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31/05/2023 | FRANCE | N°21LY03331

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 31 mai 2023, 21LY03331


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) d'annuler l'arrêté n°OQTF/74/S/2021/068 du 14 avril 2021 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays de destination de la mesure d'éloignement ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour après remise sans délai d'un réc

épissé de demande de carte de séjour, subsidiairement de réexaminer sa situation sans délai.

Par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) d'annuler l'arrêté n°OQTF/74/S/2021/068 du 14 avril 2021 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays de destination de la mesure d'éloignement ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour après remise sans délai d'un récépissé de demande de carte de séjour, subsidiairement de réexaminer sa situation sans délai.

Par un jugement n° 2103475 du 14 septembre 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 14 octobre 2021, Mme B..., représentée par Me Blanc, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 14 septembre 2021 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler l'arrêté du 14 avril 2021 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays de destination de la mesure d'éloignement ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie, à titre principal de lui délivrer un titre de séjour après remise sans délai d'un récépissé de demande de carte de séjour, subsidiairement de réexaminer sa situation sans délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure, faute d'avoir été précédé de la saisine de la commission départementale du titre de séjour, en méconnaissance de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (devenu l'article L. 432-13 de ce code) ;

- l'arrêté méconnaît l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (devenu l'article L. 425-10 de ce code) ; le préfet de la Haute-Savoie s'est cru à tort en situation de compétence liée au regard de l'avis du collège des médecins de l'OFII ; l'arrêté méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (devenu l'article L. 425-9 de ce code), en ce que sa fille ne saurait bénéficier d'un traitement approprié au Maroc ;

- l'arrêté méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (devenu l'article L. 423-23 de ce code) et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Le préfet de la Haute-Savoie, auquel la requête a été communiquée, n'a pas produit de mémoire.

Mme B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 janvier 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume du Maroc du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Fédi, président-assesseur.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante marocaine née le 1er janvier 1994, déclare être entrée en France le 17 février 2020. Elle s'est maintenue sur le territoire au-delà de la date de validité de son visa de court séjour. Le 12 août 2020, elle a demandé aux services de la préfecture de la Haute-Savoie la délivrance d'un titre de séjour en raison de l'état de santé de sa fille, née en 2011. Mme B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 14 septembre 2021 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 avril 2021 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. Aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11 (...) sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. / L'autorisation provisoire de séjour mentionnée au premier alinéa, qui ne peut être d'une durée supérieure à six mois, est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues au 11° de l'article L. 313-11 (...) ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 1° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...). Selon l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ".

3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner, pour lui, des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie de l'avis d'un collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié et effectivement accessible dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. Si la légalité d'une décision s'apprécie à la date à laquelle elle a été prise, il appartient au juge de tenir compte des justifications apportées devant lui, dès lors qu'elles attestent de faits antérieurs à la décision critiquée, même si ces éléments n'ont pas été portés à la connaissance de l'administration avant qu'elle se prononce.

4. Pour refuser de délivrer à Mme B... une autorisation provisoire de séjour, le préfet de la Haute-Savoie s'est notamment fondé, sans se considérer en situation de compétence liée, sur l'avis émis le 22 décembre 2020 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), selon lequel l'état de santé de son enfant, née en 2011, nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du Maroc, l'enfant peut effectivement y bénéficier d'un traitement approprié et que son état de santé lui permet de voyager sans risque. Il ressort des pièces du dossier que la fille de Mme B... souffre d'une paralysie cérébrale avec tétraparésie spastique, ainsi que d'une épilepsie sévère. Ces pathologies font notamment l'objet d'un traitement médicamenteux et de soins de rééducation. Si Mme B... soutient que sa fille ne pourra pas effectivement bénéficier des soins nécessaires à son état de santé, toutefois le préfet a produit, devant le tribunal administratif de Grenoble, une fiche médicale " MedCoi " de l'Union européenne explicitant l'existence au Maroc d'une protection sociale complète au bénéfice des enfants handicapés, ce qui contredit les affirmations générales de Mme B... relatives au caractère excessivement onéreux pour sa famille du suivi médical de sa fille dans son pays d'origine. En outre, en se bornant à faire valoir que le Maroc n'a généralisé la couverture sociale qu'au mois d'avril 2021 et que vingt millions de Marocains sont dépourvus d'assurance maladie, Mme B... n'établit pas que sa fille ne pourrait pas accéder aux soins dont elle a besoin. Par suite, dès lors que l'appelante n'apporte aucun élément circonstancié et précis de nature à établir que les soins pratiqués au Maroc ne seraient pas adaptés au cas particulier de son enfant et que celle-ci ne pourrait bénéficier effectivement d'une prise en charge adaptée à la gravité de sa pathologie, c'est sans méconnaître les dispositions précitées que le préfet de la Haute-Savoie a refusé de délivrer à Mme B... le titre de séjour demandé et l'a obligée à quitter le territoire national.

5. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version alors en vigueur: " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre-public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ; 2. Il ne peut y avoir d'ingérence dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

6. D'une part, il ressort de la fiche de renseignements datée du 27 juillet 2020, que Mme B... a présenté une demande de titre de séjour sur le seul fondement de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet de la Haute-Savoie n'ayant, par ailleurs, pas examiné d'office le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions est inopérant et doit être écarté. D'autre part, alors que l'appelante ne justifie pas de son intégration sur le territoire national, son entrée en France, le 17 février 2020, est très récente. Par ailleurs, les efforts engagés pour accompagner sa fille pourront se poursuivre au Maroc, où résident son époux et son autre enfant. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision de refus de séjour en litige n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Elle n'a ainsi pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. Aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La commission [du titre de séjour] est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer (...) une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 (...) ". Il résulte de ce qui a été dit que Mme B... ne remplissait pas les conditions pour obtenir un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, le préfet n'était pas tenu de consulter la commission du titre de séjour avant de lui opposer un refus.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 16 mai 2023, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

M. Gilles Fédi, président assesseur,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 mai 2023.

Le rapporteur,

Gilles Fédi

Le président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Sandra BertrandLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY03331


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY03331
Date de la décision : 31/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: M. Gilles FEDI
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : BLANC

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-05-31;21ly03331 ?
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