Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société CM-CIC Leasing Solutions a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la commune de Sainte-Marie-du-Mont à lui verser les sommes de, respectivement, 28 405,50 euros TTC, 26 726,50 euros TTC et 18 651, 52 euros TTC, assorties des intérêts au taux légal à compter du 22 mai 2019 et de leur capitalisation, à raison de la résiliation des contrats de location de photocopieurs conclus le 27 juin 2018, le 24 octobre 2018 et le 5 mai 2017 et référencés CC8771600, CK0632600 et BO9805600 ou, à titre subsidiaire, de condamner la commune à lui verser les sommes de 30 779,66 euros, 24 060 euros et 19 837,10 euros sur le fondement extracontractuel, et, enfin, de condamner la commune à restituer le matériel.
Par jugement n° 1906262, 1906268 et 1906269 du 22 mars 2021, le tribunal administratif de Grenoble a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la société tendant à la restitution du matériel et a rejeté le surplus des conclusions des demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 mai 2021 et 4 mai 2023, ce dernier non communiqué, la société CM-CIC Leasing Solutions, représentée par Me Pichon, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner la commune de Sainte-Marie-du-Mont à lui verser les sommes de 29 403 euros TTC, 24 551,50 euros TTC et 17 426 euros TTC outre intérêts au taux légal à compter du 22 mai 2019, capitalisés, à titre subsidiaire, de condamner la commune à lui verser les sommes de 30 779,66 euros, 24 060 euros et 19 837,10 euros sur le fondement extracontractuel ;
3°) de condamner la commune de Sainte-Marie-du-Mont à restituer le matériel ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Sainte-Marie-du-Mont la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il n'a pas tenu compte de la demande formulée dans son mémoire du 10 février 2021 regardé à tort comme parvenu après clôture de l'instruction ;
- les contrats n'étaient pas entachés d'un vice du consentement dès lors que le maire était compétent pour les signer ;
- dès lors que les contrats n'avaient pas pour objet l'exécution même du service public et que la commune de Sainte-Marie-du-Mont n'avait pas répondu aux mises en demeure de payer les loyers échus, elle était fondée à procéder à la résiliation de ces contrats ;
- les contrats ne sont pas entachés de nullité au seul motif qu'ils auraient été conclus en méconnaissance des règles de la commande publique ;
- en tout état de cause, la commune de Sainte-Marie-du-Mont ne fait état d'aucune manœuvre pouvant justifier que le contrat soit écarté ;
- elle peut prétendre, sur le fondement des stipulations contractuelles, aux loyers impayés aux échéances, aux intérêts de retard et aux loyers à échoir ainsi qu'à la restitution du matériel ;
- à titre subsidiaire, à supposer que la nullité du contrat soit retenue, elle est fondée à demander, au titre de la responsabilité extracontractuelle de la commune de Sainte-Marie-du-Mont, le versement des dépenses qui ont été utiles à l'administration, correspondant à l'amortissement du matériel et à la réparation du préjudice égal au gain manqué ;
- ses conclusions présentées sur le fondement de l'enrichissement sans cause sont recevables dès lors qu'elles peuvent être invoquées à tout moment de la procédure.
Par mémoires enregistrés le 14 février 2023, le 21 avril 2023 et le 27 avril 2023, la commune de Sainte-Marie-du-Mont demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) après avoir constaté la nullité des contrats litigieux, de condamner la société CM-CIC Leasing Solutions à lui verser les sommes de 35 909,79 euros TTC, 28 854 euros TTC et 26 447,80 euros TTC ;
3°) de mettre à la charge de la société CM-CIC Leasing Solutions la somme de 2500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les conclusions subsidiaires de la société CM-CIC Leasing Solutions tendant à ce qu'elle soit condamnée sur le fondement de l'enrichissement sans cause sont nouvelles en appel et, par voie de conséquence, irrecevables ;
- le mémoire produit après clôture dans l'instance n°1906268 ne pouvait être pris en compte ;
- la communication du mémoire en défense assortie d'un délai de réponse d'un mois dans les instances n° 1906262 et 1906269 ne saurait avoir eu pour effet de rouvrir l'instruction, dès lors qu'elle a été réalisée avant l'intervention de la date de clôture de l'instruction ;
- les contrats sont nuls dès lors qu'ils ont été conclus sans mise en concurrence préalable ni procédure adaptée ;
- ils sont entachés d'un vice d'une particulière gravité relatif aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, dès lors qu'ils ont été signés sans habilitation de l'organe délibérant de la commune de Sainte-Marie-du-Mont et en prévoyant des conditions léonines et des clauses insusceptibles d'être contenues dans un contrat administratif, telle que la clause de tacite reconduction ; la société CM-CIC Leasing Solutions ne l'a pas mise à même de s'opposer à la rupture des relations contractuelles pour un motif d'intérêt général ;
- elle a signé, le 10 décembre 2019, un contrat pour une prestation similaire avec un autre prestataire ;
- à titre subsidiaire, la société CM-CIC Leasing Solutions ne saurait obtenir, sur le fondement de l'enrichissement sans cause de la commune de Sainte-Marie-du-Mont, une somme supérieure à celle que l'exécution du contrat lui aurait procurée ;
- la demande de la société CM-CIC Leasing Solutions n'est assortie d'aucun justificatif ;
- il existe une disproportion manifeste entre l'indemnité demandée, notamment au titre des pénalités de 10%, et le montant du préjudice résultant, pour la société CM-CIC Leasing Solutions, des dépenses qu'elle a exposées et du gain dont elle a été privée ; sa condamnation doit ainsi être ramenée à de plus justes proportions ;
- la société CM-CIC Leasing Solutions, qui ne pouvait ignorer la nécessité de procéder à une mise en concurrence avant de conclure les contrats en cause, a commis une faute de nature à l'exonérer de sa propre responsabilité ;
- elle est fondée à obtenir la condamnation de la société CM-CIC Leasing Solutions à lui verser les sommes qu'elle a perçues en exécution des contrats illégalement conclus, soit au total 10 037,41 euros TTC.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Evrard,
- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public,
- et les observations de Me Martin, représentant la commune de Sainte-Marie-du-Mont ;
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Sainte-Marie-du-Mont (Isère) a conclu, avec la société CM-CIC Leasing Solutions, trois contrats portant sur la location et la maintenance de photocopieurs et de matériels informatiques fournis par la société Rex Rotary, d'une durée de 60 mois pour un loyer trimestriel de 1322,39 euros TTC pour le premier contrat (daté du 5 mai 2017 et référencé B098005600), 63 mois pour un loyer trimestriel de 1 709,99 euros TTC pour le deuxième contrat (daté du 27 juin 2018 et référencé CC87716000) et 65 mois pour un loyer trimestriel de 1 145 euros HT soit 1 374 euros TTC pour le dernier contrat (daté du 24 octobre 2018 et référencé CK0632600). En l'absence de paiement de loyers échus, la société CM-CIC Leasing Solutions a, par courrier du 26 avril 2019, mis en demeure la commune de Sainte-Marie-du-Mont de payer ses arriérés de loyers de 5 178 euros TTC, 2 796 euros TTC et 3 843,17 euros TTC sous peine de résiliation, en application des articles 11 des deux premiers contrats et 10 du troisième contrat. La commune s'étant abstenue de s'acquitter de ces sommes, la société a procédé à la résiliation des contrats, le 20 mai 2019, et a réitéré sa demande de paiement. En l'absence de réponse, elle a saisi le tribunal administratif de Grenoble de demandes de condamnation au paiement d'indemnités de résiliation de 28 405,50 euros TTC, 26 726,50 euros TTC et 18 651, 52 euros TTC, outre intérêts capitalisés, en exécution des contrats, à titre subsidiaire, de 30 779,66 euros, 24 060 euros et 19 837,10 euros sur le fondement extracontractuel, et enfin de condamner la commune à restituer le matériel. Par jugement du 22 mars 2021, le tribunal, après avoir écarté les contrats comme étant entachés d'un vice d'une particulière gravité tenant à l'incompétence du maire pour les signer, a rejeté les conclusions de la société CM-CIC Leasing Solution tendant à l'engagement de la responsabilité de la commune de Sainte-Marie-du-Mont sur le fondement contractuel. En outre, estimant que les conclusions de la société tendant à l'engagement de la responsabilité extracontractuelle de la commune de Sainte-Marie-du-Mont n'avaient été présentées par la société que postérieurement à la clôture de l'instruction, elle n'y a pas statué. La CM-CIC Leasing Solutions relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-2 à R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". Aux termes de l'article R. 613-1 du même code : " Le président de la formation de jugement peut, par une ordonnance, fixer la date à partir de laquelle l'instruction sera close (...) ". Aux termes de l'article R. 613-3 de ce code : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication, sauf réouverture de l'instruction ".
3. Il ressort des pièces des dossiers de première instance que le président de la formation de jugement du tribunal a, dans les instances n°s 1906262, 1906268 et 1906269, informé les parties, par ordonnance du 16 novembre 2020, que la clôture de l'instruction prévue par l'article R. 613-1 du code de justice administrative interviendrait le 11 décembre 2020. Toutefois, le tribunal a, dans les instances n°s 1906262 et 1906269, communiqué à la société requérante, le 3 décembre 2020, le premier mémoire en défense présenté ce même jour par la commune de Sainte-Marie-du-Mont en lui impartissant un délai d'un mois pour présenter ses observations. Dans de telles conditions, la communication de ces mémoires ouvrant à la partie concernée la possibilité de répliquer dans un délai expirant postérieurement à la date de clôture de l'instruction a, nécessairement, rouvert l'instruction. En revanche, dans l'instance n° 1906268, la communication, huit jours avant la clôture de l'instruction, du premier mémoire en défense assortie d'une invitation à produire, le cas échéant, une réplique dans les meilleurs délais n'était pas incompatible avec la date fixée par l'ordonnance de clôture et n'a pas eu pour effet de prolonger l'instruction au-delà de cette date.
4. Par suite, et alors que les demandes de la société CM-CIC Leasing Solutions tendaient uniquement à l'engagement de la responsabilité contractuelle de la commune de Sainte-Marie-du-Mont, il appartenait aux premiers juges, dans les instances n°s 1906262 et 1906269, de communiquer à la commune de Sainte-Marie-du-Mont les mémoires de la requérante produits le 11 février 2021 qui contenaient des conclusions nouvelles tendant à l'engagement de la responsabilité extracontractuelle de la commune. Faute de les avoir communiqués et d'y avoir statué, le jugements attaqué a méconnu le caractère contradictoire de l'instruction des instances n°s 1906262 et 1906269. Il doit, par suite, être annulé dans cette mesure.
5. Il y a lieu d'évoquer les demandes de la société CM-CIC Leasing Solutions dans les instances n°s1906262 et 1906269 et d'examiner par voie de l'effet dévolutif les demandes de l'instance n° 1906268.
Sur la responsabilité contractuelle de la commune de Sainte-Marie-du-Mont :
En ce qui concerne l'exception tirée de la nullité des contrats opposée par la commune :
6. Lorsqu'une partie à un contrat administratif soumet au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat. Toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel. Ainsi, lorsque le juge est saisi d'un litige relatif à l'exécution d'un contrat, les parties à ce contrat ne peuvent invoquer un manquement aux règles de passation, ni le juge le relever d'office, aux fins d'écarter le contrat pour le règlement du litige. Par exception, il en va autrement lorsque, eu égard d'une part à la gravité de l'illégalité et d'autre part aux circonstances dans lesquelles elle a été commise, le litige ne peut être réglé sur le fondement de ce contrat.
7. Il résulte de l'instruction que le maire de Sainte-Marie-du-Mont a contracté, sans y avoir été préalablement autorisé par une délibération du conseil municipal, et que ce dernier n'a pas davantage donné son accord exprès postérieurement à la conclusion des contrats. Toutefois, il est constant que les matériels, livrés successivement les 5 mai 2017, 27 juin 2018 et 21 septembre 2018, ont été installés dans les locaux de la mairie et utilisés à compter de ces différentes dates. Il ne résulte pas de l'instruction que les membres du conseil municipal n'aient pas entendu donner leur accord à la conclusion des contrats, alors que le premier contrat a été exécuté normalement durant plus d'un an avant que ne soient conclus les contrats suivants, et que les cinq premiers loyers trimestriels de ce premier contrat, ainsi que le premier loyer trimestriel du contrat suivant, ont été normalement versés aux échéances prévues. Enfin, le vice tiré de l'incompétence du maire dont seraient entachés les contrats n'a été opposé par la commune qu'après l'introduction des demandes de la société CM-CIC Leasing Solutions au greffe du tribunal. Dès lors, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, l'absence d'habilitation du maire ne saurait, dans les circonstances de l'espèce, être regardée comme un vice d'une gravité telle que les contrats doivent être écartés.
8. En second lieu, il est constant que la conclusion des contrats n'a pas été précédée de mesures de publicité et de mise en concurrence. Toutefois, il résulte de l'instruction que les contrats en cause, conclus après démarchage de la commune de Sainte-Marie-du-Mont, avaient uniquement pour objet de permettre à la commune de prendre en location et d'assurer la maintenance de deux photocopieurs et de matériels informatiques. En l'absence de circonstances particulières ayant un rapport avec le vice dont les contrats sont entachés, et eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, le vice tenant à l'absence de mesures de publicité et de mise en concurrence, imputable à la commune de Sainte-Marie-du-Mont qui s'en prévaut, et dont il n'est pas établi qu'il procèderait de manœuvres frauduleuses ou dolosives de la part de la société cocontractante ou qu'il aurait affecté les conditions dans lesquelles la commune de Sainte-Marie-du-Mont a donné son consentement, ne saurait être regardé comme d'une gravité telle que le juge doive écarter les contrats.
9. Il résulte de ce qui précède que les circonstances invoquées, qui ne révèlent pas que les contrats auraient été entachés d'un vice d'une particulière gravité ni d'aucune illicéité de nature à remettre en cause la validité des contrats dans leur ensemble, ne font pas obstacle à ce que le litige soit réglé sur le terrain contractuel.
En ce qui concerne les indemnités dues en exécution des contrats :
10. Aux termes de l'article 11 des contrats BO9805600 et CC8771600 et de l'article 10 du contrat CK0632600 : " 11. 2 [et 10.2] Le contrat peut être résilié de plein droit par le bailleur dans les cas suivants : a) en cas de non-paiement d'un seul loyer (...) 11.5 [et 10.5] Le bailleur se réserve également la faculté d'exiger, outre le paiement des loyers impayés et de toutes sommes dues jusqu'à la date de restitution effective du matériel, le paiement (...) : en cas de location : a) en réparation du préjudice subi, d'une indemnité de résiliation H.T. égale au montant total des loyers H.T. postérieurs à la résiliation ; et b) pour assurer la bonne exécution du contrat, d'une pénalité égale à 10% de l'indemnité de résiliation ".
11. La société CM-CIC Leasing Solutions demande, en application de ces stipulations, outre les loyers impayés assortis de frais de recouvrement, les loyers restant dû, à la date de résiliation, jusqu'à la fin des contrats initiaux, à hauteur de, respectivement, 17 426 euros TTC au titre du contrat BO9805600, 29 403 euros TTC au titre du contrat CC8771600 et 24 551, 50 euros TTC au titre du contrat CK0632600.
S'agissant du paiement des loyers échus :
12. Il ne résulte pas de l'instruction qu'en concluant avec la commune de Sainte-Marie-du-Mont les trois contrats en litige sans que ces contrats n'aient été soumis aux règles de publicité et de mise en concurrence, la société CM-CIC Leasing Solutions, qui n'est pas en charge du respect de ces règles et dont aucune pièce du dossier ne permet d'estimer qu'elle ne pouvait en ignorer le champ d'application, a commis une faute de nature à exonérer la commune de Sainte-Marie-du-Mont d'une partie de ses obligations.
13. Il résulte de l'instruction que la commune de Sainte-Marie-du-Mont n'a pas réglé, au titre du contrat CC8771600, trois loyers trimestriels d'un montant de 1710 euros TTC aux échéances du 27 septembre 2018, du 27 décembre 2018 et du 27 mars 2019, au titre du contrat CK0632600, deux loyers de 1374 euros aux échéances du 21 novembre 2018 et du 21 février 2019 et, au titre du contrat BO9805600, un loyer trimestriel de 1139,55 euros et deux loyers de 1327,81 euros aux échéances du 5 août 2018, du 5 novembre 2018 et du 5 février 2019. Par suite, la société CM-CIC Leasing Solutions est fondée à demander, sur le fondement des stipulations citées au point 9, la condamnation la commune à lui payer la somme totale de 11 673,17 euros correspondant aux arriérés de loyers dus en exécution des contrats litigieux.
S'agissant des indemnités de résiliation :
14. En premier lieu, pour soutenir que les clauses citées au point 9 permettant de liquider l'indemnité de résiliation doivent être réputées non écrites, la commune de Sainte-Marie-du-Mont fait valoir qu'elles sont issues de formulaires-types, qu'elles ont été reproduites en petits caractères, que les pages qui les contiennent n'ont pas été paraphées et, plus généralement, que les contrats dont elles sont extraites prévoient des clauses de tacite reconduction mais ne prévoient pas la possibilité pour la collectivité publique de s'opposer à la résiliation pour un motif d'intérêt général.
15. Aucun principe ni aucune règle du droit de la commande publique ne prohibe le recours aux contrats-types. Il résulte en outre de l'instruction que le maire a accepté les conditions générales des contrats conclus avec la société CM-CIC Leasing Solutions en signant leurs premières pages où il est mentionné qu'il a pris connaissance desdites conditions. Il ne résulte pas de l'instruction que le signataire ait été contraint de les signer dans des circonstances ne lui permettant pas d'en prendre connaissance dans leur intégralité et d'en apprécier leur portée. Si les contrats comportent une clause prévoyant leur tacite reconduction, d'année en année dans la limite de trente-six mois, une telle clause ne s'applique pas, en vertu des stipulations mêmes de ces contrats, aux locations conclues avec des locataires soumis au décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, ce qui est le cas de la commune de Sainte-Marie-du-Mont. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que la commune, qui indique avoir fait appel à un autre prestataire à compter du 10 décembre 2019, ait entendu s'opposer à la résiliation des contrats conclus avec la société CM-CIC Leasing Solutions pour poursuivre leur exécution. Par suite, elle ne peut utilement soutenir qu'elle n'a pas été mise à même de s'opposer à la rupture des relations contractuelles pour un motif d'intérêt général.
16. Toutefois, en vertu de l'interdiction faite aux personnes publiques de consentir des libéralités, un contrat administratif ne peut légalement prévoir une indemnité de résiliation ou de non-renouvellement qui serait, au détriment de la personne publique, manifestement disproportionnée au montant du préjudice subi par le cocontractant du fait de cette résiliation ou de ce non-renouvellement. Si, dans le cadre d'un litige indemnitaire, l'une des parties ou le juge soulève, avant la clôture de l'instruction, un moyen tiré de l'illicéité de la clause du contrat relative aux modalités d'indemnisation du cocontractant en cas de résiliation anticipée, il appartient à ce dernier de demander au juge, à qui il n'appartient pas de se prononcer d'office sur ce point, la condamnation de la personne publique à l'indemniser du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de la résiliation du contrat sur le fondement des règles générales applicables aux contrats administratifs.
17. En l'espèce, il résulte des articles 10 et 11 des contrats en litige qu'en cas de résiliation anticipée pour non-respect de l'un des engagements contractuels, dont notamment le défaut de paiement d'une échéance ou de toute somme due en vertu du contrat, le bailleur a droit à une indemnité, égale à tous les loyers à échoir au jour de la résiliation, majorée de 10 %. Ces clauses, qui donnent à la société CM-CIC Leasing Solutions la faculté d'exiger, non seulement la restitution du matériel loué et le paiement des loyers impayés, mais encore le paiement d'une indemnité de résiliation dont le montant, équivalent à celui des loyers dont l'échéance est postérieure à la résiliation, est assorti d'une pénalité de 10% si bien qu'il excède les loyers que la commune de Sainte-Marie-du-Mont aurait dû régler en exécution des contrats si ceux-ci n'avaient pas été résiliés, présentent un caractère manifestement disproportionné au regard du préjudice causé à la société CM-CIC Leasing Solutions par ladite résiliation. Par suite, la société CM-CIC Leasing Solutions n'est pas fondée à se prévaloir des clauses prévoyant une indemnité de résiliation assortie d'une pénalité de 10%, lesquelles présentent un caractère illicite.
Sur la responsabilité extracontractuelle de la commune de Sainte-Marie-du-Mont :
18. Il résulte de ce qui précède que seule la clause relative à l'indemnité de résiliation anticipée est entachée de nullité, à l'exclusion des autres clauses des contrats sur le fondement desquelles la résiliation elle-même a été prononcée. En conséquence, les conclusions de la société CM-CIC Leasing Solutions tendant à ce que la commune soit condamnée à lui verser les sommes correspondant au prix auquel elle a acquis les biens qu'elle lui a donnés en location, l'amortissement des loyers ainsi que le paiement des gains dont elle aurait été privée en raison de la faute commise par la commune en signant un contrat sans respecter les règles de dévolution de compétence ne peut qu'être rejetée
.
Sur les conclusions incidentes de la commune de Sainte-Marie-du-Mont :
19. Il résulte de ce qui précède que les clauses des contrats prévoyant la location et la maintenance des matériels, que la commune de Sainte-Marie-du-Mont ne conteste au demeurant pas avoir pu utiliser normalement, ne sont pas entachées de nullité. Par suite, les conclusions de la commune tendant à la condamnation de la société CM-CIC Leasing Solutions à lui reverser les sommes qu'elle a perçues en exécution des contrats illégalement conclus ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les intérêts et la capitalisation :
20. En application de l'article 1231-7 du code civil, la société CM-CIC Leasing Solutions a droit au paiement des intérêts au taux légal ayant couru sur la somme de 11 673,17 euros TTC dès le prononcé du jugement du 22 mars 2021 jusqu'au jour de son exécution. La demande de capitalisation applicable en vertu de l'article 1343-2 du code civil ayant été enregistrée le 21 mai 2021, alors qu'était due moins d'une année d'intérêts échue, il y a lieu d'y faire droit au 21 mai 2022 et au 31 mai 2023.
21. Il résulte de ce qui précède que la société CM-CIC Leasing Solutions est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande enregistrée sous le n°1906268 à hauteur de 5 130 euros et qu'elle est seulement fondée à demander la condamnation de la commune de Sainte-Marie-du-Mont à l'indemniser sur le terrain contractuel dans les instances n° 1906262 et 1906269 à hauteur de 7 878 euros outre intérêts capitalisés.
Sur les frais liés à l'instance :
22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société CM-CIC Leasing Solutions, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Sainte-Marie-du-Mont demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Sainte-Marie-du-Mont le versement de 1 500 euros à la société CM-CIC Leasing Solutions sur le fondement des mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1906262, 1906268 et 1906269 du tribunal administratif de Grenoble du 22 mars 2021 est annulé en tant qu'il rejette les demandes enregistrées sous les n°s 1906262 et 1906269.
Article 2 : La commune de Sainte-Marie-du-Mont est condamnée à verser à la société CM-CIC Leasing Solutions la somme de 11 673,17 euros TTC. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 22 mars 2021. Les intérêts échus seront capitalisés au 22 mai 2022 et au 22 mai 2023.
Article 3 : Le jugement n° 1906262, 1906268 et 1906269 du tribunal administratif de Grenoble du 22 mars 2021, en tant qu'il statue sur l'instance n° 1906268, est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2 du présent arrêt.
Article 4 : La commune de Sainte-Marie-du-Mont versera à la société CM-CIC Leasing Solutions une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société CM-CIC Leasing Solutions et à la commune de Sainte-Marie-du-Mont.
Délibéré après l'audience du 17 mai 2023, à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président,
Mme Evrard, présidente-assesseure,
Mme Psilakis, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition du greffe le 8 juin 2023.
La rapporteure,
A. EvrardLe président,
Ph. Arbarétaz
La greffière,
M.-Th. Pillet
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
1
2
N° 21LY01635