La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/05/2023 | FRANCE | N°23LY00146

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 11 mai 2023, 23LY00146


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2022 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, et d'enjoindre à cette autorité, dans un délai d'un mois, de lui délivrer un titre de séjour pluriannuel portant la mention " salarié " ou, à défaut, de renouveler son titre de séjour ou de réexaminer son

dossier et, en toute hypothèse, de le munir, dans un délai de trois jours, d'un réc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2022 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, et d'enjoindre à cette autorité, dans un délai d'un mois, de lui délivrer un titre de séjour pluriannuel portant la mention " salarié " ou, à défaut, de renouveler son titre de séjour ou de réexaminer son dossier et, en toute hypothèse, de le munir, dans un délai de trois jours, d'un récépissé l'autorisant à travailler.

Par un jugement n° 2204678 du 13 décembre 2022, le tribunal a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

I - Par une requête enregistrée le 12 janvier 2023, sous le n° 23LY00146, M. B..., représenté par Me Aboudahab, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et cet arrêté ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer un titre de séjour pluriannuel portant la mention " salarié " ou, à défaut, de renouveler son titre de séjour ou de réexaminer son dossier et, en toute hypothèse, de le munir, dans un délai de trois jours, d'une autorisation provisoire de séjour et de travail d'une durée de validité de trois mois éventuellement renouvelable ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, au regard des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, compte tenu de la manière dont les premiers juges ont écarté son moyen tiré de l'erreur sur la matérialité des faits ; il est également irrégulier pour avoir dénaturé les faits de l'espèce, et être entaché d'erreur de droit et de dénaturation ;

- le refus de titre de séjour est entaché d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation individuelle ; il est également entaché d'erreurs sur la matérialité des faits ; il est aussi entaché d'une erreur de droit, en ce que le préfet a examiné à tort sa situation au regard des dispositions des articles L. 421-1 à L. 421-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors qu'il avait formé une demande de renouvellement de titre de séjour obtenu sur le fondement de l'article L. 435-3 de ce code ; il est de même entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation individuelle ;

- l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination sont illégales par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour.

La requête de M. B... a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit d'observations.

II - Par une requête enregistrée le 14 janvier 2023, sous le n° 23LY00170, M. B..., représenté par Me Aboudahab, demande à la cour :

1°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement et de cet arrêté ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, sans délai, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de travail d'une durée de validité de six mois renouvelable jusqu'à l'arrêt de la cour et de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il est fondé à obtenir le sursis à exécution du jugement attaqué et de l'arrêté contesté en application des dispositions de l'article R. 811-17 du code de justice administrative ;

- l'exécution de ce jugement, qui rejette sa demande dirigée contre l'arrêté du 6 juillet 2022, malgré l'ordonnance du juge des référés ayant suspendu l'exécution du refus de renouvellement de son titre de séjour et enjoint au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour jusqu'à l'intervention du jugement se prononçant sur la légalité de cet arrêté, est susceptible d'entraîner pour lui des conséquences difficilement réparables compte tenu des circonstances particulières dont il fait état ;

- les moyens énoncés dans sa requête d'appel dirigée contre le jugement attaqué paraissent sérieux en l'état de l'instruction ; le jugement est irrégulier dans la mesure où il a rejeté sa demande dirigée contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, alors qu'elle avait été implicitement abrogée suite à la décision du juge des référés ; il est également irrégulier, au regard des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, compte tenu de la manière dont les premiers juges ont écarté son moyen tiré de l'erreur sur la matérialité des faits ; il est aussi irrégulier pour avoir dénaturé les faits de l'espèce, et être entaché d'erreur de droit et de dénaturation ; le refus de titre de séjour est entaché d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation individuelle ; il est également entaché d'erreurs sur la matérialité des faits ; il est aussi entaché d'une erreur de droit, en ce que le préfet a examiné à tort sa situation au regard des dispositions des articles L. 421-1 à L. 421-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors qu'il avait formé une demande de renouvellement de titre de séjour obtenu sur le fondement de l'article L. 435-3 de ce code ; il est de même entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation individuelle.

En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, l'affaire a été dispensée d'instruction.

M. B... a été admis, dans l'instance n° 23LY00146, au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 février 2023.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 27 février 2020 portant agrément d'organismes d'accueil communautaire et d'activités solidaires ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chassagne, premier conseiller ;

- et les observations de Me Aboudahab, pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant de la République d'Arménie, né le 17 août 1978 à Erevan, est entré en France le 6 novembre 2014 sous couvert d'un visa de court séjour. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande d'asile le 8 avril 2015, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 21 octobre 2015. Par un arrêté du 28 février 2017, devenu définitif, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour au regard de son état de santé et lui a notamment fait obligation de quitter le territoire français. Toutefois, le préfet de l'Isère, au titre d'une admission exceptionnelle, a délivré à M. B... un titre de séjour portant la mention " salarié " valable du 5 août 2020 au 4 août 2021, sur le fondement des dispositions alors codifiées à l'article L. 313-14-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. B... a demandé, le 4 juin 2021, le renouvellement de ce titre à cette autorité, qui, par un arrêté du 6 juillet 2022, lui a opposé un refus au regard des articles L. 421-1 à L. 421-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par des requêtes distinctes qu'il y a lieu de joindre, M. B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble ayant rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté et le sursis à exécution de ce jugement.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour

2. Il ressort des pièces du dossier que, à la suite à son admission pour trois ans au sein de la communauté Emmaüs qui, comme le prévoit l'article L. 265-1 du code de l'action sociale et des familles, est un organisme agrée destiné à assurer l'accueil de personnes en difficulté pour favoriser leur insertion sociale et professionnelle, M. B..., a obtenu, sur le fondement des dispositions désormais codifiées à l'article L. 435-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et compte tenu du caractère réel et sérieux de l'activité qu'il y déployait ainsi que de ses perspectives d'intégration, un titre de séjour spécifique, portant la mention " salarié ", valable du 5 août 2020 au 4 août 2021. L'intéressé, qui bénéficiait ainsi, en qualité de compagnon auprès de cet organisme, d'un statut particulier de travailleur solidaire est entré dans un dispositif transitoire dit " situation passerelle ", mis en place par cette communauté, visant à un accompagnement en vue d'une insertion sociale en dehors de celle-ci, prévu à compter du 29 octobre 2021 et jusqu'au 21 mai 2022, date à laquelle il s'est installé dans un logement social qui lui a été attribué. Dès avant l'entrée dans ce dispositif, M. B... a fourni des efforts en vue d'une insertion professionnelle en suivant une formation professionnelle organisée par Pôle Emploi durant la période du 16 juin 2021 au 23 mai 2022, destinée à acquérir des compétences de base pour un retour vers l'emploi, et en obtenant le permis de conduire le 28 octobre 2021. De surcroît, l'intéressé, qui a bénéficié de l'allocation pour adulte handicapé pour la période du 1er décembre 2020 au 30 novembre 2022, a suivi entre les 24 mai et 19 août 2022 une formation pédagogique dite " Inclus'Pro Formation " pour faciliter, notamment, l'accès des personnes handicapées à l'emploi. Enfin, et antérieurement à l'intervention de la décision contestée, il a signé un contrat de travail à durée indéterminée pour une embauche à compter du 1er juillet 2022. Dans ces circonstances particulières, compte tenu du parcours d'insertion suivi par M. B..., et alors que le préfet n'a pas remis en question ses perspectives d'intégration et ni relevé le moindre problème d'ordre public, le refus de séjour contesté apparaît procéder d'une appréciation manifestement erronée.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination

3. Il résulte de ce qui précède que les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination sont illégales par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Ce jugement et l'arrêté du 6 juillet 2022 du préfet de l'Isère doivent donc être annulés.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Le présent arrêt, eu égard à ses motifs, implique nécessairement que le préfet de l'Isère délivre à M. B... un titre de séjour temporaire l'autorisant à travailler. Il y a lieu pour la cour d'enjoindre à cette autorité de prendre cette mesure dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, en attendant, dans un délai de huit jours suivant cette notification, de délivrer à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour avec possibilité de travailler, le surplus des conclusions présentées à ce titre devant être rejeté.

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :

6. Compte tenu de ce qui précède, les conclusions à fin de sursis à exécution présentées par l'intéressé ont perdu leur objet, ses conclusions à fin d'injonction devant être rejetées par voie de conséquence.

Sur les conclusions présentées au titre des frais du litige :

7. M. B... ayant été admis, dans l'instance n° 23LY00146, au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 15 février 2023, il n'établit pas avoir exposé d'autres frais que ceux pris en charge par l'État au titre de cette aide. De plus l'avocat de M. B... n'a pas demandé que lui soit versée par l'État une somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à son client si ce dernier n'avait bénéficié d'une aide juridictionnelle totale. Dans ces conditions, les conclusions de la requête tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées dans cette instance.

8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, s'agissant de l'instance n° 23LY00170, de mettre à la charge de l'État une somme au titre des frais exposés par M. B..., et non compris dans les dépens. Ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent donc être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution présentées par M. B....

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 13 décembre 2022 et l'arrêté du préfet de l'Isère du 6 juillet 2022 sont annulés.

Article 3 : Il est prononcé des mesures d'injonction dans les conditions prévues au point 5 du présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par M. B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A.... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 27 avril 2023 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

M. Chassagne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mai 2023.

Le rapporteur,

J. Chassagne

Le président,

V.-M. Picard La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière

2

N°s 23LY00146, 23LY00170

al


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY00146
Date de la décision : 11/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: M. Julien CHASSAGNE
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : ABOUDAHAB

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-05-11;23ly00146 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award