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17/05/2023 | FRANCE | N°22LY01479

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 17 mai 2023, 22LY01479


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les décisions du 11 janvier 2022 par lesquelles le préfet de la Côte-d'Or lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office.

Par une ordonnance n° 2200738 du 12 avril 2022, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Dijon lui a donné acte du désistement de sa requête.

Procédure devant la cour

Par une requête enregi

strée le 12 mai 2022, M. A..., représenté par Me Desprat, demande à la cour :

1°) de l'admettre a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les décisions du 11 janvier 2022 par lesquelles le préfet de la Côte-d'Or lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office.

Par une ordonnance n° 2200738 du 12 avril 2022, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Dijon lui a donné acte du désistement de sa requête.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 12 mai 2022, M. A..., représenté par Me Desprat, demande à la cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler cette ordonnance du président de la 3ème chambre du président du tribunal administratif de Dijon du 12 avril 2022 ;

3°) d'annuler les décisions susmentionnées du 11 janvier 2022 ;

4°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sous réserve de son admission définitive à l'aide juridictionnelle. Dans le cas où l'aide juridictionnelle ne lui serait pas accordée la somme de 1 200 euros lui serait directement versée.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a considéré qu'il devait être réputé s'être désisté d'office en application de l'article R. 776-12 du code de justice administrative ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- le préfet a méconnu l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en estimant qu'il n'avait plus le droit de se maintenir sur le territoire français ;

- il ne répond à aucun de ses critères légaux permettant le refus de lui octroyer un délai de départ volontaire ;

- en ne justifiant pas explicitement sa décision au regard des critères prévus par l'article L. 613-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet a insuffisamment motivé la décision d'interdiction de retour ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans constitue une mesure disproportionnée ;

- les décisions en litige méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire enregistré le 18 avril 2023, le préfet de la Côte-d'Or conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.

Par décision du 29 juin 2022, la demande d'aide juridictionnelle de M. A... a été rejetée.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure,

- les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., né le 25 mai 1990, de nationalité libyenne est entré irrégulièrement en France, le 17 mai 2015. Il a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 8 juin 2017. Cette décision est devenue définitive en l'absence de recours devant la Cour nationale du droit d'asile. Le 5 novembre 2017, il a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Le 24 août 2020, il a présenté une première demande de réexamen de sa demande d'asile qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 3 septembre 2020. Ce refus a été confirmé par la Cour nationale du droit d'asile, le 20 avril 2021. Le 27 octobre 2021, il a présenté une deuxième demande de réexamen de sa demande d'asile qui a été rejetée, comme irrecevable, par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 29 octobre 2021. Par décisions du 11 janvier 2022, le préfet de la Côte-d'Or lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. M. A... relève appel de l'ordonnance du 12 avril 2022 par laquelle le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Dijon lui a donné acte du désistement de sa requête.

Sur l'admission à l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Par une décision du 29 juin 2022, la demande d'aide juridictionnelle de M. A... a été rejetée. Dans ces conditions, il n'y a plus lieu de statuer sur sa demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

3. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) / 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ;5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ; (...) ". Aux termes de l'article L. 614-6 de ce même code : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas assortie d'un délai de départ volontaire, le président du tribunal administratif peut être saisi dans le délai de quarante-huit heures suivant la notification de la mesure. Il est statué sur ce recours selon la procédure et dans les délais prévus, selon le fondement de la décision portant obligation de quitter le territoire français, aux articles L. 614-4 ou L. 614-5. "

4. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. ". Aux termes de l'article R. 776-1 du même code " Sont présentées, instruites et jugées selon les dispositions du chapitre IV du titre I du livre VI du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 732-8 du même code, ainsi que celles du présent code, sous réserve des dispositions du présent chapitre, les requêtes dirigées contre : 1° Les décisions portant obligation de quitter le territoire français, prévues aux articles L. 241-1 et L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les décisions relatives au séjour notifiées avec les décisions portant obligation de quitter le territoire français ; (...) ". Aux termes du II de l'article R. 776-2 de ce code : " Conformément aux dispositions de l'article L. 614-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification par voie administrative d'une obligation de quitter sans délai le territoire français fait courir un délai de quarante-huit heures pour contester cette obligation et les décisions relatives au séjour, à la suppression du délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour ou à l'interdiction de circulation notifiées simultanément. Cette notification fait courir ce même délai pour demander la suspension de l'exécution de la décision d'éloignement dans les conditions prévues à l'article L. 752-5 du même code. " Aux termes du II de l'article R. 776-5 de ce code : " Les délais de quarante-huit heures mentionnés aux articles R. 776-2 et R. 776-4 et les délais de quinze jours mentionnés aux articles R. 776-2 et R. 776-3 ne sont susceptibles d'aucune prorogation. / Lorsque le délai est de quarante-huit heures ou de quinze jours, le second alinéa de l'article R. 411-1 n'est pas applicable et l'expiration du délai n'interdit pas au requérant de soulever des moyens nouveaux, quelle que soit la cause juridique à laquelle ils se rattachent. / Le requérant qui, dans le délai de quarante-huit heures ou de quinze jours selon les cas, a demandé l'annulation de l'une des décisions qui lui ont été notifiées simultanément peut, jusqu'à la clôture de l'instruction, former des conclusions dirigées contre toute autre de ces décisions. " et aux termes de l'article R. 776-12 de ce code : " Lorsqu'une requête sommaire mentionne l'intention du requérant de présenter un mémoire complémentaire, la production annoncée doit parvenir au greffe du tribunal administratif dans un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle la requête a été enregistrée. Si ce délai n'est pas respecté, le requérant est réputé s'être désisté à la date d'expiration de ce délai, même si le mémoire complémentaire a été ultérieurement produit. Il est donné acte de ce désistement. ".

5. Il ressort des pièces du dossier que l'obligation de quitter le territoire français prononcée à l'encontre de M. A... a été prise sur le fondement des 4° et 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers du droit d'asile, et qu'elle a fait l'objet d'une notification par voie administrative mentionnant les voies et un délai de recours de 48 heures. En application du deuxième alinéa du II de l'article R. 776-5 du code de justice administrative, le second alinéa de l'article R. 411-1 de ce code n'était pas applicable au recours exercé par l'intéressé et l'expiration du délai de 48 heures ne lui interdisait pas de soulever des moyens nouveaux et lui permettait jusqu'à la clôture de l'instruction, de former des conclusions contre toutes les décisions notifiées simultanément à l'obligation de quitter le territoire français. Dans ces conditions, M. A... est fondé à soutenir que les dispositions de l'article R. 776-12 du code de justice administrative n'étaient pas applicables à sa situation et que c'est à tort que l'auteur de l'ordonnance attaquée a retenu qu'il n'avait pas fait parvenir au greffe du tribunal de mémoire complémentaire dans le délai de quinze jours prévu par les dispositions précitées de l'article R. 776-12 du code de justice administrative et a donné acte du désistement de sa demande. Cette ordonnance doit, par suite, être annulée.

6. Il a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif.

Sur la compétence du signataire des décisions attaquées :

7. Par un arrêté du 27 décembre 2021, régulièrement publié le 28 décembre suivant au recueil spécial des actes administratifs n° 21-2021-127 de la préfecture, le préfet de la Côte-d'Or a donné délégation de signature à M. D... B..., directeur de l'immigration et de la nationalité, à l'effet de signer les décisions contestées. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit être écarté.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

8. En premier lieu, la décision contestée comporte la référence aux dispositions des 4° et 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers du droit d'asile qui la fondent. Le préfet y fait aussi mention de ce que le requérant, entré en France le 17 mai 2015, a présenté une demande d'asile ainsi que des demandes de réexamen, qu'il est défavorablement connu des services de police et de justice, ayant fait l'objet d'une condamnation par le tribunal correctionnel de Dijon, le 13 mars 2018, à huit mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits d'agression sexuelle et qu'il s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement. Par suite, cette décision comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui la fonde et est, dès lors, suffisamment motivée, alors même qu'elle ne donne pas de précision sur l'intégration de l'intéressé et sur le fait qu'il a exercé un recours devant la Cour nationale du droit d'asile à l'encontre du rejet par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides de sa dernière demande de réexamen de sa demande d'asile.

9. En deuxième lieu, il ressort des termes mêmes de la motivation de l'obligation de quitter le territoire français en litige qu'elle a été prise après un examen particulier de la situation du requérant, contrairement à ce que dernier soutient.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " En l'absence de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin à la notification de cette décision. Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci. ". Aux termes de l'article L. 542-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 542-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin : (...) 2° Lorsque le demandeur : (...) c) présente une nouvelle demande de réexamen après le rejet définitif d'une première demande de réexamen ; (...). Les dispositions du présent article s'appliquent sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. ".

11. Il ressort des termes de la décision attaquée que M. A... a présenté le 24 août 2020 une première demande de réexamen de sa demande d'asile, demande qui été rejetée comme irrecevable par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, par une décision du 3 septembre 2020. La nouvelle demande présentée par M. A..., le 27 octobre 2021 constituant ainsi une deuxième demande de réexamen, il doit être regardé comme entrant dans les prévisions du c) du 2° de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité. Le droit de M. A... de se maintenir sur le territoire français ayant pris fin lors de cette deuxième demande de réexamen et l'intéressé n'établissant pas encourir des risques de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine, le préfet était en droit de prendre à son encontre une décision portant obligation de quitter le territoire français, alors qu'il n'avait pas encore été statué sur le recours qu'il avait exercé devant la Cour nationale du droit d'asile, à l'encontre de cette dernière décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Par suite, les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation et de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peuvent qu'être écartés.

12. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "

13. Il ressort des pièces du dossier que l'intéressé est célibataire et sans charge familiale en France, alors qu'il ne justifie pas ne plus avoir de famille en Libye où réside sa mère. Depuis son arrivée en France, l'intéressé a, en outre, été condamné par le tribunal correctionnel de Dijon, le 13 mars 2018, à huit mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits d'agression sexuelle. Dans ces conditions, la décision en litige ne peut être regardée comme ayant porté, eu égard aux buts qu'elle poursuit, une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale et, par suite, n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la légalité de la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :

14. Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. (...) ". L'article L. 612-2 du même code précise que : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) ; 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Enfin, selon l'article L. 612-3 de ce code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...)/ 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; /5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ".

15. Il résulte de ce qui a été exposé aux points précédents que le comportement de M. A... constitue une menace pour l'ordre public et qu'il s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

16. Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi :1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ;(...). / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

17. M. A... soutient qu'un retour en Libye l'exposerait à des peines ou à des traitements inhumains ou dégradants. Toutefois, il n'assortit ses allégations d'aucun élément permettant d'établir les caractères réel, personnel et actuel des menaces dont il fait état. Au demeurant, sa demande d'asile et ses demandes de réexamen ont été rejetées en dernier lieu par les juges de l'asile. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :

18. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. /Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. "

19. Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".

20. En premier lieu, la décision d'interdiction de retour, qui mentionne l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, énonce, de manière suffisamment circonstanciée, les considérations de fait ayant été prises en compte par le préfet de la Côte-d'Or, au regard des critères, applicables à sa situation, énoncés à l'article L. 613-2 du même code. Cette décision mentionne notamment que l'intéressé qui s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'exécution et qui constitue une menace pour l'ordre public, ne fait valoir aucune circonstance exceptionnelle et que ses liens personnels et familiaux en France ne sont pas tels que l'interdiction de retour à son encontre porterait à sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. Par suite, le moyen tiré de ce que cette décision serait insuffisamment motivée doit être écarté.

21. En second lieu, si le requérant se prévaut de sa présence en France depuis plus de six ans ainsi que de son intégration, il est constant qu'il n'a pas déféré à la mesure d'éloignement prise à son encontre, le 5 novembre 2017. Il doit dès lors être regardé comme s'étant soustrait à cette mesure. Par ailleurs il ressort des pièces du dossier qu'il a fait l'objet d'une condamnation par le tribunal correctionnel de Dijon, le 13 mars 2018, à huit mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits d'agression sexuelle. Compte tenu de ces éléments, le préfet de la Côte-d'Or n'a pas commis d'erreur d'appréciation en édictant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français de trois ans.

22. En dernier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 13 du présent arrêt.

23. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions du 11 janvier 2022 par lesquelles le préfet de la Côte-d'Or lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées au titre des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire présentée par M. A....

Article 2 : L'ordonnance n° 2200738 du 12 avril 2022 du président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Dijon est annulée.

Article 3 : La demande de M. A... et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie du présent arrêt en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.

Délibéré après l'audience du 27 avril 2023 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 mai 2023.

La rapporteure,

P. DècheLe président,

F. Bourrachot

La greffière,

A-C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY01479

ar


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY01479
Date de la décision : 17/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-03 ÉTRANGERS. - OBLIGATION DE QUITTER LE TERRITOIRE FRANÇAIS (OQTF) ET RECONDUITE À LA FRONTIÈRE. - RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES. - OQTF FONDÉE SUR LES DISPOSITIONS DES 4° ET 5 DE L'ARTICLE L. 611-1 DU CODE DE L'ENTRÉE ET DU SÉJOUR DES ÉTRANGERS ET DU DROIT D'ASILE. APPLICATION DE LA PROCÉDURE D'URGENCE DITE « DES SIX SEMAINES » - EXISTENCE - APPLICATION DE LA PROCÉDURE DITE « DES TROIS MOIS » - ABSENCE - APPLICATION DE LA PROCÉDURE DE DÉSISTEMENT D'OFFICE PRÉVUE PAR L'ARTICLE R. 776-12 CODE DE JUSTICE ADMINISTRATIVE (CJA) - ABSENCE.

335-03-03 Il ressort des pièces du dossier que l'obligation de quitter le territoire français prononcée à l'encontre de l'intéressé a été prise sur le fondement des 4° et 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers du droit d'asile, et qu'elle a fait l'objet d'une notification par voie administrative mentionnant les voies et un délai de recours de 48 heures. ...En application du deuxième alinéa du II de l'article R. 776-5 du code de justice administrative, le second alinéa de l'article R. 411-1 de ce code n'était pas applicable au recours exercé par l'intéressé et l'expiration du délai de 48 heures ne lui interdisait pas de soulever des moyens nouveaux et lui permettait jusqu'à la clôture de l'instruction, de former des conclusions contre toutes les décisions notifiées simultanément à l'obligation de quitter le territoire français. ...Le requérant est fondé à soutenir que les dispositions de l'article R. 776-12 du code de justice administrative n'étaient pas applicables à sa situation et que c'est à tort que l'auteur de l'ordonnance attaquée a retenu qu'il n'avait pas fait parvenir au greffe du tribunal de mémoire complémentaire dans le délai de quinze jours prévu par les dispositions précitées de l'article R. 776-12 du code de justice administrative et a donné acte du désistement de sa demande.


Références :

[RJ1]

1. Cf. s'agissant de la prévalence de la procédure d'urgence CE, 21 février 2023, M. B., n°468799, aux Tables ;

CE, 28 juin 2019, M. et Mme J., n°426703, T. pp. 776-779-781; CE, 19 juillet 2017, Mme T., n°408902, p. 262.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : DESPRAT

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-05-17;22ly01479 ?
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