Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision de l'inspectrice du travail du 21 août 2020 autorisant la société nouvelle CGVL à le licencier pour motif économique, ensemble la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique, et la décision du 19 avril 2021 par laquelle la ministre du travail, après avoir annulé la décision de l'inspectrice du travail du 21 août 2020, a autorisé son licenciement pour motif économique.
Par un jugement nos 2102837, 2103898 du 1er mars 2022, le tribunal administratif de Lyon a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions de ses demandes dirigées contre la décision de l'inspectrice du travail du 21 août 2020 et la décision implicite initiale de la ministre du travail rejetant son recours hiérarchique et a rejeté les conclusions de ses demandes tendant à l'annulation de la décision du 19 avril 2021 par laquelle la ministre du travail a autorisé son licenciement pour motif économique.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 28 avril 2022, présentée pour M. A..., il est demandé à la cour :
1°) d'annuler ce jugement nos 2102837, 2103898 du 1er mars 2022 du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a rejeté les conclusions de ses demandes tendant à l'annulation de la décision du 19 avril 2021 de la ministre du travail en tant qu'elle a autorisé son licenciement pour motif économique ;
2°) d'annuler la décision du 19 avril 2021 de la ministre du travail en tant qu'elle a autorisé son licenciement pour motif économique.
Il soutient que :
- l'inspecteur du travail n'a pas respecté le caractère contradictoire de la procédure dès lors qu'il ne l'a pas mis en mesure de prendre connaissance des pièces relatives aux recherches de reclassement communiquées la veille dans un délai lui permettant de présenter utilement ses observations et alors que, contrairement à ce qu'a indiqué le ministre du travail, aucune pièce jointe à la demande d'autorisation de licenciement qui lui avait été transmise ne portait sur l'obligation préalable de reclassement interne ;
- la décision ministérielle en litige n'est pas motivée ;
- compte tenu du maintien de l'autonomie de l'activité transférée, le comité social et économique ainsi que l'ensemble des mandats électifs et désignatifs de la société SN CGVL ont été maintenus de plein droit au sein de l'entreprise cessionnaire, et l'administration du travail aurait dû en tirer toutes les conséquences, en constatant le transfert des contrats de travail des salariés titulaires de mandats et en refusant d'autoriser leur licenciement ;
- il appartenait à l'administrateur judicaire d'examiner les possibilités de reclassement au sein du repreneur pour les salariés menacés de licenciement, c'est-à-dire pour les salariés qui n'intègrent pas le plan de cession, le plan de sauvegarde de l'emploi prévoyant que l'employeur s'engageait à recenser la liste des postes disponibles chez le repreneur, alors que, dans sa décision en litige, la ministre du travail ne fait aucunement mention du contrôle opéré sur les recherches de reclassement effectuées par le mandataire judicaire de la société SN CGVL auprès du cessionnaire, la société Ghestem, et alors que des postes correspondant aux profils des salariés protégés menacés de licenciement étaient disponibles au sein de cette société mais ne leur ont jamais été proposés ;
- il existe un lien entre le licenciement et les mandats exercés, dès lors que le repreneur n'a jamais caché sa volonté de supprimer les instances représentatives du personnel après la cession et de limiter au maximum le transfert des salariés titulaires de mandats électif et désignatifs.
Par un mémoire enregistré le 19 juillet 2022, présenté pour les sociétés Ghestem Nantes et Ghestem Chalon, elles concluent, à titre principal, à leur mise hors de cause et, à titre subsidiaire, au rejet de la requête, ainsi qu'à la mise à la charge de M. A... d'une somme de 750 euros à verser à chacun d'elles au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent, à titre principal, qu'elles doivent être mises hors de cause dès lors qu'aux termes mêmes du jugement du tribunal de commerce de Lyon du 2 mars 2020 elles n'étaient tenues à aucune obligation de transfert du salarié ni à aucune obligation de reclassement et, à titre subsidiaire, que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 3 novembre 2022, le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête en s'en rapportant aux écritures de première instance.
Par un mémoire enregistré le 30 novembre 2022, présenté pour la société nouvelle CGVL, représentée par la Selarl MJ Synergie et la Selarlu Martin, en qualité de liquidateurs judiciaires, et par la Selarl BCM et la Selarl AJ Partenaires, en qualité d'administrateurs judiciaires, elle conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la requête est irrecevable, dès lors qu'elle ne comporte aucune critique du jugement rendu par le tribunal administratif de Lyon et se contente de reprendre les moyens présentés en première instance, et que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 1er décembre 2022 la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 16 décembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de commerce ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Seillet, président assesseur ;
- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;
- et les observations de Me Neufville, pour la société nouvelle CGVL, ainsi que celles de Me Migeon, pour les sociétés Ghestem Nantes et Ghestem Chalon ;
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 2 mars 2020, le tribunal de commerce de Lyon a, dans le cadre d'une procédure de liquidation judiciaire, ordonné la cession des actifs de la société nouvelle CGVL à la société Ghestem Finances avec poursuite de cent quatre-vingt contrats de travail et a autorisé le licenciement pour motif économique des salariés occupant des postes limitativement énumérés, les postes supprimés correspondant à des catégories professionnelles prenant en compte en particulier des périmètres géographiques, parmi lesquelles la catégorie professionnelle " chauffeur poids lourds " ou " chauffeur super poids lourds ", et des périmètres géographiques de la région Ile-de-France, des départements des Bouches-du-Rhône et du Vaucluse et des départements de l'Eure-et-Loir et de la Seine-Maritime. En exécution de ce jugement, et par lettre du 12 juin 2020, l'administrateur judiciaire de la société nouvelle CGVL a sollicité l'autorisation de licencier pour motif économique M. A..., chauffeur PL membre de la délégation du personnel du comité social et économique, relevant du périmètre géographique des départements des Bouches-du-Rhône et du Vaucluse. Par une décision du 21 août 2020, l'inspectrice du travail du Rhône a autorisé son licenciement. Par une lettre du 20 octobre 2020, ce salarié a formé un recours hiérarchique contre la décision de l'inspectrice du travail du 21 août 2020, qui a d'abord été implicitement rejeté, puis, par une décision du 19 avril 2021, la ministre du travail, après avoir retiré le rejet implicite du recours hiérarchique et annulé la décision de l'inspectrice du travail du 21 août 2020 en raison d'un manquement aux règles du contradictoire, a autorisé le licenciement pour motif économique de M. A.... Ce dernier relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 1er mars 2022 en tant qu'il a rejeté les conclusions de ses demandes tendant à l'annulation de la décision du 19 avril 2021 de la ministre du travail en tant qu'elle a autorisé son licenciement pour motif économique.
Sur les conclusions des sociétés Ghestem Nantes et Ghestem Chalon tendant à leur mise hors de cause :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 1224-1 du code du travail : " Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise ".
3. D'autre part, aux termes des deux derniers alinéas de l'article L. 642-5 du code de commerce, relatif aux plans de cession arrêtés par le tribunal de commerce dans le cadre d'une liquidation judiciaire : " Lorsque le plan prévoit des licenciements pour motif économique, il ne peut être arrêté par le tribunal qu'après que la procédure prévue au I de l'article L. 1233-58 du code du travail a été mise en œuvre. L'avis du comité d'entreprise et, le cas échéant, l'avis du comité d'hygiène et de sécurité des conditions de travail et de l'instance de coordination sont rendus au plus tard le jour ouvré avant l'audience du tribunal qui statue sur le plan. L'absence de remise du rapport de l'expert mentionné aux articles L. 1233-34, L. 1233-35, L. 2325-35 ou L. 4614-12-1 du code du travail ne peut avoir pour effet de reporter ce délai. Le plan précise notamment les licenciements qui doivent intervenir dans le délai d'un mois après le jugement sur simple notification du liquidateur ou de l'administrateur lorsqu'il en a été désigné, sous réserve des droits de préavis prévus par la loi, les conventions ou les accords collectifs du travail. Lorsqu'un plan de sauvegarde de l'emploi doit être élaboré, le liquidateur ou l'administrateur met en œuvre la procédure prévue au II de l'article L. 1233-58 du même code dans le délai d'un mois après le jugement. Le délai de quatre jours mentionné au II du même article court à compter de la date de la réception de la demande, qui est postérieure au jugement arrêtant le plan. / Lorsque le licenciement concerne un salarié bénéficiant d'une protection particulière en matière de licenciement, ce délai d'un mois après le jugement est celui dans lequel l'intention de rompre le contrat de travail doit être manifestée ".
4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, lorsque le plan de cession arrêté par le tribunal de commerce prévoit des licenciements devant intervenir dans le mois suivant le jugement, les contrats de travail des salariés licenciés en exécution de ce jugement ne sont pas transférés à l'entreprise cessionnaire. Par suite, l'entreprise cédante demeure l'employeur de ces salariés, y compris lorsqu'ils bénéficient d'un statut protecteur.
5. Dès lors qu'ainsi qu'il a été dit au point 1, par un jugement du 2 mars 2020, le tribunal de commerce de Lyon a, dans le cadre d'une procédure de liquidation judiciaire, ordonné la cession des actifs de la nouvelle CGVL à la société Ghestem Finances avec poursuite de 180 contrats de travail et a autorisé le licenciement, pour motif économique, dans le mois suivant le jugement, des salariés occupant des postes limitativement énumérés, dont celui occupé par le requérant, son contrat n'a pas été transféré à l'entreprise cessionnaire et, par suite, les sociétés Ghestem Nantes et Ghestem Chalon, qui n'avaient pas la qualité d'employeur du salarié protégé faisant l'objet d'une demande d'autorisation de procéder à son licenciement pour motif économique, doivent être mises hors de cause dans la présente instance.
Sur la légalité de la décision en litige :
6. En premier lieu, et d'une part, ainsi qu'il a été dit au point 1, par sa décision du 19 avril 2021, la ministre du travail a annulé la décision de l'inspectrice du travail du 21 août 2020 en raison d'un manquement aux règles du contradictoire. Dès lors, M. A... ne peut utilement se prévaloir, au soutien des conclusions de sa requête tendant à l'annulation de cette décision ministérielle en tant qu'elle a autorisé son licenciement, d'une telle irrégularité entachant la procédure suivie par l'inspectrice du travail. D'autre part, il ressort des pièces du dossier et n'est au demeurant pas contesté par le requérant, que, par un courriel du 20 août 2020, l'inspectrice du travail lui avait transmis les éléments qu'elle avait recueillis auprès de l'employeur concernant les recherches de reclassement au sein du groupe CGVL. Dès lors, la seule circonstance que, dans le cadre de l'enquête contradictoire menée à la suite du recours hiérarchique formé par M. A..., la ministre du travail ne lui a pas de nouveau communiqué ces mêmes éléments, à propos desquels il disposait alors de suffisamment de temps pour présenter des observations, n'est pas de nature à établir une irrégularité de la procédure ayant conduit à la décision contestée.
7. En deuxième lieu, la décision ministérielle, qui comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivée.
8. En troisième lieu, ainsi qu'il a été dit aux points 4 et 5, lorsque le plan de cession arrêté par le tribunal de commerce prévoit des licenciements devant intervenir dans le mois suivant le jugement, les contrats de travail des salariés licenciés en exécution de ce jugement ne sont pas transférés à l'entreprise cessionnaire. Par suite, l'entreprise cédante demeure l'employeur de ces salariés, y compris lorsqu'ils bénéficient d'un statut protecteur. Dès lors qu'ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il ressortait du jugement du 2 mars 2020 du tribunal de commerce de Lyon que le plan de cession adopté comportait l'autorisation de procéder au licenciement des salariés non repris par l'entreprise cessionnaire, cette autorisation faisait obstacle au transfert des contrats des salariés relevant des catégories socio-professionnelles mentionnées dans le jugement, quand bien même les instances représentatives auraient été maintenues et, à ce titre, le maintien des instances représentatives ne faisait pas à lui seul obstacle au prononcé du licenciement d'un salarié protégé dans le cadre d'un plan de cession. Dès lors, M. A... ne peut utilement soutenir que, compte tenu du maintien de l'autonomie de l'activité transférée et du maintien du comité social et économique ainsi que de l'ensemble des mandats électifs et désignatifs de la société nouvelle CGVL au sein de l'entreprise cessionnaire, l'administration du travail aurait dû constater le transfert des contrats de travail des salariés titulaires de mandats et refuser, pour ce motif, d'autoriser son licenciement.
9. En quatrième lieu, il résulte de la combinaison des dispositions citées aux points 2 et 3 que, si l'entreprise cédante doit chercher à reclasser un salarié dont le licenciement est envisagé dans l'ensemble des entités dont elle assure encore la direction effective ou du groupe d'entreprises auquel elle appartient, cette recherche ne s'étend pas à l'entreprise cessionnaire, notamment pas aux entités cédées qui sont déjà passées sous la direction effective de cette dernière. Dès lors, M. A... ne peut utilement soutenir qu'il appartenait à l'administrateur judicaire d'examiner les possibilités de reclassement au sein du repreneur pour les salariés menacés de licenciement, c'est-à-dire pour les salariés qui n'intégraient pas le plan de cession, alors même que le plan de sauvegarde de l'emploi prévoyait que l'employeur s'engageait à recenser la liste des postes disponibles chez le repreneur.
10. En dernier lieu, le moyen, déjà soulevé en première instance, tiré d'un lien entre le licenciement et le mandat exercé, en ce que le repreneur aurait fait état de sa volonté de supprimer les instances représentatives du personnel après la cession et de limiter au maximum le transfert des salariés titulaires de mandats électif et désignatifs, doit être écarté par les motifs retenus par les premiers juges et qu'il y a lieu, pour la cour, d'adopter.
11. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée à la requête par la société nouvelle CGVL, M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté les conclusions de ses demandes tendant à l'annulation de la décision du 19 avril 2021 de la ministre du travail en tant qu'elle a autorisé son licenciement pour motif économique. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du requérant une somme au titre des frais liés au litige exposés, d'une part, par la société nouvelle CGVL et, d'autre part, par les sociétés Ghestem Nantes et Ghestem Chalon.
DÉCIDE :
Article 1er : Les sociétés Ghestem Nantes et Ghestem Chalon sont mises hors de cause.
Article 2 : La requête de M. A... est rejetée.
Article 3 : Les conclusions des sociétés Ghestem Nantes et Ghestem Chalon et de la société nouvelle CGVL tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, à la société nouvelle CGVL, représentée par la Selarl MJ Synergie et la Selarlu Martin, en qualité de liquidateurs judiciaires, et par la Selarl BCM et la Selarl AJ Partenaires, en qualité d'administrateurs judiciaires, et aux sociétés Ghestem Nantes et Ghestem Chalon.
Délibéré après l'audience du 25 mai 2023 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
M. Chassagne, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juin 2023.
Le rapporteur,
Ph. SeilletLe président,
V.-M. Picard
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY01273
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