Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand :
1°) d'annuler l'arrêté du 15 décembre 2020 en tant que la préfète de l'Allier a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;
2°) d'enjoindre à la préfète de l'Allier, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation.
Par un jugement n° 2100081 du 16 septembre 2021, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 16 octobre 2021, M. B..., représenté par Me Ayele, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 16 septembre 2021 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;
2°) d'annuler l'arrêté du 15 décembre 2020 par lequel la préfète de l'Allier a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;
3°) d'enjoindre à la préfète de l'Allier, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation.
Il soutient que :
- le refus de séjour a été pris en méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- l'obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ; elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 25 janvier 2023, la préfète de l'Allier conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens présentés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Fédi, président-assesseur.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant tunisien, né le 25 mai 1985, est entré régulièrement en France le 31 janvier 2020 sous couvert d'un passeport tunisien revêtu d'un visa C valable du 3 janvier au 30 juin 2020. Le 28 février 2020, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé. M. B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 16 septembre 2021 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 décembre 2020 par lequel la préfète de l'Allier a refusé de lui délivrer le titre de séjour demandé, et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 1° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...). Selon l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ".
3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner, pour lui, des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie de l'avis d'un collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié et effectivement accessible dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. Si la légalité d'une décision s'apprécie à la date à laquelle elle a été prise, il appartient au juge de tenir compte des justifications apportées devant lui, dès lors qu'elles attestent de faits antérieurs à la décision critiquée, même si ces éléments n'ont pas été portés à la connaissance de l'administration avant qu'elle se prononce.
4. Pour refuser de délivrer à M. B... le titre de séjour sollicité, la préfète de l'Allier s'est notamment appuyée sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) en date du 5 novembre 2020, lequel indique que l'état de santé du requérant nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, à savoir la Tunisie, il peut toutefois y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Il ressort des pièces du dossier que M. B... souffre d'une affection démyélinisante du système nerveux central invalidante, avec des troubles marqués de l'équilibre, une hémiparésie gauche, des troubles vésico-sphinctériens et des troubles de l'oculomotricité avec ophtalmoplégie internucléaire antérieure ainsi que des troubles sensitifs neurogènes et qu'il bénéficie d'un traitement par Tysabri, Tanganil et Ceris. En se bornant à soutenir, d'une part, qu'il ne peut bénéficier de la poursuite de son traitement, de manière adaptée, en Tunisie en raison de son coût et de son indisponibilité près de son domicile, d'autre part, qu'il ne dispose de couverture médicale et qu'il est au chômage et sans ressources, M. B... n'établit pas, en l'absence d'élément précis et circonstancié, qu'il ne pourrait pas effectivement bénéficier dans son pays d'une prise en charge adaptée à la gravité de sa pathologie.
5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "
6. Il ressort des pièces du dossier que l'épouse, les cinq enfants et les parents de M. B..., qui était en France depuis moins d'un an à la date de la décision attaquée, résident tous en Tunisie. S'il indique que plusieurs membres de sa famille sont présents en France, il ne justifie pas des liens qu'il entretiendrait avec eux. Enfin, l'appelant ne se prévaut d'aucune intégration notable dans la société française. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la préfète de l'Allier aurait porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale normale et ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, la préfète n'a pas entaché la décision litigieuse d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur la situation personnelle de M. B....
7. M. B... réitère en appel, sans les assortir d'éléments nouveaux, ses moyens tirés de ce que l'obligation de quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de ce qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle et de ce qu'elle aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
8. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète de l'Allier.
Délibéré après l'audience du 16 mai 2023, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
M. Gilles Fédi, président assesseur,
Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 mai 2023.
Le rapporteur,
Gilles Fédi
Le président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Sandra Bertrand
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY03347