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17/05/2023 | FRANCE | N°21LY00534

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 17 mai 2023, 21LY00534


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... D... et Mme A... D... ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté d'enregistrement n° 3052/2017 du 19 décembre 2017 par lequel le préfet de l'Allier a fixé des prescriptions complémentaires à l'exploitation d'un élevage de volailles à chair à Bressolles.

Par un jugement n° 1800205 du 15 décembre 2020, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a fait droit à cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête

et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 février et 24 novembre 2021, M. B... C..., représent...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... D... et Mme A... D... ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté d'enregistrement n° 3052/2017 du 19 décembre 2017 par lequel le préfet de l'Allier a fixé des prescriptions complémentaires à l'exploitation d'un élevage de volailles à chair à Bressolles.

Par un jugement n° 1800205 du 15 décembre 2020, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a fait droit à cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 février et 24 novembre 2021, M. B... C..., représenté par la Selarl DMMJB Avocats, agissant par Me Martins da Silva, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 15 décembre 2020 ;

2°) de mettre une somme de 2 000 euros à la charge des demandeurs au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que c'est à tort que les premiers juges ont retenu le moyen tiré de l'insuffisance de la notice comportant l'évaluation des incidences " Natura 2000 " ; elle précise la situation des parcelles ; s'agissant de la parcelle située dans la zone " Natura 2000 ", classée au titre de la directive habitats (site AL07), elle est en cultures depuis de nombreuses années donc recevant déjà divers apports en particulier chimiques, et d'une topographie plane, permettant de limiter les écoulements ; s'agissant des parcelles classées au titre de la directive " oiseaux ", les épandages de fumier remplaceront les apports d'engrais et il n'y aura donc pas d'incidence sur la population d'oiseaux ; remplacer les apports d'engrais chimiques par des fumiers aura un effet positif sur le milieu.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 juillet 2021, M. et Mme D..., représentés par Me Menard, concluent au rejet de la requête et demandent qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de M. C... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que le moyen d'annulation retenu par le tribunal, tiré de l'imprécision de la notice comportant l'évaluation des incidences " Natura 2000 " figurant au dossier de demande d'enregistrement, doit être confirmé.

Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires n'a pas présenté d'écritures.

Par ordonnance du 22 mars 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 5 mai 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère ;

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;

- les observations de Me Lambert pour M. C... ainsi que celles de Me Menard pour M. et Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... C... a déposé le 5 juillet 2017 une demande d'enregistrement au titre de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement d'un élevage de 39 900 volailles de chair sur le territoire de la commune de Bressolles, au lieudit " Chante Alouette ", comprenant la construction d'un poulailler et un plan d'épandage. Par un arrêté d'enregistrement n° 3052/2017 du 19 décembre 2017, le préfet de l'Allier a fixé des prescriptions complémentaires à l'exploitation. M. C... relève appel du jugement n° 1800205 du 15 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, a, sur demande de M. et Mme D..., annulé cet arrêté.

2. Il appartient au juge du plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement d'apprécier le respect des règles relatives à la forme et la procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation et celui des règles de fond régissant le projet en cause au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce, sous réserve du respect des règles d'urbanisme, qui s'apprécie au regard des circonstances de fait et de droit applicables à la date de l'autorisation.

Sur le bien-fondé du moyen retenu par les premiers juges :

3. Aux termes de l'article L. 512-7-3 du code de l'environnement dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017, dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée : " En vue d'assurer la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 et, le cas échéant, à l'article L. 211-1, le Préfet peut assortir l'enregistrement de prescriptions particulières complétant ou renforçant les prescriptions générales applicables à l'installation. Dans les limites permises par la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1, ces prescriptions particulières peuvent aussi inclure des aménagements aux prescriptions générales justifiés par les circonstances locales. Dans ces deux cas, le Préfet en informe l'exploitant préalablement à la clôture de l'instruction de la demande et consulte la commission départementale consultative compétente. / Le préfet ne peut prendre l'arrêté d'enregistrement que si le demandeur a justifié que les conditions de l'exploitation projetée garantiraient le respect de l'ensemble des prescriptions générales, et éventuellement particulières, applicables. Il prend en compte les capacités techniques et financières que le pétitionnaire entend mettre en œuvre, à même de lui permettre de conduire son projet dans le respect des intérêts mentionnés à l'article L. 5111 et, le cas échéant, à l'article L. 211-1, et d'être en mesure de satisfaire aux obligations de l'article L. 512-7-6 lors de la cessation d'activité. ". Aux termes de l'article R. 512-46-4 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable : " A chaque exemplaire de la demande d'enregistrement doivent être jointes les pièces suivantes : (...) / 6° Le cas échéant, l'évaluation des incidences Natura 2000 dans les cas et conditions prévus par les dispositions réglementaires de la sous-section 5 de la section 1 du chapitre IV du titre Ier du livre IV (...) ".

4. Le dossier de demande d'enregistrement de M. C... comporte une notice d'incidence " Natura 2000 ", rappelant que la commune de Bressolles compte trois zones classées " Natura 2000 ". Les installations d'élevage ne se trouvent pas dans une telle zone. En revanche, une des parcelles d'épandage se situe dans une zone " Natura 2000 ", classée au titre de la directive " habitats " (site AL07), et plusieurs parcelles dans une zone classée au titre de la directive " oiseaux " (FPS 46/A AE01). Le dossier précise que la parcelle concernée par le site AL07 est cultivée depuis plusieurs années, en maïs depuis 2017, dépourvue de végétation naturelle et disposant d'une topographie plane, empêchant les apports de fumier d'atteindre la rivière ou sa ripisylve ainsi que les forêts de la zone " Natura 2000 ". Elle précise que la flore ne sera pas perturbée par l'apport de fumier, lequel au contraire, permettra de diminuer les apports d'engrais minéraux sur cette parcelle. S'agissant des parcelles qui se trouvent dans la zone " Natura 2000 " ZPS46/AE01 classée au titre de la directive " oiseaux ", la notice précise que les îlots concernés sont cultivés et qu'il n'y aura pas de création d'obstacles à la migration des oiseaux ou à leur nidification. S'agissant d'un dossier d'enregistrement, pour lequel aucune étude d'impact n'est en principe exigée, il ne peut être reproché au dossier de ne pas comporter une analyse de l'impact de l'épandage des effluents d'élevage sur les nappes phréatiques. Le préfet a précisé dans ses écritures de première instance en quoi les modalités d'épandage, constituées de fumiers de volailles et non de lisiers, étaient propres à prévenir les incidences de l'exploitation de M. C... sur les zones " Natura 2000 ", en évitant le risque de lessivage dans les sols. Il a pu procéder à la vérification du respect par le projet des prescriptions s'imposant en la matière, y compris celles applicables aux zones vulnérables au sens de la directive 91/676/CEE concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir des sources agricoles.

5. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a retenu comme fondé le moyen tiré de l'insuffisance entachant de la notice d'incidence " Natura 2000 " du dossier de demande d'enregistrement.

6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. et Mme D....

Sur les autres moyens soulevés par les intimés :

7. En premier lieu, aux termes du 2ème alinéa de l'article L. 512-7-2 du code de l'environnement : " Le dossier de demande d'enregistrement est mis à disposition du public. Le public est informé des modalités selon lesquelles sont possibles la consultation du dossier et l'émission, en temps utile, d'observations. Cette information est faite par voie d'un affichage sur le site et dans les mairies de la commune d'implantation et des communes situées à proximité de l'installation projetée et par les soins du préfet, le cas échéant, par voie électronique ".

8. Conformément aux dispositions précitées, le dossier a fait l'objet d'une consultation du public du 4 septembre au 2 octobre 2017, qui a donné lieu à une large participation, en particulier par voie électronique. M. et Mme D... ont en particulier fait part de leurs observations par courriel du 29 septembre 2017, de sorte qu'à la supposer établie, l'erreur dans l'adresse électronique de la préfecture pour le dépôt des réclamations n'a pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ni n'a été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 512-7-2 du code de l'environnement dans sa rédaction alors applicable : " Le préfet peut décider que la demande d'enregistrement sera instruite selon les règles de procédure prévues par le chapitre unique du titre VIII du livre Ier pour les autorisations environnementales : / 1° Si, au regard de la localisation du projet, en prenant en compte les critères mentionnés au point 2 de l'annexe III de la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement, la sensibilité environnementale du milieu le justifie ; / 2° Ou si le cumul des incidences du projet avec celles d'autres projets d'installations, ouvrages ou travaux situés dans cette zone le justifie ; / 3° Ou si l'aménagement des prescriptions générales applicables à l'installation, sollicité par l'exploitant, le justifie ; / Dans les cas mentionnés au 1° et au 2°, le projet est soumis à évaluation environnementale. Dans les cas mentionnés au 3° et ne relevant pas du 1° ou du 2°, le projet n'est pas soumis à évaluation environnementale. (...). ".

10. D'une part, les installations soumises à enregistrement sont, en principe, dispensées d'une évaluation environnementale préalable à leur enregistrement, de sorte que les intimés ne sauraient utilement invoquer la méconnaissance des dispositions de la réglementation européenne et nationale, qui s'appliquent aux seuls projets soumis à autorisation environnementale.

11. D'autre part, l'élevage sera exploité conformément aux prescriptions de l'arrêté du 27 décembre 2013 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations relevant du régime de l'enregistrement au titre des rubriques n°s 2101, 2102 et 2111 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement. Le moyen selon lequel le préfet aurait dû mettre en œuvre les dispositions de l'article L. 512-7-2 du code de l'environnement n'est pas assorti des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé.

12. En troisième lieu, l'arrêté en litige est pris sur le fondement des dispositions du code de l'environnement destinées à assurer le respect, par l'exploitant d'une installation classée pour la protection de l'environnement, de certaines des prescriptions qui s'imposent à son activité pour la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 de ce même code. En vertu de l'indépendance des législations, les intimés ne peuvent utilement se prévaloir des troubles de voisinages qu'ils subiraient du fait de l'installation.

13. En quatrième lieu, il résulte du deuxième alinéa du I de l'article L. 514-6 et du 4° de l'article R. 512-46-4 du code de l'environnement que le juge des installations classées contrôle la compatibilité des décisions prises par les autorités compétentes avec l'affectation des sols prévue pour les secteurs délimités par le plan local d'urbanisme.

14. Il résulte de l'instruction que les parcelles d'implantation du projet sont classées en zone agricole (A) du plan local d'urbanisme de la commune de Bressolles, où sont autorisés les " bâtiments agricoles, leurs extensions et les travaux, ouvrages, aménagements et installations liés, classés ou non pour la protection de l'environnement, nécessaires aux exploitations agricoles professionnelles ". Le bâtiment d'élevage de M. C... étant nécessaire à son exploitation, ce moyen ne peut qu'être écarté.

15. Il résulte de ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé l'arrêté d'enregistrement n° 3052/2017 du 19 décembre 2017.

Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que les intimés demandent au titre des frais non compris dans les dépens qu'ils ont exposés soit mise à la charge de M. C..., qui n'est pas partie perdante. En application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme D... le versement d'une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. C....

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 15 décembre 2020 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. et Mme D... devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de M. et Mme D... présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : M. et Mme D... verseront à M. C... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, et à M. et Mme E... et A... D....

Délibéré après l'audience du 2 mai 2023 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère,

Mme Sophie Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mai 2023.

La rapporteure,

Bénédicte LordonnéLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY00534


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY00534
Date de la décision : 17/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

44-02 Nature et environnement. - Installations classées pour la protection de l'environnement.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : DMMJB AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-05-17;21ly00534 ?
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