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25/05/2023 | FRANCE | N°21LY02161

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 25 mai 2023, 21LY02161


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La commune de Vezinnes a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler le titre exécutoire émis le 2 décembre 2019 par le maire de Tonnerre en recouvrement de la somme de 7879,09 euros correspondant à sa contribution aux frais de construction du nouveau centre de secours de Tonnerre.

Par jugement n° 2000284 du 29 avril 2021, le tribunal a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires enregistrés le 1er juillet 2021, le 23 décembre 2022 et le

1er février 2023, la commune de Tonnerre, représentée par Me Néraud, demande à la cour d'ann...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La commune de Vezinnes a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler le titre exécutoire émis le 2 décembre 2019 par le maire de Tonnerre en recouvrement de la somme de 7879,09 euros correspondant à sa contribution aux frais de construction du nouveau centre de secours de Tonnerre.

Par jugement n° 2000284 du 29 avril 2021, le tribunal a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires enregistrés le 1er juillet 2021, le 23 décembre 2022 et le 1er février 2023, la commune de Tonnerre, représentée par Me Néraud, demande à la cour d'annuler ce jugement, de rejeter la demande de la commune de Vezinnes et de mettre à la charge de celle-ci la somme de 2000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il est insuffisamment motivé quant aux raisons justifiant que la solution diffère de celle retenue dans les instances précédentes et dès lors que le tribunal s'est fondé sur un moyen qui n'avait pas été invoqué par la commune de Vezinnes, sans qu'il ait soulevé un moyen d'ordre public, en méconnaissance des exigences de la procédure contradictoire et des droits de la défense ;

- c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur la circonstance que la participation ne pouvait porter sur les années 2015 à 2025, dès lors que la somme appelée correspondait à l'ensemble de la participation que la commune de Vezinnes s'était engagée à verser au titre de la durée de remboursement du prêt ;

- les premiers juges ont méconnu l'autorité de chose jugée dans les précédentes instances ;

- les dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ne sont pas applicables aux relations entre personnes morales de droit public ;

- en tout état de cause, le titre comporte le nom, le prénom et la qualité du signataire ainsi que la signature de ce dernier ;

- il est suffisamment motivé et comportait l'exposé des bases de liquidation ;

- la convention conclue en 2004 justifie l'émission du titre ;

- dès lors que la convention précisait suffisamment les obligations incombant aux parties, elle ne méconnaît pas l'article 1163 du code civil ;

- le changement de terrain d'assiette et les modifications successives du projet d'investissement n'ont pas eu pour effet d'entraîner la caducité de la convention dès lors que celle-ci ne prévoyait aucun terme ni terrain d'assiette précis et que le projet adopté est conforme aux prévisions de la convention ;

- la créance est certaine et exigible eu égard à la matérialisation du projet lequel s'est concrétisé par la souscription d'un emprunt et la construction du centre ;

- le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 5216-5, L. 5214-16 et L. 5215-26 du code général des collectivités territoriales est inopérant dès lors que ces dispositions ne s'appliquent qu'aux communautés d'agglomération, communautés de communes et communauté urbaines ;

- l'article L. 5221-1 du code général des collectivités territoriales qui permet aux communes de passer entre elles des conventions à l'effet d'entreprendre ou de conserver à frais communs des ouvrages ou des institutions d'utilité commune l'autorisait à prendre le titre litigieux ;

- les dispositions des articles L. 1424-35 et R. 1424-30 du code général des collectivités territoriales ne font pas obstacle à l'émission du titre litigieux ;

- le tableau de répartition annexé au titre ne comporte aucune erreur quant au montant et modalités de calcul de la somme due ;

- la créance n'est pas prescrite dès lors que le remboursement de l'emprunt souscrit n'est pas achevé ;

- le principe d'annualité budgétaire n'interdit pas la souscription d'engagements pluriannuels ;

- l'article 72 de la Constitution ne fait pas obstacle à la conclusion de conventions entre communes ;

- le principe d'égalité n'est pas méconnu ;

Par des mémoires enregistrés le 8 octobre 2021 et le 13 janvier 2023, la commune de Vezinnes, représentée par Me Rothdiener, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Tonnerre la somme de 2500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est suffisamment motivé ;

- le moyen d'annulation retenu, tiré du non-respect des conditions auxquelles l'octroi des subventions prévues par la convention de 2004 étaient subordonnées, avait été soulevé ; le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire doit être écarté ;

- ce moyen est fondé dès lors que la convention ne prévoyait qu'une participation annuelle et non globale ;

- la demande était suffisamment motivée ;

- les dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ont été méconnues dès lors que manquent la mention de la commune du maire signataire et la signature de ce dernier ;

- le titre exécutoire ne comporte pas les bases de la liquidation et est, de ce fait, entaché d'un défaut de motivation ;

- la convention, qui ne précise pas suffisamment les montants à verser, est nulle si bien que le titre est dépourvu de base légale ;

- cette convention doit être regardée comme un simple accord de principe ;

- la convention est devenue caduque compte tenu des modifications affectant le territoire, la démographie, le terrain d'implantation, la renonciation du département à apporter son concours et l'augmentation du coût du projet ;

- eu égard à l'absence de précision du montant de la participation, la créance de la commune de Tonnerre n'est pas certaine et exigible ;

- la commune de Tonnerre ne pouvait réclamer une participation financière dans le cadre d'un fonds de concours dès lors que de tels fonds sont réservés aux relations entre les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, et par dérogation la ville de Marseille, et les communes qui en sont membres ;

- l'article L. 5221-1 du code général des collectivités territoriales ne peut justifier légalement la convention dès lors qu'elle ne concerne que l'exercice par les communes de leurs attributions ;

- la commune de Tonnerre ne peut, en tout état de cause, être destinataire de fonds de concours pour financer l'équipement litigieux, dès lors qu'elle n'exerce pas la maîtrise d'ouvrage du centre ;

- seul le syndicat départemental d'incendie et de secours, en sa qualité de maître d'ouvrage, pouvait solliciter des fonds de concours pour la construction d'un centre de secours ;

- la convention de 2004 méconnaît le principe d'annualité budgétaire ;

- en lui imposant une participation financière pour un projet non précisé, la commune de Tonnerre doit être regardée comme ayant porté une atteinte disproportionnée à la libre administration des communes et aux dispositions des articles 72 et 72-2 de la Constitution ;

- cette participation traduit une rupture manifeste de l'égalité entre les communes pour le financement du centre de secours ;

- c'est à tort que la participation inclut la somme de 67 247,78 euros au titre des travaux de viabilisation alors que le tableau des dépenses fait état de 55 367,78 euros ; en outre cette somme n'est pas à entendre hors taxe mais toutes taxes comprises ;

- dès lors que la commune de Tonnerre s'était engagée à assumer le coût d'acquisition du terrain, elle ne pouvait intégrer ce coût dans l'assiette du titre exécutoire en litige ; elle ne pouvait pas davantage inclure dans l'assiette de la contribution sa propre quote-part de participation aux dépenses, soit 282 521,70 euros ;

- le montant des travaux d'amenée de réseaux réalisés par l'entreprise ETPB s'élève à 35 979 euros HT et non 43 174,80 euros HT comme retenu par la commune ;

- une des parcelles acquises n'a pas été utilisée pour le projet ;

- la créance est prescrite dès lors que le délai de prescription expirait, en l'espèce, le 31 décembre 2008.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Evrard, présidente-assesseure ;

- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public ;

- et les observations de Me Néraud pour la commune de Tonnerre, et celles de Me Rothdiener pour la commune de Vezinnes.

Considérant ce qui suit :

1. Pour la construction d'un centre de secours à Tonnerre (Yonne), la commune de Tonnerre a conclu en 2004, avec chacune des communes de Bernouil, Cheney, Collan, Dannemoine, Dye, Epineuil, Junay, Melisey, Molosmes, Roffey, Saint-Martin, Serrigny, Tanlay, Tissey, Tronchoy, Vezannes, Vezinnes, Viviers et Yrouerre, une convention par laquelle ces collectivités s'engageaient à contribuer à la construction de ce centre par le versement d'une participation annuelle jusqu'au complet remboursement de l'emprunt souscrit par la commune de Tonnerre pour le financement du terrain, des voieries et des réseaux divers et de 15 % du coût de la construction du centre. Le maire de Tonnerre a, en exécution de la convention de 2004, émis, à l'ordre de la commune de Vezinnes, des titres exécutoires datés des 7 octobre 2016, 5 septembre 2018 et 26 septembre 2018, annulés par jugement du tribunal administratif de Dijon du 28 juin 2019, devenu définitif. Le 2 décembre 2019, le maire de Tonnerre a émis un nouveau titre exécutoire constituant la commune de Vezinnes débitrice de la somme de 7 879,09 euros au titre de sa contribution au centre de secours de Tonnerre. La commune de Tonnerre relève appel du jugement du 29 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Dijon a annulé ce titre exécutoire.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. L'unique moyen sur lequel les premiers juges ont fondé leur décision d'annulation était tiré de ce que la commune de Tonnerre ne pouvait prendre en compte, pour le calcul de la participation à recouvrer, l'intégralité du coût de l'emprunt souscrit par la commune de Tonnerre en 2015 pour une durée de dix ans, dès lors que cet emprunt n'était pas entièrement remboursé à la date d'émission du titre. Ce moyen, qui n'est pas d'ordre public, n'était pas invoqué par la commune de Vezinnes. Les premiers juges, en soulevant d'office un tel moyen, ont entaché leur jugement d'irrégularité. Il s'ensuit que le jugement n° 2000284 du 29 avril 2021 doit être annulé.

3. Il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la commune de Vezinnes devant le tribunal administratif de Dijon.

Sur le fond du litige :

En ce qui concerne la régularité du titre :

4. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur, ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ". Les titres exécutoires émis par les personnes publiques doivent, en vertu de ces dispositions, être signés et comporter les prénom, nom et qualité de leur auteur. Toutefois, il résulte des articles L. 100-1 et L. 100-3 du code des relations entre le public et l'administration que les dispositions de ce code ne s'appliquent pas, sauf exception, aux relations entre personnes morales de droit public. L'article L. 212-1 précité, qui ne relève d'aucune exception de ce code, n'est ainsi pas applicable aux relations entre personnes publiques. Dès lors, le moyen tiré de sa méconnaissance ne peut qu'être écarté comme inopérant.

5. En second lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 susvisé : " Toute créance liquidée faisant l'objet (...) d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation (...) ". Il résulte de ces dispositions que tout état exécutoire doit indiquer les bases de la liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il est émis et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde, soit dans le titre lui-même, soit par référence précise à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur.

6. Il résulte de l'instruction que le titre exécutoire émis le 2 décembre 2019 à l'encontre de la commune de Vezinnes indique la nature, le montant et l'origine de la créance et renvoie expressément, pour les bases de liquidation, à des documents joints en annexe à ce titre, lesquels consistent en des états mentionnant, pour l'acquisition de la propriété foncière, pour les travaux de viabilisation et pour les opérations de construction du centre de secours, la nature des dépenses, leur date et leur montant, tel que facturé, et en un tableau répartissant ce coût entre les communes concernées compte tenu de leur population selon l'indice INSEE 1999. Etaient enfin annexées à ce titre la convention conclue entre Vezinnes et Tonnerre le 19 juillet 2004 et la délibération du conseil municipal de la commune de Vezinnes autorisant sa signature. Dans ces conditions, la commune de Vezinnes a été suffisamment informée des bases de la liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle le titre exécutoire contesté a été émis et des éléments de calcul sur lesquels il se fondait. Le moyen tiré de l'irrégularité du titre exécutoire litigieux doit, ainsi, être écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé de la créance :

S'agissant de l'exception de nullité de la convention :

7. Les créances qui donnent lieu à l'émission de titres exécutoires peuvent trouver leur cause dans les dispositions d'une loi, d'un règlement, ou d'une décision de justice ou dans les obligations contractuelles ou quasi-délictuelles du débiteur. Pour contester le bien-fondé de la créance, la commune de Vezinnes excipe de la nullité du contrat qu'elle a conclu avec la commune de Tonnerre.

8. A cet égard, les parties à un contrat administratif peuvent, à l'occasion d'un litige né de l'exécution de ce contrat, exciper de la nullité du contrat qui les lie. Il appartient alors au juge, lorsqu'il constate l'existence d'irrégularités, d'en apprécier l'importance et les conséquences, après avoir vérifié que les irrégularités dont se prévalent les parties sont de celles qu'elles peuvent, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, invoquer devant lui. Il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité commise et en tenant compte de l'objectif de stabilité des relations contractuelles, soit de décider que l'exécution du contrat doit prévaloir en appliquant ses clauses pour régler le litige, soit d'en constater la nullité, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, eu égard au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement.

9. La convention conclue le 19 juillet 2004 entre les communes de Tonnerre et de Vezinnes, après avoir rappelé la nécessité de financer l'acquisition du terrain du centre de secours, la réalisation des voieries et réseaux et 15 % du coût de la construction, puis mentionné la décision des communes comprises dans le périmètre d'intervention de ce centre de participer à la dépense et enfin visé la délibération adoptée en ce sens par le conseil municipal de Vezinnes stipule que la commune de Vezinnes s'engage à contribuer à la construction du centre jusqu'au complet remboursement de l'emprunt contracté par la commune de Tonnerre pour financer l'acquisition du terrain, la réalisation des voieries et réseaux divers et 15 % de la construction du centre. La contribution doit être calculée au prorata de sa population telle qu'elle résulte du recensement INSEE de 1999, la dépense correspondante étant qualifiée d'obligatoire.

10. En premier lieu, eu égard à ses termes, et compte tenu notamment de l'engagement ferme exprimé à l'article 4 sur l'inscription de la dépense au budget, cette convention ne peut être regardée comme formalisant un simple accord de principe. L'obligation de la commune de Vezinnes était dès lors, à la date de la conclusion de la convention, déterminable, dans son objet, son étendue et sa durée. Dans ces conditions, l'invocation de la nullité de la convention en raison de la méconnaissance des conditions émises par l'article 1163 du code civil ne peut qu'être écartée.

11. En deuxième lieu, les stipulations de la convention du 19 juillet 2004 ont vocation à s'appliquer sans préjudice des dispositions des articles L. 1424-35 et R. 1424-30 du code général des collectivités territoriales définissant les modalités de la contribution obligatoire des communes au budget du service départemental d'incendie et de secours, dès lors que cette convention a pour seul objet de régler entre communes signataires une participation additionnelle à leur contribution éventuelle au budget du service départemental d'incendie et de secours de l'Yonne résultant de l'application des articles L. 1424-35 et R. 1424-30.

12. En troisième lieu, les modalités de participation de la commune de Tonnerre aux missions et au financement du service départemental d'incendie et de secours de l'Yonne sont sans incidence sur l'obligation contractée par la commune de Vezinnes. L'invocation de la méconnaissance, par la commune de Tonnerre, des articles 2 et 3 de la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'œuvre privée est, par suite, inopérante.

13. En quatrième lieu, la convention du 19 juillet 2004 a pour objet le financement d'un ouvrage public. La participation qu'elle prévoit ne constitue ainsi ni une subvention, régime de contribution dont le bénéficiaire doit être une personne privée, ni un fonds de concours versé par un établissement public de coopération intercommunale. Par suite, l'invocation de la méconnaissance des articles L. 5216-5, L. 5214-16 et L. 5215-26 du code général des collectivités territoriales relatifs à l'attribution des fonds de concours entre communauté urbaine et communes membres doit être écartée comme inopérante.

14. En cinquième lieu, il résulte de l'instruction que la participation de la commune de Vezinnes trouve son fondement dans le contrat qu'elle a conclu avec la commune de Tonnerre, le 19 juillet 2004, et non dans une entente avec des communes, établissements publics de coopération intercommunale ou syndicats mixtes pour exercer des missions par la voie d'une coopération. L'invocation de la méconnaissance de l'article L. 5221-1 du code général des collectivités territoriales relatives aux ententes entre communes ou établissements publics de coopération intercommunale est, par suite, inopérante.

15. En dernier lieu, alors que la participation mise à sa charge trouve uniquement son fondement dans la convention qu'elle a conclue avec la commune de Tonnerre, la commune de Vezinnes ne saurait utilement se prévaloir d'une rupture d'égalité entre communes selon qu'elles auraient contesté ou pas les titres exécutoires émis les 7 octobre 2016, 5 septembre 2018 et 26 septembre 2018. Par ailleurs, la commune de Vezinnes, qui n'avait fixé aucun plafond de financement dans le cadre de la convention qu'elle a conclue avec la commune de Tonnerre, est placée dans une situation différente, notamment, de la commune de Tronchoy, qui a limité contractuellement sa participation à 363 euros par an. Dès lors, ces communes étaient placées, du fait des engagements distincts qu'elles ont contractés, dans des situations différentes. Par suite, et alors qu'elle avait la faculté de fixer des limites à son engagement, la commune de Vezinnes n'est pas fondée à se prévaloir d'une rupture du principe d'égalité entre collectivités pour se soustraire à ses engagements.

16. Il suit de là que le moyen tiré de l'illicéité de l'objet de ladite convention doit être écarté en toutes ses branches et qu'il y a lieu d'entrer en voie d'examen des clauses de la convention pour juger le litige.

S'agissant de l'exécution de la convention :

17. En premier lieu, la convention du 19 juillet 2004 ne prévoit ni clause de caducité ni clause résolutoire, ni plafonnement de la contribution autre que celui qui résulte de la population recensée en 1999. L'extinction des obligations contractées ne peut ainsi provenir que de l'abandon du projet à financer ou de la perte d'utilité publique du projet à la suite de la réalisation d'un projet alternatif. A cet égard, si le terrain d'assiette du centre n'a été acquis que le 28 janvier 2012, soit huit ans après la conclusion de la convention, et que les travaux n'ont été achevés qu'en 2015, le projet de centre de secours sur le territoire de Tonnerre susceptible, eu égard à sa situation géographique, de desservir l'ensemble des communes contributrices, n'a pas été modifié et n'a pas perdu son caractère d'utilité publique. Les circonstances invoquées par la commune de Vezinnes, tirées de l'écoulement de quinze années entre la conclusion de la convention et l'émission du titre exécutoire, de ce que plusieurs sites d'implantation ont été successivement envisagés puis abandonnés, de la modification du nombre d'habitants de certaines des communes contributrices, de la caducité, le 31 décembre 2016, d'une dotation accordée par le département de l'Yonne à ces communes et de l'augmentation du coût total du projet, lequel, estimé à 1 800 000 euros en 2003, a été évalué à 2 743 694,58 euros en 2017, ne sont pas de nature à remettre en cause l'engagement financier, limité à 7 879,09 euros, de la commune de Vezinnes, ni par voie de conséquence, à emporter la caducité de la convention.

18. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que, pour calculer le montant de la participation litigieuse, la commune de Tonnerre s'est fondée sur le montant total des dépenses d'acquisition du terrain d'assiette du centre, de création des voieries et réseaux divers et sur une somme équivalent à 15 % des travaux de construction, soit au total 504 982,21 euros. Elle a ensuite réparti le montant total de ces dépenses entre les dix-neuf communes ayant présenté l'offre de concours et elle-même, au prorata de la population de chacune d'entre elles selon l'indice INSEE 1999. La participation mise à la charge de la commune de Vezinnes a ainsi été fixée à 7 879,09 euros.

19. La commune de Tonnerre a ainsi retenu les frais d'acquisition du terrain d'un montant de 162 468,03 euros, des dépenses de viabilisation de 67 247,78 euros et la somme de 275 266,40 euros, représentant 15 % du montant total des travaux de construction. Contrairement à ce que soutient la commune de Vezinnes, l'assiette de la participation qu'elle s'est engagée à verser n'est pas constituée par le montant de l'emprunt souscrit par la commune de Tonnerre, mais par la somme des dépenses d'acquisition, de viabilisation et une part limitée à 15 % du coût de la construction du centre. La circonstance que l'emprunt souscrit par la commune de Tonnerre se soit élevé à 400 000 euros et non 504 982,21 euros est par suite sans incidence sur le montant de la créance à recouvrer. En répartissant le total des dépenses, soit 504 982,21 euros, entre l'ensemble des communes ayant conclu avec elle une convention, au prorata de leur population, et en y incluant la somme de 282 271,70 euros, qui correspond aux dépenses lui incombant compte tenu de sa population, la commune de Tonnerre s'est bornée à appliquer la règle de répartition qui était fixée par le contrat. En ce qui concerne les frais d'acquisition du terrain, le montant total des dépenses inclut le prix du terrain, soit 150 026, 24 euros, les frais de notaire, soit 11 714, 23 euros et les frais de géomètre, soit 729,56 euros. Il résulte des termes mêmes de la convention du 19 juillet 2004 que ces frais, qui concourent directement à l'acquisition du terrain d'assiette du centre, sont au nombre de ceux auxquels la commune de Vezinnes s'est engagée à contribuer. Il ne résulte pas de l'instruction que, ainsi que la commune de Vezinnes le soutient sans apporter aucune précision ni aucun élément de preuve, la commune de Tonnerre aurait inclus, dans les frais d'acquisition de ce terrain d'assiette, composé des parcelles cadastrées section YT n° 68, 69 et 70, le coût d'acquisition d'une parcelle distincte, cadastrée section YP n° 79, laquelle est étrangère à ce projet. En indiquant que les dépenses de viabilisation incluent les travaux eux-mêmes, pour un montant de 55 367,78 euros, et les frais de la maîtrise d'œuvre, soit 11 880 euros, la commune de Tonnerre n'a entaché la liquidation de la somme à recouvrer d'aucune erreur matérielle. Par ailleurs, il résulte de l'instruction, et, notamment, du décompte général du marché de construction du centre, que les frais de viabilisation ont bien été facturés par la société ETPB pour un montant de 43 174, 80 euros, et non de 35 979 euros comme la commune de Vezinnes le soutient. Enfin, les sommes en cause ont été calculées toutes taxes comprises, et non hors taxes. Dans ces conditions, le maire de Tonnerre a liquidé la créance sur la base de dépenses strictement nécessaires à l'opération et conformes aux stipulations de la convention. Par suite, la commune de Vezinnes n'est pas fondée à soutenir que l'assiette de la participation serait erronée.

20. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que la commune de Tonnerre a souscrit, le 13 août 2015, un emprunt de 400 000 euros d'une durée de dix ans pour le financement de l'opération, que le montant total des dépenses résultant de l'acquisition du terrain, des travaux de voirie et viabilisation et de 15 % de la construction, dûment justifié par la commune de Tonnerre, s'est élevé à 504 982,21 euros et que la participation de chaque commune a été calculée, sur la base de ces dépenses, au prorata du nombre d'habitants en 1999, soit, pour la commune de Vezinnes, 1,56 % de la totalité des habitants des communes concernées. Par ailleurs, le centre de secours que la contribution avait pour objet de financer a été réalisé. La créance présentait ainsi, à la date où le titre exécutoire en litige a été émis, un caractère certain, liquide et exigible. La double circonstance que la participation, qui a été calculée conformément aux stipulations de la convention, a été mise en paiement par la voie d'un titre exécutoire unique et plusieurs années après la conclusion de la convention n'est pas de nature à remettre en cause l'exigibilité de la créance, ainsi qu'il est dit précédemment.

21. En quatrième lieu, la circonstance que la commune de Vezinnes, qui s'est librement engagée à participer au financement du centre de secours de Tonnerre, doive honorer ses engagements n'est que la conséquence du principe de libre administration des collectivités territoriales qui, ainsi, n'a pas été méconnu.

22. En cinquième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 susvisée : " Sont prescrites, au profit (...) des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ". Aux termes de l'article 2 de la loi : " La prescription est interrompue par : Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement ".

23. Il résulte de l'instruction, et, notamment, des termes de la convention du 19 juillet 2004, que la commune de Vezinnes s'est engagée à contribuer aux frais de création du centre de secours de Tonnerre durant la durée d'amortissement du prêt souscrit par la commune de Tonnerre. Le fait générateur de la créance est ainsi constitué par la souscription de ce prêt, le 13 août 2015. Le délai de prescription, qui a couru à compter du 1er janvier de l'année 2016, qui a suivi l'année au cours de laquelle est survenu ce fait générateur, a été interrompu par l'émission de titres exécutoires, les 7 octobre 2016, 5 septembre 2018 et 26 septembre 2018, lesquels ont fait l'objet d'annulations juridictionnelles. Par suite, à la date de l'émission du titre litigieux, le 2 décembre 2019, la créance de la commune de Tonnerre n'était pas prescrite.

24. Il résulte de tout ce qui précède que la demande de la commune de Vezinnes tendant à l'annulation du titre exécutoire émis à son ordre par le maire de Tonnerre, le 2 décembre 2019, doit être rejetée.

Sur les frais liés à l'instance :

25. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Tonnerre, qui n'est pas la partie perdante, la somme demandée par la commune de Vezinnes au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées à ce titre par la commune de Tonnerre.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2000284 du tribunal administratif de Dijon du 29 avril 2021 est annulé.

Article 2 : La demande présentée au tribunal par la commune de Vezinnes, ainsi que les conclusions des parties tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Vezinnes et à la commune de Tonnerre.

Délibéré après l'audience du 4 mai 2023, à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président,

Mme Evrard, présidente assesseure,

Mme Psilakis, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mai 2023.

La rapporteure,

A. EvrardLe président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

M.-Th. Pillet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY02161


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02161
Date de la décision : 25/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Collectivités territoriales - Commune - Finances communales - Dépenses.

Collectivités territoriales - Coopération.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : NERAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-05-25;21ly02161 ?
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