Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 23 juin 2020 par lequel le président du conseil de la Métropole de Lyon a refusé de le titulariser en fin de stage et a mis fin à ce stage à compter du 1er juillet 2020.
Par un jugement n° 2006709 du 13 octobre 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 14 décembre 2021, M. B... A..., représenté par Me Courtin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 13 octobre 2021 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté susmentionné du 23 juin 2020 ;
3°) d'enjoindre, le cas échéant, à la Métropole de Lyon de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de la Métropole de Lyon, une somme de 2 500 euros, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- son appel est recevable ;
- la décision en litige est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et son stage aurait pu être prolongé ;
- il a fait l'objet d'une mesure disciplinaire sans pouvoir faire valoir ses droits.
Par un mémoire enregistré le 28 avril 2022, la Métropole de Lyon, représentée par Me Prouvez, conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- M. B... A... présentait une insuffisance professionnelle réelle, matérialisée et constatée justifiant le refus de le titulariser sans prorogation de son stage ;
- il n'a pas fait l'objet d'une sanction disciplinaire déguisée.
M. B... A... n'a pas été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 29 juin 2022.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le décret n° 92-1194 du 4 novembre 1992 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires stagiaires de la fonction publique territoriale ;
- le décret n° 2006-1691 du 22 décembre 2006 portant statut particulier du cadre d'emplois des adjoints techniques territoriaux ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure ;
- les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique ;
- et les observations de Me Litzler, représentant la Métropole de Lyon ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A... a été recruté par la Métropole de Lyon en qualité d'adjoint technique territorial stagiaire, à compter du 2 juin 2019, affecté sur le poste d'agent de nettoiement au sein de la délégation développement urbain et cadre de vie. Par un arrêté du 23 juin 2020, le président de la Métropole de Lyon a refusé de le titulariser à la fin de sa période de stage. M. B... A... relève appel du jugement du 13 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article 5 du décret du 4 novembre 1992 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires stagiaires de la fonction publique territoriale : " Le fonctionnaire territorial stagiaire peut être licencié pour insuffisance professionnelle lorsqu'il est en stage depuis un temps au moins égal à la moitié de la durée normale du stage./ Le licenciement est prononcé après avis de la commission administrative paritaire compétente pour le cadre d'emplois dans lequel l'intéressé a vocation à être titularisé.(...°) ". Aux termes de l'article 10 du décret du 22 décembre 2006 portant statut particulier du cadre d'emplois des adjoints techniques territoriaux : " A l'issue du stage, les stagiaires dont les services ont donné satisfaction sont titularisés par décision de l'autorité territoriale investie du pouvoir de nomination au vu notamment d'une attestation de suivi de la formation d'intégration établie par le Centre national de la fonction publique territoriale. / Les autres stagiaires peuvent, sur décision de l'autorité territoriale, être autorisés à effectuer un stage complémentaire d'une durée maximale d'un an. Si le stage complémentaire a été jugé satisfaisant, les intéressés sont titularisés. / Les adjoints techniques territoriaux stagiaires et les adjoints techniques territoriaux principaux de 2e classe stagiaires qui n'ont pas été autorisés à effectuer un stage complémentaire, ou dont le stage complémentaire n'a pas été jugé satisfaisant, sont soit licenciés s'ils n'avaient pas auparavant la qualité de fonctionnaire, soit réintégrés dans leur grade d'origine. "
3. Un agent public ayant, à la suite de son recrutement ou dans le cadre de la formation qui lui est dispensée, la qualité de stagiaire, se trouve dans une situation probatoire et provisoire. La décision de ne pas le titulariser en fin de stage, qui est fondée sur l'appréciation portée par l'autorité compétente sur son aptitude à exercer les fonctions auxquelles il peut être appelé et, de manière générale, sur sa manière de servir, se trouve ainsi prise en considération de sa personne. L'autorité compétente ne peut donc prendre légalement une décision de refus de titularisation, qui n'est soumise qu'aux formes et procédures expressément prévues par les lois et règlements, que si les faits qu'elle retient caractérisent des insuffisances dans l'exercice des fonctions et la manière de servir de l'intéressé. Cependant, la circonstance que tout ou partie de tels faits seraient également susceptibles de caractériser des fautes disciplinaires ne fait pas obstacle à ce que l'autorité compétente prenne légalement une décision de refus de titularisation, pourvu que l'intéressé ait été alors mis à même de faire valoir ses observations.
4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le refus de titulariser M. B... A... est motivé par un comportement professionnel inadapté ayant des conséquences sur l'organisation du service public de nettoiement. Deux rapports ont été établis pour signaler que le 8 novembre 2019, l'intéressé a refusé d'écouter les consignes de son supérieur hiérarchique et que, le 8 mars 2020, il a refusé de participer à une intervention urgente. Il a été également souligné que durant la période de crise sanitaire, M. B... A... n'a pas hésité à faire part de sa réticence à reprendre son poste et à effectuer les missions spécifiques qui lui étaient demandées. Par ailleurs, l'administration a relevé les difficultés de l'intéressé à travailler en équipe caractérisées notamment par des altercations verbales, des propos sexistes envers ses collègues ainsi que la persistance de ce comportement en dépit de rappels à l'ordre et d'un changement d'équipe. A l'exception d'un manque d'investissement au début de la période sanitaire, l'intéressé faisant valoir qu'il a été hospitalisé, ces faits qui sont appuyés par des comptes rendus et rapports, ne sont pas sérieusement contredits par le requérant et suffisent à établir son inaptitude à exercer normalement les fonctions pour lesquelles il a été engagé. Si le requérant fait valoir que son supérieur hiérarchique a reconnu qu'" il effectue un travail de qualité, dans le respect des règles de sécurité afférentes à l'exercice de ses missions " et qu'il a entamé des démarches pour apaiser ses difficultés relationnelles, ces circonstances ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation portée par l'autorité territoriale. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que tant le refus de le titulariser que celui de lui accorder une prolongation de stage, qui ne constitue pas un droit, seraient entachés d'une erreur manifeste d'appréciation.
5. En second lieu, si M. B... A... soutient que le refus de titularisation dont il a fait l'objet constitue une sanction, prise en violation de la procédure disciplinaire, il ne ressort ni des termes de la décision du 23 juin 2020 ni d'aucune autre pièce du dossier, que l'administration aurait eu l'intention, en édictant cette décision, d'infliger à M. B... A... une sanction. En outre, s'il ressort des termes mêmes de la décision en litige, qu'il est reproché à l'intéressé, différents manquements à ses obligations professionnelles et notamment l'absence de respect à son devoir d'obéissance hiérarchique ou l'obligation d'effectuer les tâches confiées, et que ces faits auraient été susceptibles de recevoir une qualification disciplinaire, cette circonstance n'est pas, par elle-même, de nature à donner à cette mesure le caractère d'une sanction, dès lors qu'ainsi qu'il vient d'être dit, ces faits sont également susceptibles de caractériser une insuffisance professionnelle. Le moyen tiré de ce que l'administration lui aurait infligé une sanction doit donc être écarté.
6. Toutefois, la circonstance que certains des faits ayant justifié le licenciement de M. B... A... étaient susceptibles de recevoir une qualification disciplinaire, imposait à l'administration de mettre l'intéressé à même de présenter des observations avant que n'intervienne la décision en litige. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la Métropole de Lyon ait adressé à M. B... A... un quelconque courrier l'informant de son intention de ne pas procéder à sa titularisation à l'issue de son stage, en lui indiquant la possibilité d'accéder à son dossier et de se faire assister par le conseil de son choix, afin de l'inviter à présenter sa défense. Dans ces conditions, M. B... A... est fondé à soutenir qu'il a été privé d'une garantie et à solliciter, pour ce seul motif, l'annulation de la décision du 23 juin 2020.
7. Il résulte de ce qui précède que M. B... A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 juin 2020 du président du conseil de la Métropole de Lyon.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Compte tenu du motif d'annulation retenu, le présent arrêt n'implique ni la titularisation, ni la prolongation du stage de M. B... A... mais seulement que soient réexaminés ses droits à être titularisé ou à accomplir une période complémentaire de stage d'une durée maximale d'un an. Il y a donc lieu d'enjoindre à la Métropole de Lyon de procéder à un tel réexamen, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Métropole de Lyon une somme de 2 000 euros, au profit de M. B... A..., sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2006709 du 13 octobre 2021 du tribunal administratif de Lyon et l'arrêté du 23 juin 2020 du président du conseil de la Métropole de Lyon sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au président du conseil de la Métropole de Lyon de réexaminer les droits de M. B... A... à être titularisé ou à accomplir une période complémentaire de stage, dans un délai de trois mois à compter de la date de la notification du présent arrêt.
Article 3 : La Métropole de Lyon versera à M. B... A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... et à la Métropole de Lyon.
Délibéré après l'audience du 6 avril 2023 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre ;
Mme Dèche, présidente assesseure ;
Mme Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 avril 2023.
La rapporteure,
P. Dèche
Le président,
F. Bourrachot,
La greffière,
A-C. Ponnelle
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transformation et de la fonction publiques, en ce qui les concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY04095
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