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17/05/2023 | FRANCE | N°22LY00396

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 17 mai 2023, 22LY00396


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 12 septembre 2021 par lesquelles le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours, a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2108108 du 10 janvier 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de

Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 12 septembre 2021 par lesquelles le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours, a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2108108 du 10 janvier 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 7 février 2022, M. A..., représenté par Me Bescou (SELARL BS2A Bescou et Sabatier avocats associés), avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 10 janvier 2022 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler les décisions du préfet du Rhône du 12 septembre 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de procéder à un nouvel examen de sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le premier juge a irrégulièrement procédé à une substitution de base légale sans que celle-ci soit demandée par le défendeur ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- cette décision n'a pas été précédée d'un examen de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et procède d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- cette décision est dépourvue de base légale, dès lors qu'entré régulièrement sur le territoire français, il ne relevait pas du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire :

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

En ce qui concerne la décision prononçant une interdiction de retour :

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par une ordonnance du 24 novembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Sophie Corvellec, première conseillère ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A... relève appel du jugement du 10 janvier 2022 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône du 12 septembre 2021 lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours, fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pendant un an.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. Contrairement à ce que prétend M. A..., une telle substitution relevant de son office, le juge peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, sous réserve d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité résultant de la substitution de base légale à laquelle le premier juge a procédé en l'absence de demande en ce sens du préfet du Rhône doit être écarté.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, il ressort des termes mêmes de la décision litigieuse, laquelle mentionne l'ensemble des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, que le préfet du Rhône, alors même qu'il n'a pas fait état du parcours professionnel de M. A..., a, contrairement à ce que prétend ce dernier, préalablement procédé à un examen de sa situation particulière. Le moyen tiré du défaut d'un tel examen doit, par suite, être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...) ".

5. M. A..., ressortissant tunisien né le 2 juillet 1989, est entré sur le territoire français au mois de décembre 2018 et expose y être employé comme livreur depuis le mois de juin 2019. Toutefois, à la date de la décision litigieuse, l'intéressé, célibataire et dépourvu de charges de famille, résidait ainsi depuis moins de trois ans sur le territoire français, où il ne se prévaut d'aucune attache privée ou familiale, après avoir vécu jusqu'à l'âge de vingt-neuf ans dans son pays d'origine où demeure l'ensemble de sa famille, d'après ses déclarations. Dans ces circonstances, nonobstant son activité professionnelle, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Rhône a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnu les stipulations précitées en l'obligeant à quitter le territoire français. Pour ces mêmes motifs, cette décision ne procède pas davantage d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A....

6. En troisième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance du 1° de l'article L. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du défaut de base légale de la décision litigieuse doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux retenus par le premier juge aux points 5 à 8 du jugement attaqué.

Sur la légalité des décisions fixant le délai de départ volontaire et le pays de destination de la mesure d'éloignement :

7. Comme indiqué ci-dessus, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, les moyens tirés, par voie d'exception, de l'illégalité de cette mesure d'éloignement doivent être écartés.

Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français durant un an :

8. En premier lieu, comme indiqué ci-dessus, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de cette mesure d'éloignement doit être écarté.

9. En deuxième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à l'appui duquel M. A... se borne à renvoyer à ses précédents développements sans apporter d'autres éléments, doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 5 du présent arrêt.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". L'article L. 612-10 du même code précise que : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...) ".

11. Si M. A... n'a jamais fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement, il résidait, à la date de la décision litigieuse, depuis moins de trois ans sur le territoire français où, célibataire et dépourvu de charges de famille, il ne se prévaut d'aucune attache privée ou familiale. Dès lors, et à supposer même que l'usage, par M. A..., de faux permis de conduire et documents d'identité ne constituerait pas une menace pour l'ordre public, le préfet du Rhône a pu, sans erreur d'appréciation, prononcer à son encontre la mesure litigieuse d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

12. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

13. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.

Délibéré après l'audience du 2 mai 2023, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère,

Mme Sophie Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mai 2023.

La rapporteure,

Sophie CorvellecLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY00396


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY00396
Date de la décision : 17/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU et SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-05-17;22ly00396 ?
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