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27/04/2023 | FRANCE | N°22LY02472

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 27 avril 2023, 22LY02472


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler :

- les décisions du 4 juillet 2022 par lesquelles le préfet de la Côte-d'Or l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an ;

- l'arrêté du 4 juillet 2022 par lequel le préfet de la Côte-d'Or l'a assignée à résidence pour une durée de 45 jours.

Par un jugement n° 2201765 du 12 juill

et 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa dema...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler :

- les décisions du 4 juillet 2022 par lesquelles le préfet de la Côte-d'Or l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an ;

- l'arrêté du 4 juillet 2022 par lequel le préfet de la Côte-d'Or l'a assignée à résidence pour une durée de 45 jours.

Par un jugement n° 2201765 du 12 juillet 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 5 août 2022, Mme B..., représentée par Me Dandon, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Dijon du 12 juillet 2022 ;

2°) d'annuler les décisions susmentionnées pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros, si elle est admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle, au profit de son conseil, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- elle est présente en France avec son époux et ses enfants, depuis plus de trois ans ; l'état de santé de son époux qui ne peut être éloigné nécessite sa présence à ses côtés ; ainsi, l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de renvoi a été prise en méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le risque de fuite n'est pas avéré ;

- la fréquence des convocations au commissariat de police est disproportionnée au regard du risque réel de fuite.

Par un mémoire enregistré le 3 mars 2023, le préfet de la Côte-d'Or conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.

Par décision du 8 mars 2023, la demande d'aide juridictionnelle de Mme B... a été rejetée.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante albanaise, née le 15 novembre 1976, est entrée en France, le 19 mars 2019. Sa demande d'asile a été rejeté par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 15 avril 2020. Le 25 novembre 2020, elle a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Le 1er avril 2021, la Cour nationale du droit d'asile a confirmé le rejet de sa demande d'asile. Le 12 mai 2021, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande de réexamen de sa demande d'asile et ce rejet a été confirmé par la Cour nationale du droit d'asile, le 30 août 2021. Le 4 juillet 2022, le préfet de la Côte-d'Or l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an. Par un arrêté du même jour, le préfet de la Côte-d'Or l'a assignée à résidence pour une durée de 45 jours. Mme B... relève appel du jugement du 12 juillet 2022 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions du 4 juillet 2022

Sur l'admission à l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Par une décision du 8 mars 2023, la demande d'aide juridictionnelle de Mme B... a été rejetée. Dans ces conditions, il n'y a plus lieu de statuer sur sa demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

4. La requérante fait valoir que ses deux enfants mineurs sont scolarisés en France et que son époux y bénéficie de soins adaptés à la gravité de son état de santé. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a rendu un avis le 17 juin 2021 dans lequel il précise, au sujet de l'époux de l'intéressée, que si le défaut de prise en charge médicale de sa pathologie devrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut bénéficier d'un traitement approprié en Albanie et que son état de santé lui permet de voyager sans risque. Les certificats médicaux produits par l'intéressée ne permettent pas de contredire les termes de cet avis ni d'établir qu'elle-même ne pourrait bénéficier en Albanie d'un traitement approprié à son propre état de santé. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que Mme B... n'est pas isolée dans son pays d'origine, où résident sa mère ainsi que ses frères et sœurs. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet aurait porté à son droit au respect d'une vie privée et familiale, tel que garanti par les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a pris sa décision.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

5. D'une part, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". D'autre part, aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

6. La requérante se prévaut de risques pour sa santé ainsi que pour celle de son époux en Albanie, où ils encourraient également des risques pour leur sécurité. Toutefois, il ressort de ce qui a été dit au point 4 de la présente décision qu'elle ne démontre pas que son état de santé serait menacé en cas de retour dans son pays d'origine. En outre, elle ne produit aucun élément permettant d'établir le bien-fondé de son argument selon lequel elle-même et son époux seraient en état d'insécurité en cas de retour dans ce pays. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

Sur la légalité de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :

7. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4, l'interdiction de retour prononcée ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, l'interdiction de retour prononcée ne méconnaît pas, en tout état de cause, les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la légalité de la décision portant assignation à résidence :

9. Aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : / 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé (...) ".

10. En premier lieu, si la requérante soutient qu'il n'existait aucune nécessité de l'assigner à résidence dans la mesure où elle est contrainte de s'occuper quotidiennement de son époux malade et de son plus jeune fils et qu'aucun risque de fuite n'était caractérisé, c'est précisément pour ces raisons, que le préfet de la Côte-d'Or a décidé de l'assigner à résidence plutôt que de la placer en rétention administrative, dès lors qu'elle présentait des garanties de représentations suffisantes et que la perspective d'éloignement demeurait raisonnable.

11. En second lieu, Mme B... ne produit aucun élément permettant d'établir que l'obligation de se présenter tous les jours, sauf les dimanches et les jours fériés et chômés à la gendarmerie de Dijon de 8 heures à 9 heures en plus de rester à son domicile de 6 heures à 7 heures ferait obstacle à ce qu'elle puisse s'occuper quotidiennement de son époux malade et de son plus jeune fils scolarisé. Dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir que les modalités d'exécution de cette mesure d'assignation à résidence présentent un caractère disproportionné.

12. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire présentée par Mme B....

Article 2 : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie du présent arrêt en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.

Délibéré après l'audience du 9 mars 2023 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 avril 2023.

La rapporteure,

P. Dèche

Le président,

F. Bourrachot,

La greffière,

A-C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY02472

ap


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY02472
Date de la décision : 27/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : SCP DU PARC CURTIL et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-04-27;22ly02472 ?
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