La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/05/2023 | FRANCE | N°20LY02615

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 03 mai 2023, 20LY02615


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le groupement forestier de Thaix a demandé au tribunal administratif de Dijon :

1°) d'annuler la décision du 28 mars 2019 par laquelle le directeur départemental des territoires de la Nièvre a rejeté la demande d'autorisation de coupe rase projetée sur les parcelles cadastrées C 474, C 475 et C 476 à Montaron ;

2°) d'enjoindre à l'État de lui délivrer l'autorisation de coupe rase sollicitée, sur le fondement de l'article L. 124-5 du code forestier, dans un délai d'un mois à compter de l

a notification du jugement à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le groupement forestier de Thaix a demandé au tribunal administratif de Dijon :

1°) d'annuler la décision du 28 mars 2019 par laquelle le directeur départemental des territoires de la Nièvre a rejeté la demande d'autorisation de coupe rase projetée sur les parcelles cadastrées C 474, C 475 et C 476 à Montaron ;

2°) d'enjoindre à l'État de lui délivrer l'autorisation de coupe rase sollicitée, sur le fondement de l'article L. 124-5 du code forestier, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1901266 du 24 juin 2020, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 septembre 2020 et 31 janvier 2022, le groupement forestier de Thaix, représenté par Me Plateaux, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 24 juin 2020 ;

2°) d'annuler la décision du 28 mars 2019 par laquelle le directeur départemental des territoires de la Nièvre a rejeté la demande d'autorisation de coupe rase projetée sur les parcelles cadastrées C 474, C 475 et C 476 à Montaron ;

3°) d'enjoindre à l'État de lui délivrer l'autorisation de coupe rase sollicitée, sur le fondement de l'article L.124-5 du code forestier, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Il soutient que :

- le jugement méconnait le principe du contradictoire, prévu à l'article L. 5 du code de justice administrative, faute pour les premiers juges d'avoir communiqué le mémoire en défense n° 2 de la préfecture, en date du 31 janvier 2020, postérieurement à la clôture de l'instruction ;

- l'administration s'est crue, à tort, liée par l'avis défavorable du centre régional de la propriété forestière, qui ne présente pas les traits d'un avis conforme ;

- la décision attaquée est irrégulière, dès lors qu'elle a été édictée à l'issue d'une visite domiciliaire du 8 janvier 2019, violant les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en l'absence de consentement du propriétaire, d'information de la possibilité de s'opposer au contrôle sur place des agents de la commune, et d'une saisine préalable du juge judiciaire ;

- la décision est entachée d'erreur de fait et erreur d'appréciation, dès lors que sa demande respectait toutes les conditions fixées par l'article L. 124-5 du code forestier.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 décembre 2021, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête.

Par ordonnance du 31 décembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 28 février 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code forestier ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Fédi, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. Le groupement forestier de Thaix a présenté le 3 décembre 2018 une demande d'autorisation de coupe des bois situés sur les parcelles cadastrées C 474, C 475 et C 476 à Montaron, dans le département de la Nièvre. Il relève appel du jugement du 24 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 28 mars 2019 du directeur départemental des territoires de la Nièvre lui refusant cette autorisation.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressées au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux. ". Il résulte de ces dispositions, destinées à garantir le caractère contradictoire de l'instruction, que la méconnaissance de l'obligation de communiquer un mémoire ou une pièce contenant des éléments nouveaux est en principe de nature à entacher la procédure d'irrégularité et qu'il n'en va autrement que dans le cas où il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, cette méconnaissance n'a pu préjudicier aux droits des parties. Il ressort des pièces du dossier que la préfète de la Nièvre a produit un mémoire en défense le 22 juillet 2019, communiqué au groupement forestier de Thaix. Le second mémoire en défense devant le tribunal, enregistré le 31 janvier 2020, postérieurement à la clôture de l'instruction fixée au 27 janvier 2020, ne comportait pas d'éléments nouveaux sur lesquels les premiers juges se seraient fondés pour statuer. Dans ces conditions, ces derniers, en ne le communiquant pas, n'ont pas méconnu le principe du contradictoire prévu à l'article R. 611-1 du code de justice administrative.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Si le droit au respect du domicile que ces stipulations protègent s'applique également, dans certaines circonstances, aux locaux professionnels où des personnes morales exercent leurs activités, toutefois en se bornant à soutenir qu'une exploitation agricole constitue un " domicile ", au sens des stipulations précitées, dès lors que " les parties visitées par les agents ne sont pas accessibles de plein droit, ce qui est le cas de la forêt ayant fait l'objet du contrôle sur place, qui n'est pas ouverte directement au profit des tiers ", le groupement forestier n'établit pas que les parcelles cadastrées C 474, C 475 et C 476 situées à Montaron, qui sont exclusivement boisées, doivent être regardées comme un domicile ou un local professionnel au sens de cet article. Dans ces conditions, l'appelant ne peut utilement soutenir que la visite du 8 janvier 2019 serait irrégulière en l'absence de consentement du propriétaire, d'information de la possibilité de s'opposer au contrôle sur place et d'une saisine préalable du juge judiciaire. Par suite le moyen, tiré de l'irrégularité de la visite de l'agent assermenté, doit être écarté.

4. La décision de refus attaquée repose sur l'unique motif tiré de ce que le peuplement n'est pas arrivé à maturité et que la coupe prématurée projetée n'est pas compatible avec les orientations du schéma régional de gestion sylvicole. Si la décision mentionne également que le centre régional de la propriété forestière a émis un avis défavorable, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'autorité préfectorale s'est estimée liée par cet avis. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté. De même, le groupement ne peut utilement soutenir que le motif justifiant la décision en litige résulterait de " l'absence d'information sur les procédés de reconstitution des arbres concernés ", comme cela ressort des termes de l'avis défavorable, dès lors que cette mention ne figure pas dans la décision en litige.

5. Aux termes de l'article L. 124-5 du code forestier : " Dans les bois et forêts ne présentant pas de garantie de gestion durable, les coupes d'un seul tenant supérieures ou égales à un seuil fixé par le représentant de l'Etat dans le département et enlevant plus de la moitié du volume des arbres de futaie ne peuvent être réalisées que sur autorisation de cette autorité, après avis, pour les bois et forêts des particuliers, du Centre national de la propriété forestière... L'autorisation, éventuellement assortie de conditions particulières de réalisation de la coupe et de travaux complémentaires, est délivrée conformément aux directives ou schémas régionaux dont ces bois et forêts relèvent... ". En outre, le schéma régional de gestion sylvicole de Bourgogne, qui est le document cadre pour la mise en œuvre de la gestion durable des forêts privées à l'échelle régionale et qui donne des recommandations de sylviculture pour les principaux types de peuplements, préconise comme méthodes de gestion de maintien des futaies régulières résineuses, la coupe sélective des arbres de 10 à 35 cm de diamètre selon une périodicité de 5 à 15 ans et celle des arbres dont le diamètre est supérieur à 35 cm selon une périodicité de 7 à 15 ans, ainsi que les coupes de régénération à l'arrivée à maturité des essences de peuplement.

6. S'il ressort des pièces du dossier, notamment de la demande d'autorisation du 3 décembre 2018, que le projet porte sur une superficie de 14 hectares pour une estimation de 4 000 arbres concernant une présence majoritaire de pins Douglas, dont le diamètre avoisine les 30 cm, et de pins Laricio au diamètre moyen de 35 cm, il est constant que les mêmes parcelles ont déjà fait l'objet d'éclaircies en 2016. La double circonstance, d'une part, que les dispositions du schéma régional de gestion sylvicole de Bourgogne n'interdisent pas le repeuplement du sol par la plantation de pins Douglas, d'autre part, que la décision en cause ne fasse pas état d'un risque d'appauvrissement des sols, consécutif à l'exécution de ladite coupe, est sans influence sur la légalité de l'arrêté litigieux. De même, le groupement ne peut utilement faire valoir que le schéma n'interdit pas de solliciter une autorisation de coupe sur un site qui a fait l'objet d'une éclaircie au cours de l'année 2016, qui était d'une portée mineure. Si l'appelant soutient que la périodicité de cinq à quinze ans, visée par ce schéma, ne présente pas un caractère impératif, toutefois il n'établit, ni même n'allègue, que le peuplement d'arbres, objet du présent litige, serait arrivé à maturité ou que la coupe d'arbres ne serait pas prématurée. Par suite, le directeur départemental des territoires de la Nièvre n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L.124-5 du code forestier en refusant la demande d'autorisation de coupe rase présentée par le groupement forestier de Thaix.

7. Il résulte de tout ce qui précède, que le groupement forestier de Thaix n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du groupement forestier de Thaix est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au groupement forestier de Thaix et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Délibéré après l'audience du 18 avril 2023, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

M. Gilles Fédi, président-assesseur,

Mme Sophie Corvellec, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 mai 2023.

Le rapporteur,

Gilles FédiLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 20LY02615


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY02615
Date de la décision : 03/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

03-06-02-01 Agriculture et forêts. - Bois et forêts. - Protection des bois et forêts. - Coupe ou abattage.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: M. Gilles FEDI
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SELARL PUBLI-JURIS

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-05-03;20ly02615 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award