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17/05/2023 | FRANCE | N°22LY03667

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 17 mai 2023, 22LY03667


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C..., Mme D... C... et Mme E... C... ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 22 avril 2022 par lesquelles le préfet de l'Ardèche a refusé de les admettre provisoirement au séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel ils sont susceptibles d'être reconduits d'office et les ont en outre astreints à se présenter une fois par semaine auprès du commissariat de police de Privas
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C..., Mme D... C... et Mme E... C... ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 22 avril 2022 par lesquelles le préfet de l'Ardèche a refusé de les admettre provisoirement au séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel ils sont susceptibles d'être reconduits d'office et les ont en outre astreints à se présenter une fois par semaine auprès du commissariat de police de Privas

Par un jugement 2203733, 2203735 et 2203736 du 18 août 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 15 décembre 2022, M. et Mmes C..., représentés par Me Cadoux, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 18 août 2022 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon.

2°) d'annuler les décisions susmentionnées du 22 avril 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet, à titre principal, de leur délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, et à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de leur situation et de statuer à nouveau sur leur droit au séjour dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, et de leur délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour dans un délai de sept jours à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, au profit de leur conseil, une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à charge pour ce conseil, le cas échéant, de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Ils soutiennent que :

- l'état de santé du fils de M. A... C... et de Mme D... C... nécessite des soins et un suivi pluridisciplinaire dont le défaut entrainerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et il ne pourra en Albanie bénéficier d'une prise en charge médicale adaptée à son état de santé ; ainsi, le préfet a méconnu les dispositions des articles L. 425-9 et L 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a également méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les décisions en litiges sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur leur situation personnelle ;

- les décisions fixant le pays de renvoi méconnaissent l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par décision du 16 novembre 2022, M. et Mmes C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C..., né le 17 septembre 1987 et son épouse Mme D... C..., née le 8 juillet 1990, tous deux de nationalité albanaise, sont entrés en France munis de leurs passeports biométriques valides, le 24 juillet 2021, accompagnés de leur jeune fils B..., ainsi que de Mme E... C..., mère de M. C..., née le 2 octobre 1956, également ressortissante albanaise. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 21 décembre 2021. M A... C... et Mme D... C... ont par ailleurs sollicité le 24 septembre 2021 des autorisations provisoires de séjour en raison de l'état de santé de leur fils, B..., né le 29 novembre 2010. Par décisions du 22 avril 2022, le préfet de l'Ardèche a refusé de les admettre provisoirement au séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel ils sont susceptibles d'être reconduits d'office et les ont en outre astreints à se présenter une fois par semaine auprès du commissariat de police de Privas. M. et Mmes C... relèvent appel du jugement du 18 août 2022 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces décisions du 22 avril 2022.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. / Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. / Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9. ". Aux termes de l'article L. 425-9 du même code : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".

3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de destination, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tout élément permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de destination. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

4. Dans son avis du 24 janvier 2022, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que si l'état de santé du fils des requérants nécessite une prise en charge médicale, le défaut d'une telle prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Les requérants font valoir que leur fils souffre d'une pathologie neurologique entraînant des difficultés de langage et des comportements graves et nécessitant une surveillance constante et une prise en charge médicale pluridisciplinaire et qu'il est suivi à ce titre par le service de neuropédiatrie de l'Hôpital de Valence. Toutefois, les documents qu'ils produisent extraits du site du Gouvernement canadien relatif aux conseils aux voyageurs en Albanie ainsi que d'un article du courrier des Balkans de 2017 intitulé " Albanie : le système de soins le plus inégalitaire d'Europe ", de par leur caractère trop général ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les décisions de refus d'admission au séjour auraient été prises en méconnaissance des dispositions précitées des articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. Aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ".

7. D'une part, il ressort des pièces du dossier que les requérants sont en France depuis moins d'un an et qu'il n'existe aucun obstacle à ce que la famille puisse se reconstituer en Albanie. D'autre part, les décisions litigieuses n'ont ni pour objet ni pour effet de séparer les requérants de leur fils dès lors qu'ils peuvent tous trois repartir en Albanie pour y poursuivre leur vie et que, comme il a été dit, il n'est pas établi que le défaut d'une prise en charge médicale aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés. Pour les mêmes motifs les décisions attaquées ne sont pas entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle de la famille des requérants.

8. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ", lequel stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

9. Si les requérants soutiennent qu'ils ont été contraints de fuir l'Albanie en raison des persécutions et violences graves qu'ils ont subies sans pouvoir bénéficier de la protection de l'Etat, ils n'apportent aucun élément probant pour corroborer leurs allégations. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

10. Il résulte de ce qui précède que M. et Mmes C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions du 22 avril 2022.

11. Par suite, leur requête doit être rejetée, y compris leurs conclusions aux fins d'injonction, ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mmes C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Mme D... C... et à Mme E... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie du présent arrêt en sera adressée au préfet de l'Ardèche.

Délibéré après l'audience du 27 avril 2023 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mai 2023.

La rapporteure,

P. Dèche

Le président,

F. Bourrachot,

La greffière,

A-C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY03667

lc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY03667
Date de la décision : 17/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : CADOUX

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-05-17;22ly03667 ?
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