La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/05/2023 | FRANCE | N°20LY02820

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 31 mai 2023, 20LY02820


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société à responsabilité limitée Domaine Thomas Morey a demandé au tribunal administratif de Dijon :

1°) d'annuler la décision du 29 novembre 2018, par laquelle l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer FranceAgriMer a fixé le montant du solde de l'aide octroyée, en tant qu'elle procède à une réfaction de cette aide ;

2°) d'annuler la décision du 12 juin 2019 par laquelle l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer FranceAgriMer a re

jeté son recours gracieux ;

3°) à titre principal, de condamner l'établissement national d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société à responsabilité limitée Domaine Thomas Morey a demandé au tribunal administratif de Dijon :

1°) d'annuler la décision du 29 novembre 2018, par laquelle l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer FranceAgriMer a fixé le montant du solde de l'aide octroyée, en tant qu'elle procède à une réfaction de cette aide ;

2°) d'annuler la décision du 12 juin 2019 par laquelle l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer FranceAgriMer a rejeté son recours gracieux ;

3°) à titre principal, de condamner l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer FranceAgriMer à lui verser la somme de 6 016 euros ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre à l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer FranceAgriMer de procéder à une nouvelle instruction de la demande de liquidation de l'aide octroyée ;

5°) de mettre à la charge de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer FranceAgriMer une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1902147 du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision du 29 novembre 2018, par laquelle l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer FranceAgriMer a fixé le montant du solde de l'aide octroyée à la SARL Domaine Thomas Morey en tant qu'elle procède à une réfaction de cette aide mais a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 septembre 2020 et le 3 février 2022, la SARL Domaine Thomas Morey, représentée par la société civile professionnelle Desilets, Robbe, Roquel, agissant par Me Robbe, demande à la cour :

1°) d'annuler partiellement le jugement du tribunal administratif de Dijon du 7 juillet 2020 ;

2°) de confirmer le jugement, en ce qu'il annule la décision du 29 novembre 2018 de l'Etablissement FranceAgrimer ;

3°) d'annuler la décision du 12 juin 2019 par laquelle l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer FranceAgriMer a rejeté son recours gracieux ;

4°) de condamner FranceAgriMer à lui verser la somme de 6 016 euros ;

5°) à, défaut de condamnation, d'ordonner à FranceAgriMer de procéder à une nouvelle instruction de la demande de liquidation de l'aide octroyée ;

6°) de mettre à la charge de FranceAgriMer une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la délégation de compétence dont se prévaut l'administration au profit de M. C... est vague et imprécise ;

- c'est à tort que le tribunal administratif de Dijon a refusé de faire droit à la demande d'annulation dirigée contre la décision du 12 juin 2019 ;

- la décision du 12 juin 2019 est illégale par la voie de l'exception de l'illégalité de la décision du 30 décembre 2015 du directeur général de FranceAgriMer dont l'auteur est incompétent et qui est entachée d'une rétroactivité illégale ;

- la décision du 12 juin 2019 est entachée d'erreur de droit dès lors que la tardiveté de l'émission de la facture par l'entreprise Ribeiro De Melo et Fils ne lui est pas imputable et qu'il n'a pas été tenu compte des diligences qu'elle a accomplies.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 7 janvier 2022 et le 2 mars 2022, l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer FranceAgriMer, représenté par Me Alibert :

1°) conclut au rejet de la requête ;

2°) demande qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la SARL Domaine Thomas Morey sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens présentés par la requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 4 février 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 4 mars 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la décision n° INTV-GPASV-2015-80 du 30 décembre 2015 du directeur général de FranceAgriMer ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Fédi, président-assesseur,

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me Goirand, représentant la société à responsabilité limitée Domaine Thomas Morey, et celles de Me Alibert, représentant l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer FranceAgriMer ;

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) Domaine Thomas Morey, dont l'activité est la culture de la vigne à Chassagne-Montrachet, a déposé au début de l'année 2015 un dossier de demande d'aide communautaire aux investissements vitivinicoles auprès de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer FranceAgriMer, dont l'objet était la rénovation de la cuverie, la création d'une cuverie complémentaire, d'une cave, d'un laboratoire, d'une salle de dégustation et de locaux techniques et sociaux, et enfin l'acquisition de matériels d'équipement pour la cuverie. Par une décision d'éligibilité du 28 juillet 2015, le directeur général de FranceAgriMer a accordé une aide d'un montant maximal de 182 001,30 euros à la SARL, qui a bénéficié d'une avance d'un montant de 91 000,64 euros. Par une lettre du 29 novembre 2018, FranceAgriMer a procédé à une réfaction du montant du solde de l'aide, en le fixant à la somme 84 984,66 euros, au motif du paiement d'une facture, plus de deux mois après la date limite de réalisation des travaux. Par une décision explicite du 12 juin 2019, FranceAgriMer a rejeté le recours gracieux présenté, le 12 décembre 2018, par la société. Le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision du 29 novembre 2018, mais a rejeté le surplus des conclusions de la requête. La SARL Domaine Thomas Morey fait appel du jugement du 7 juillet 2020 en tant d'une part, qu'il n'a pas fait droit à sa demande d'annulation de la décision du 12 juin 2019, d'autre part, qu'il a rejeté sa demande de condamnation de l'établissement public à lui verser la somme ayant fait l'objet de la réfaction.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Par une décision n° FranceAgriMer/Direction/2019/01 du 8 février 2019, régulièrement publiée au bulletin officiel du ministère de l'agriculture et de l'alimentation du 14 février 2019, la directrice générale de FranceAgriMer a donné délégation de signature à M. E... C..., directeur Interventions pour les actes relevant des attributions de la direction Interventions et dans la limite de 150 000 euros pour tous les actes relatifs au fonctionnement de la direction " Interventions " pris sur le budget national. La décision de rejet du recours gracieux en date du 12 juin 2019, qui n'est pas une mesure de récupération d'une aide indûment perçue mais une décision relative au versement du solde d'une aide à la suite d'une avance précédemment versée, est au nombre de ces actes. Par suite, le moyen, au demeurant inopérant, tiré de l'absence de précision de la délégation de signature de M. C... pour signer cette décision, manque en fait, et doit, en tout état de cause, être écarté.

3. Lorsqu'une décision administrative prise illégalement donne lieu à un recours administratif ne constituant pas un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux et que l'autorité saisie de ce recours prend légalement une décision expresse par laquelle elle maintient la mesure contestée, la décision initiale ne se trouve pas régularisée. La décision prise sur le recours administratif a seulement pour effet de permettre l'application de la mesure à compter de la date à laquelle cette décision entre en vigueur. En l'espèce, contrairement à ce qui est soutenu, la décision critiquée du 12 juin 2019, qui est suffisamment motivée, prise en réponse au recours gracieux du 12 décembre 2018, a eu pour objet de régulariser, pour l'avenir, le vice dont était entachée la décision illégale du 29 novembre 2018, laquelle a disparu de l'ordonnancement juridique. Par suite, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que c'est tort que le tribunal administratif de Dijon, qui aurait dû procéder à une annulation par voie de conséquence, a refusé de faire droit à la demande d'annulation dirigée contre la décision du 12 juin 2019.

4. Par une décision n° FranceAgriMer/Direction/2015/03 du 23 novembre 2015, le directeur général de FranceAgriMer a donné délégation de signature à Mme B... D..., en cas d'absence ou d'empêchement de M. F... A..., directeur Interventions, à l'effet de signer les actes relevant de la direction Interventions. Par suite, le moyen, présenté par la voie de l'exception de l'illégalité de la décision n° INTV-GPASV-2015-80 du 30 décembre 2015, tiré de l'insuffisante précision de la compétence de sa signataire, qui manque en fait, doit être écarté.

5. Aux termes de l'article 5.6 de la décision INTV-GPASV-2015-80 du 30 décembre 2015, modifiant la décision FILT/SEM/D-2013-76 du 4 décembre 2013 : " On entend par date de fin de travaux la date d'émission de la dernière facture présentée dans le cadre de la demande de versement du solde de l'aide. / Pour les dossiers de type approfondi, les travaux prévus doivent être réalisés dans les 2 années suivant la date de signature du courrier de notification de l'aide (...) / À la date limite de réalisation des travaux, toutes les factures doivent être émises. L'émission des factures (c'est-à-dire la date de facturation) au delà du délai de réalisation des travaux rend la tranche fonctionnelle inéligible sauf si les dépenses correspondantes hors délai représentent moins de 5 % de la tranche en question. Pour être éligibles à l'aide à l'investissement, les factures doivent être acquittées au plus tard 2 mois après la date limite de réalisation des travaux (telle que définie à cet article) et enregistrées en comptabilité. L'acquittement au-delà du délai de 2 mois suivant la date limite de réalisation des travaux ou le non acquittement rend la facture concernée intégralement non éligible à l'aide, sauf si la part acquittée hors délai ou non acquittée est inférieure ou égale à 5 % du montant TTC (sous réserve de l'émission des factures dans les délais prescrits et du respect de la date de fin des travaux). ".

6. En l'espèce, s'il est constant que par décision du 12 août 2015, une avance de 91 000,64 euros a été versée à la SARL Domaine Thomas Morey, ce n'est que le 5 octobre 2017 qu'elle a présenté sa demande de paiement du solde de l'aide attribuée, soit postérieurement à l'entrée en vigueur de la décision du 30 décembre 2015. Par suite, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que les dispositions précitées de la décision du 30 décembre 2015 auraient un caractère rétroactif.

7. Ensuite, pour établir qu'elle aurait réalisé les diligences visant à s'assurer de l'émission par la société prestataire de la facture des travaux réalisés, avant la date du 28 juillet 2017, correspondant au délai de deux années prévu pour réaliser les travaux, suivant la date de signature du courrier de notification de l'aide, l'appelante borne à produire un seul message électronique du 24 juillet 2017, émanant du cabinet Aprym à destination du cabinet d'architecture en charge du suivi de travaux, précisant la nécessité de dater les factures avant le 28 juillet 2017, mais qui ne permet pas de démontrer que la société aurait respecté la règle, fixée par la décision du 30 décembre 2015 du directeur général de FranceAgriMer, qui prévoit que les factures doivent être acquittées au plus tard deux mois après la date limite de réalisation des travaux. Les circonstances que la société prestataire avait réalisé les travaux dès le 13 juillet 2017 et que l'établissement de la facture finale, le 4 octobre 2017, résulte d'un oubli, sont sans influence sur la légalité de l'acte.

8. Il résulte de tout ce qui précède, que la SARL Domaine Thomas Morey n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions, tendant à la condamnation de FranceAgriMer à lui verser la somme de 6 016 euros et à, défaut de condamnation, à ce qu'il soit ordonné à l'établissement public de procéder à une nouvelle instruction de la demande de liquidation de l'aide octroyée, ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de FranceAgrimer, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par la SARL Domaine Thomas Morey. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SARL Domaine Thomas Morey une somme de 1 000 euros à verser à FranceAgrimer, au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Domaine Thomas Morey est rejetée.

Article 2 : La SARL Domaine Thomas Morey versera à FranceAgrimer une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Domaine Thomas Morey et à l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer FranceAgriMer.

Délibéré après l'audience du 16 mai 2023, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

M. Gilles Fédi, président-assesseur,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 mai 2023.

Le rapporteur,

Gilles FédiLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 20LY02820


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY02820
Date de la décision : 31/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Agriculture et forêts - Exploitations agricoles - Aides de l’Union européenne.

Communautés européennes et Union européenne - Règles applicables - Politique agricole commune.

Communautés européennes et Union européenne - Litiges relatifs au versement d`aides de l’Union européenne.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: M. Gilles FEDI
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : CABINET GOUTAL et ALIBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-05-31;20ly02820 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award