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08/06/2023 | FRANCE | N°22LY01771

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 08 juin 2023, 22LY01771


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du 12 avril 2019 par laquelle l'inspectrice du travail de la Haute-Loire a autorisé son licenciement pour motif disciplinaire.

Par un jugement n° 1901207 du 29 mars 2022, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 7 juin 2022, Mme B..., représentée par Me Duplessis, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et la décision susmentionnée

;

2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'arti...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du 12 avril 2019 par laquelle l'inspectrice du travail de la Haute-Loire a autorisé son licenciement pour motif disciplinaire.

Par un jugement n° 1901207 du 29 mars 2022, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 7 juin 2022, Mme B..., représentée par Me Duplessis, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et la décision susmentionnée ;

2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision est entachée d'un défaut de motivation et d'un vice de procédure ; le conseil économique et social n'a pas reçu les informations nécessaires pour émettre un avis en toute connaissance de cause ;

- la décision est entachée d'une erreur dans la qualification juridique des faits ; au regard de l'illégalité de la clause de mobilité, de l'augmentation importante des déplacements générés par le changement d'affectation, de la modification de qualification qu'il contient, et du changement de secteur géographique, le changement d'affectation doit être qualifié de modification dans les conditions de travail à laquelle elle pouvait s'opposer sans commettre de faute ;

- la décision est entachée d'une erreur de droit ; les conséquences du changement d'affectation sur sa vie personnelle et sur l'exercice de son mandat n'ont pas été prises en compte dans l'appréciation de la gravité de la faute qui lui est reprochée.

La requête de Mme B... a été communiquée au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion qui n'a pas produit d'observations.

Par une ordonnance du 23 juin 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ;

- et les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... a été recrutée par l'Office public d'aménagement et de la construction (OPAC) de la Haute-Loire le 30 mars 2001. A la date du 13 février 2019, lorsque l'OPAC a demandé son licenciement pour motif disciplinaire, elle était responsable de secteur et exerçait le mandat de déléguée syndicale, étant ancienne candidate aux élections du comité social et économique (CSE). Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande d'annulation de la décision de l'inspectrice du travail de la Haute-Loire du 12 avril 2019 autorisant son licenciement.

2. Mme B... reprend en des termes identiques le moyen, déjà soulevé en première instance, tiré de ce que la décision attaquée serait entachée d'un défaut de motivation en l'absence de mention des modalités de mise en œuvre de son changement d'affectation et de ses effets sur sa situation personnelle et sur l'exercice de son mandat, sans apporter en appel d'éléments susceptibles de remettre en cause les motifs des premiers juges pour écarter ce moyen. Il y a donc lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus par le tribunal.

3. Aux termes de l'article L. 2421-3 du code du travail : " le licenciement envisagé par l'employeur d'un membre élu à la délégation du personnel au comité social et économique titulaire ou suppléant ou d'un représentant syndical au comité social et économique ou d'un représentant de proximité est soumis au comité social et économique, qui donne un avis sur le projet de licenciement dans les conditions prévues à la section 3 du chapitre II du titre Ier du livre III. (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 2421-9 du même code : " L'avis du comité d'entreprise est exprimé au scrutin secret après audition de l'intéressé ". Saisie par l'employeur d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé auquel s'appliquent ces dispositions, il appartient à l'administration de s'assurer que la procédure de consultation du comité d'entreprise a été régulière. Elle ne peut légalement accorder l'autorisation demandée que si le comité d'entreprise a été mis à même d'émettre son avis en toute connaissance de cause, dans des conditions qui ne sont pas susceptibles d'avoir faussé sa consultation.

4. Le comité social économique de l'OPAC s'est réuni le 12 février 2019 pour émettre un avis sur le projet de licenciement de Mme B.... Il ressort des termes du procès-verbal de séance que, lors de cette réunion, l'ordre du jour a été rappelé et des précisions sur le déroulement de la réunion extraordinaire du jour ont été apportées. Les faits reprochés à Mme B... ont ainsi été rappelés et cette dernière a été auditionnée. Même s'il n'avait pas une copie de son contrat de travail et de l'avenant à celui-ci, il n'apparaît pas que le comité n'aurait pas été mis à même d'émettre un avis en toute connaissance de cause sur la situation de l'intéressée. Par suite et alors que, de toutes les façons, l'avis de cette instance était unanimement défavorable au licenciement, le moyen tiré de l'irrégularité de sa consultation ne peut qu'être écarté.

5. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

6. En l'absence de mention contractuelle du lieu de travail d'un salarié, la modification de ce lieu de travail constitue un simple changement des conditions de travail, dont le refus par le salarié est susceptible de caractériser une faute de nature à justifier son licenciement, lorsque le nouveau lieu de travail demeure à l'intérieur d'un même secteur géographique, lequel s'apprécie, eu égard à la nature de l'emploi de l'intéressé, de façon objective, en fonction de la distance entre l'ancien et le nouveau lieu de travail ainsi que des moyens de transport disponibles. En revanche, sous réserve de la mention au contrat de travail d'une clause de mobilité, tout déplacement du lieu de travail dans un secteur géographique différent du secteur initial constitue une modification du contrat de travail.

7. Il ressort des pièces du dossier que, par contrat à durée indéterminée datant de 2001, Mme B... a été embauchée par l'OPAC de la Haute-Loire en qualité d'assistante administrative auprès de l'agence à Brioude, avant d'être promue au poste de responsable de cette agence le 1er octobre 2007. A la suite de la réorganisation des quatre secteurs de l'OPAC de la Haute-Loire, Mme B... a fait l'objet d'une première proposition de mutation le 3 octobre 2018 afin d'occuper un poste à l'agence Le Puy/Brioude sur le secteur Le Puy/Chaise-Dieu à compter du 1er janvier 2019, qu'elle a refusée le 27 novembre 2018, et de nouveau en décembre 2018 malgré l'aménagement de son poste avec une prise de poste et une sortie de poste à Brioude et l'allégement du nombre de logements relevant de son secteur Le Puy/Chaise Dieu.

8. Le contrat de travail de Mme B... mentionne, dans son article 4, que " le poste de travail est basé à l'antenne de Brioude. Néanmoins pour des raisons touchant à l'organisation et/ou au bon fonctionnement de l'entreprise, l'employeur pourra modifier le lieu de travail après l'observation d'un délai de prévenance d'au moins un mois ". Si l'intéressée soutient que cette clause est illégale, un tel moyen, faute pour l'inspectrice du travail de s'être fondée dessus pour délivrer l'autorisation contestée, ne peut qu'être écarté comme inopérant.

9. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que Mme B... assurait, en qualité de responsable d'agence à Brioude, des déplacements vers les logements de l'OPAC de la Haute-Loire sur le secteur dont elle avait la charge. Par un courrier du 19 décembre 2018, l'OPAC a notifié à Mme B... un réaménagement de son secteur, qui comprenait désormais le secteur Le Puy /La chaise Dieu, avec une prise de poste à Brioude incluant ainsi les trajets jusqu'à l'agence de Chadrac dans son temps de travail et un allégement de son secteur de cinquante logements. Mme B... qui, en réponse à ce courrier, a elle-même reconnu dans une lettre du 28 décembre 2018 que, " quant aux déplacements quotidiens induits par mon métier de responsable de secteur, il est de fait que l'utilisation du véhicule sur les secteurs de Brioude ou de Le Puy/Chaise Dieu peut être considéré comme équivalent ", restait, moyennant des aménagements, responsable d'agence à un poste qui, quel que soit le siège de l'agence, impliquait par lui-même de nombreux déplacements dans le département de la Haute-Loire. Le changement ainsi envisagé, qui ne saurait être qualifié de modification de son contrat de travail, s'analyse en l'espèce comme un changement dans ses conditions de travail. Le refus que Mme B... a opposé à ce changement doit ainsi être regardé comme fautif.

10. Alors qu'il n'est pas contesté que l'inspecteur du travail a étudié l'ensemble de la situation de l'intéressée, rien au dossier ne permet de dire que le poste proposé à Mme B... l'aurait exposée à une atteinte disproportionnée à sa vie personnelle et familiale et aurait impacté son mandat de déléguée syndicale.

11. Le refus qu'a ainsi opposé l'intéressée au changement dans ses conditions de travail était donc d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement.

12. Il en résulte que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion et à l'Office public de l'habitat de la Haute-Loire.

Délibéré après l'audience du 25 mai 2023 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juin 2023.

La rapporteure,

C. DjebiriLe président,

V.-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 22LY01771 2

ap


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY01771
Date de la décision : 08/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-02 Travail et emploi. - Licenciements. - Autorisation administrative - Salariés protégés. - Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. - Licenciement pour faute.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: Mme Christine DJEBIRI
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : DUPLESSIS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-06-08;22ly01771 ?
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