Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté n° 2019-78124 du 12 juillet 2019 par lequel le président du département de l'Isère a fixé le montant de son indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE), ensemble la décision du 13 septembre 2019 rejetant son recours gracieux.
Par un jugement n° 1907402 du 26 octobre 2021, le tribunal administratif de Grenoble après avoir annulé l'arrêté du 12 juillet 2019, a enjoint au président du département de réexaminer la situation de M. B..., dans un délai de deux mois à compter de la notification de sa décision.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés le 14 décembre 2021, et le 10 octobre 2022, le département de l'Isère, représenté par Me Dalle-Crode, demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 26 octobre 2021 et de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal.
Il soutient que :
- en application de l'article 2 alinéa 3 du décret n° 91-875 du 6 septembre 1991, le président du conseil départemental de l'Isère a en effet tout à fait la compétence pour définir, dans le cadre fixé par l'organe délibérant, les contours de la notion d'" encadrement " s'agissant des " emplois de catégorie B avec encadrement " ;
- l'arrêté litigieux a été pris par une autorité compétente ;
- au regard de sa fiche fonctions, l'intéressé occupe la fonction de référent technique, fonction qui ne comporte aucune responsabilité d'encadrement hiérarchique, alors que les fonctions d'encadrement technique ne peuvent pas être assimilées à un emploi du groupe de fonctions B1, réservé aux emplois de catégorie B avec encadrement ; ainsi l'arrêté contesté n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire enregistré le 19 mai 2022, M. C... B..., représenté par Me Messerly, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à l'annulation de l'arrêté n° 2019-78124 du 12 juillet 2019, ensemble la décision du 13 septembre 2019 rejetant son recours gracieux ;
3°) à ce qu'il soit enjoint au département de l'Isère d'adopter un nouvel arrêté le plaçant sur une classification " coordonnateur avec encadrement " justifiant un classement dans la catégorie B1 au titre de l'indemnité de fonctions et de sujétions (IFSE) et de reconstituer rétroactivement sa carrière, dans un délai d'un mois et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge du département de l'Isère en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- son emploi a été classé sur la base d'une fiche datée du 5 juillet 2019 opérant une distinction entre l'encadrement hiérarchique et l'encadrement fonctionnel sans pour autant que ce critère découle de la délibération du 21 juin 2019 ;
- l'arrêté en litige a été signé par une autorité incompétente ;
- les fonctions qu'il occupe comporte des missions de coordination et d'encadrement correspondant à une indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise du groupe B1 ; ainsi l'arrêté litigieux est entaché d'erreur de droit, d'erreur manifeste d'appréciation et d'erreur de qualification juridique des faits.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le décret n° 91-875 du 6 septembre 1991 pris pour l'application du premier alinéa de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 portant création d'un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel dans la fonction publique de l'État ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure ;
- les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique ;
- et les observations de Me Dalle-Crode, représentant le département de l'Isère, ainsi que celles de Me Messerly, représentant M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 21 juin 2019, le conseil départemental du département de l'Isère a adopté pour ses agents, un nouveau régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP), en s'inspirant de celui institué, pour les agents de l'État, par le décret 2014-513 du 20 mai 2014 portant création de ce régime, et composé d'une part, d'une indemnité de fonctions et de sujétions (IFSE) et d'autre part, d'un complément indemnitaire annuel. Par un arrêté du 12 juillet 2019, le président du département de l'Isère a fixé le montant du régime indemnitaire de M. B..., adjoint principal de 1ère classe, employé en qualité de référent technique dématérialisation du courrier au sein de la direction des ressources humaines, à un montant de 470 euros brut par mois. Le 24 juillet 2019, M. B... a formé un recours gracieux à l'encontre de cet arrêté qui a été rejeté par une décision du 13 septembre 2019. Par un jugement du 26 octobre 2021, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir annulé l'arrêté du 12 juillet 2019, a enjoint au président du département de réexaminer la situation de M. B..., dans un délai de deux mois à compter de la notification de sa décision. Le département de l'Isère relève appel de ce jugement.
2. Aux termes de l'article 88 de la loi susvisée du 26 janvier 1984 : " Les organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs établissements publics fixent les régimes indemnitaires, dans la limite de ceux dont bénéficient les différents services de l'État. Ces régimes indemnitaires peuvent tenir compte des conditions d'exercice des fonctions et de l'engagement professionnel des agents. Lorsque les services de l'État servant de référence bénéficient d'une indemnité servie en deux parts, l'organe délibérant détermine les plafonds applicables à chacune de ces parts et en fixe les critères, sans que la somme des deux parts dépasse le plafond global des primes octroyées aux agents de l'État. / (...) Les organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs établissements publics peuvent décider de maintenir, à titre individuel, au fonctionnaire concerné, le montant indemnitaire dont il bénéficiait en application des dispositions réglementaires antérieures, lorsque ce montant se trouve diminué soit par l'application ou la modification des dispositions réglementaires applicables aux services de l'État servant de référence, soit par l'effet d'une modification des bornes indiciaires du grade dont il est titulaire ". Aux termes de l'article 1er du décret n° 91-875 du 6 septembre 1991 pris pour l'application du premier alinéa de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Le régime indemnitaire fixé par les assemblées délibérantes des collectivités territoriales et les conseils d'administration des établissements publics locaux pour les différentes catégories de fonctionnaires territoriaux ne doit pas être plus favorable que celui dont bénéficient les fonctionnaires de l'État exerçant des fonctions équivalentes. Le tableau joint en annexe établit les équivalences avec la fonction publique de l'État des différents grades des cadres d'emplois de la fonction publique territoriale dans le domaine de l'administration générale, dans le domaine technique, dans le domaine médico-social, dans le domaine culturel, dans le domaine sportif et dans le domaine de l'animation. " Aux termes de l'article 2 du décret précité : " L'assemblée délibérante de la collectivité ou le conseil d'administration de l'établissement fixe, dans les limites prévues à l'article 1er, la nature, les conditions d'attribution et le taux moyen des indemnités applicables aux fonctionnaires de ces collectivités ou établissements. L'organe compétent fixe, notamment, la liste des emplois dont les missions impliquent la réalisation effective d'heures supplémentaires ouvrant droit aux indemnités horaires pour travaux supplémentaires versées dans les conditions prévues pour leur corps de référence figurant en annexe au présent décret. (...). L'autorité investie du pouvoir de nomination détermine, dans cette limite, le taux individuel applicable à chaque fonctionnaire. "
3. Aux termes de l'article 2 du décret du 20 mai 2014 susvisé portant création d'un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel dans la fonction publique de l'État, dans sa rédaction applicable au litige : " Le montant de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise est fixé selon le niveau de responsabilité et d'expertise requis dans l'exercice des fonctions./ Les fonctions occupées par les fonctionnaires d'un même corps ou statut d'emploi sont réparties au sein de différents groupes au regard des critères professionnels suivants :/ 1° Fonctions d'encadrement, de coordination, de pilotage ou de conception ;/ 2° Technicité, expertise, expérience ou qualification nécessaire à l'exercice des fonctions ;/ 3° Sujétions particulières ou degré d'exposition du poste au regard de son environnement professionnel./ Le nombre de groupes de fonctions est fixé pour chaque corps ou statut d'emploi par arrêté du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget et, le cas échéant, du ministre intéressé./ (.....) ".
4. Il résulte des dispositions précitées que, pour mettre en place le RIFSEEP à ses cadres d'emplois, s'il incombe à l'organe délibérant de la collectivité de déterminer les plafonds et les conditions d'attribution de ce régime indemnitaire, en définissant les groupes de fonctions, ainsi que le montant plafond pour chacun de ces groupes de fonctions, dans la limite d'un plafond global, constitué de la somme des deux parts, ainsi que le prévoit l'article 88 précité de la loi du 26 janvier 1984, l'autorité investie du pouvoir de nomination dispose d'un large pouvoir d'appréciation pour répartir les fonctions exercées par ses agents dans les cadres de fonctions définis par la délibération.
5. Par sa délibération du 21 juin 2019, le conseil départemental de l'Isère a mis en place à compter du 1er juillet 2019, le RIFSEEP composé d'une part d'une indemnité de fonctions et de sujétions (IFSE) et d'autre part, d'un complément indemnitaire annuel. En vue de la détermination du montant de l'IFSE aux agents du département, la délibération du 21 juin 2019 a défini douze groupes d'emplois, sans prévoir quelles fonctions pouvaient en relever. Les emplois de catégorie B ont ainsi été répartis en trois groupes comprenant notamment le groupe B1 " emplois avec encadrement " et le groupe B2 " emplois avec technicité particulière " au sein duquel a été classé l'emploi du requérant.
6. Pour annuler l'arrêté du 12 juillet 2019 du président du département de l'Isère fixant l'IFSE de M. B..., le tribunal administratif a considéré que, pour classer le poste de l'intéressé dans la catégorie B 2 " emplois avec technicité particulière de catégorie B ", en se fondant sur la distinction entre " animation fonctionnelle " et " encadrement hiérarchique " qui ne résulte pas des termes de la délibération du 21 juin 2019, laquelle se borne à retenir la notion d' " encadrement ", l'autorité administrative a mis en œuvre des critères qu'elle n'était pas compétente à définir, dès lors que la fixation du régime indemnitaire relève en application de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 précité de l'organe délibérant. Le tribunal en a déduit que ces critères n'étaient pas opposables à l'intéressé. Toutefois, en se fondant sur la distinction entre " animation fonctionnelle " et " encadrement hiérarchique ", définie notamment dans une note interne établie le 5 juillet 2019, en vue de la mise en place du RIFSEEP, l'autorité administrative s'est bornée à faire usage du pouvoir d'appréciation qu'elle tient en sa qualité de chef service, pour classer le poste de M. B... au sein du groupe B 2 " emplois avec technicité particulière de catégorie B ", institué par la délibération du 21 juin 2019. Dès lors, l'autorité administrative était en droit d'opposer à l'intéressé ces critères d'appréciation concernant le classement de son poste, dans l'un des groupes de fonctions tels qu'ils ont été institués par la délibération du 21 juin 2019.
7. Il résulte de tout ce qui précède que le département de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 12 juillet 2019 et a enjoint à son président de réexaminer la situation de M. B....
8. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif et la cour.
9. En premier lieu, la décision du 12 juillet 2019 a été signée par Mme A... D..., cheffe du service de gestion du personnel, qui disposait d'une délégation à cet effet par arrêté n° 2019-832 en date du 18 février 2019 du président du conseil départemental de l'Isère, régulièrement publié. Cet arrêté du 18 février 2019 énumère dans son article 2 les actes exclus du champ de la délégation de signature accordée, parmi lesquelles ne figurent pas les décisions fixant le montant de l'IFSE. De telles décisions entrent dans le champ des décisions se rapportant aux attributions de la direction des ressources humaines pour lesquelles la cheffe de service de gestion du personnel bénéficiait de ladite délégation de signature. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée doit être écarté.
10. En second lieu, M. B... soutient que c'est à tort qu'il été classé dans le groupe B 2 " emplois avec technicité particulière de catégorie B ", et qu'il relève eu égard à ses missions, du groupe d'emploi B 1 " Emplois de catégorie B avec encadrement ". Il fait valoir qu'il assure l'encadrement d'une équipe ainsi que le mentionne sa fiche de poste. Toutefois, le département précise sans être sérieusement contredit qu'il s'agit d'un encadrement technique et fonctionnel et non d'un encadrement hiérarchique, comportant notamment des responsabilités en terme d'évaluation des agents, de gestion administrative, financière et budgétaire du service et que les fonctions relevant du groupe B 1 comportent toutes de telles responsabilités relevant de l'exercice d'un encadrement hiérarchique, ainsi qu'il en ressort des fiches fonctions qu'il produit concernant les emplois recensés dans la catégorie B 1. De telles responsabilités ne ressortent pas de la fiche relative au poste occupé par l'intéressé qui indique qu'il exerce la fonction de " référent technique ", laquelle ne comprend pas d'encadrement hiérarchique. Ainsi, contrairement à ce que le requérant soutient, les fonctions qu'il exerce relèvent bien de la catégorie B 2 " emplois avec technicité particulière de catégorie B ", qui renvoie, selon la notice établie le 5 juillet 2019, en vue de la mise en place du RIFSEEP, à l'exercice d'une " animation fonctionnelle " accompagnée d'une technicité particulière caractérisée par " une connaissance pointue dans un domaine et le suivi de l'évolution des dispositions législatives et réglementaires relatives à ce domaine ", " une exposition directe et temps de travail avec les instances décisionnelles " et " une transmission du savoir et la délivrance de conseil ". Dans ces conditions, et alors que le requérant ne peut utilement se prévaloir de son expérience ainsi que de son ancienneté professionnelle, la circonstance que M. B... assure l'encadrement opérationnel d'une équipe ne suffit pas à démontrer que le président du département de l'Isère aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en le classant dans le groupe d'emplois B 2 " emplois avec technicité particulière de catégorie B ".
11. Il résulte de ce qui précède que le département de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 12 juillet 2019 et a enjoint au président du département de réexaminer la situation de M. B..., dans un délai de deux mois à compter de la notification de sa décision.
Sur les frais liés à l'instance :
12. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département de l'Isère, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1907402 du 26 octobre 2021 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Grenoble et ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au département de l'Isère et à M. C... B....
Délibéré après l'audience du 6 avril 2023 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre ;
Mme Dèche, présidente assesseure ;
Mme Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 avril 2023.
La rapporteure,
P. Dèche
Le président,
F. Bourrachot,
La greffière,
A-C. Ponnelle
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transformation et de la fonction publiques, en ce qui les concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 21LY04088
al