilli à partir de cette date par les services de l'aide sociale à l'enfance de l'Isère, n'étant confié à l'aide sociale à l'enfance de l'Ain par le juge des enfants du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse que par une ordonnance du 6 juin 2018, jusqu'à l'organisation d'une tutelle. Un jugement en assistance éducative est également intervenu le 9 juillet 2018, ainsi que le mentionne une ordonnance du juge des tutelles des enfants du 7 décembre 2018 portant ouverture de tutelle, qui l'a confié au conseil départemental de l'Ain. Dans ces conditions, à la date du 2 juin 2021, lorsqu'il a souscrit une déclaration de nationalité, M. B... ne justifiait pas avoir été confié depuis au moins trois années au service de l'aide sociale à l'enfance sur décision de l'autorité judiciaire et donc pouvoir réclamer, dans les conditions prévues par les dispositions ci-dessus, le bénéfice de la nationalité française. Il n'est donc pas fondé à soutenir qu'il ne pouvait alors faire l'objet d'une mesure d'éloignement ni que la contestation devant la juridiction civile du refus d'enregistrement de sa déclaration de nationalité soulèverait une difficulté sérieuse imposant qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de la décision du juge judiciaire.

10. En deuxième lieu, M. B... ne conteste pas le jugement attaqué en tant que le tribunal a rejeté ses conclusions dirigées contre le refus de titre de séjour qui lui a été opposé. Le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français serait illégale par voie de conséquence de l'illégalité de ce refus ne peut donc qu'être écarté.

11. En troisième lieu, M. B... se prévaut de ce que le centre de ses intérêts privés se trouverait désormais en France où il est intégré personnellement et professionnellement, étant maintenant dépourvu d'attaches privées ou familiales dans son pays d'origine. Cependant, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé n'était présent sur le territoire que depuis environ trois années à la date de la décision contestée. Il n'apparaît pas que, malgré, sa scolarisation en classe de troisième et dans le cadre de la mission de lutte contre le décrochage scolaire, l'obtention d'un certificat de formation générale et d'un diplôme d'études en langue française dit " A... A2 " et l'accomplissement de plusieurs stages professionnels dans le cadre de différents types de conventions de stage, il justifierait d'une insertion scolaire ou professionnelle d'une particulière intensité. D'ailleurs si, par la suite, il a été inscrit auprès du centre de formation des apprentis dit " F... afin de suivre une formation en apprentissage pour le certificat d'aptitude professionnelle de maçon, et a bénéficié d'un contrat d'apprentissage auprès d'un employeur, il apparaît que, lors du premier semestre de cette formation, il a été absent, même de manière justifiée, à de nombreuses reprises, et en retard à plusieurs occasions. Son insertion personnelle n'est pas d'une particulière intensité, le bilan social établi par l'équipe éducative de sa structure d'accueil n'étant pas spécialement positif, faisant état de violences commises à plusieurs reprises, qui ont entraîné son changement d'établissement d'accueil trois fois, d'une incapacité à se maintenir dans un cadre et à remettre en cause son comportement. D'ailleurs, à la suite de certains faits de violence, il a fait l'objet d'un rappel à la loi le 8 mars 2021. S'il se prévaut de son isolement dans son pays d'origine, l'ayant quitté à l'âge de quatorze ans pour fuir les violences physiques et morales dont il aurait été victime de la part de son demi-frère et de sa marâtre, il n'apporte pas d'éléments suffisamment circonstanciés pour étayer la réalité de cette situation et l'impossibilité d'y retourner alors qu'il y a vécu l'essentiel de son existence et n'apparaît pas moins isolé en France. Dans ces conditions, la préfète de l'Ain, en prenant l'obligation de quitter le territoire français en litige, n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le moyen ne peut être retenu.

Sur la décision fixant le pays de destination

12. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la décision fixant le pays de destination n'est pas illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français. Le moyen ne peut donc qu'être écarté.

13. En second lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : / 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, (...) ; / (...) / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (...). " Aux termes de ce dernier article : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

14. Si M. B... fait valoir qu'il encourrait des risques de traitement inhumain ou dégradant en cas de retour en Guinée, dès lors qu'il a quitté ce pays à l'âge de quatorze ans pour fuir les violences physiques et morales qu'il y subissait de la part de proches, il n'établit pas la réalité de risques auxquels il serait personnellement confronté ni l'impossibilité pour lui, alors qu'il est aujourd'hui majeur, d'obtenir la protection des autorités guinéennes. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions et stipulations ci-dessus doit être écarté.

15. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur sa régularité, que la préfète de l'Ain est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions du 18 août 2021 portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination, lui a enjoint de délivrer à M. B... une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans l'attente du jugement du tribunal judiciaire de Lyon, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification et mis à la charge de l'État au profit du conseil de l'intéressé une somme au titre des frais du litige. La demande correspondante de M. B... présentée devant ce tribunal et ses conclusions présentées devant la cour doivent donc, dans leur ensemble, et sans qu'il soit nécessaire de surseoir à statuer dans l'attente du jugement du tribunal judiciaire de Lyon sur la procédure relative à sa nationalité, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2203040 du 23 juin 2022 du tribunal administratif de Lyon, dans les conditions rappelées au point 15 ci-dessus, est annulé.

Article 2 : La demande correspondante de M. B... présentée devant le tribunal administratif de Lyon et ses conclusions présentées devant la cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à M. C... B... et à Me Cadoux.

Copie en sera adressée à la préfète de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 25 mai 2023 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

M. Chassagne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juin 2023.

Le rapporteur,

J. Chassagne

Le président,

V.-M. Picard La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY02280

lc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY02280
Date de la décision : 08/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: M. Julien CHASSAGNE
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : CADOUX

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-06-08;22ly02280 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award