Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté n° 2019-79842 du 12 juillet 2019 par lequel le président du département de l'Isère a fixé le montant de son régime indemnitaire, ensemble la décision du 4 octobre 2019 rejetant son recours gracieux.
Par un jugement n° 1908009 du 26 octobre 2021, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés le 14 décembre 2021 et le 10 octobre 2022, le département de l'Isère, représenté par Me Dalle-Crode, demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 26 octobre 2021 et de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le tribunal.
Il soutient que :
- contrairement à ce qu'a considéré le tribunal, le président du conseil départemental ne peut être regardé comme ayant soumis l'emploi de l'intéressée au régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP) ; ainsi, les dispositions de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 n'ont pas été méconnues ;
- l'arrêté contesté qui a été pris par une autorité compétente est suffisamment motivé ;
- en fixant une indemnité mensuelle de 560 euros bruts au titre du régime indemnitaire, cette décision n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation, ni d'aucune erreur de fait ;
- cette décision n'est pas dépourvue de base légale.
Par un mémoire enregistré le 28 septembre 2022, Mme A..., représentée par Me Muridi, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge du département de l'Isère en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision en litige a été prise par une autorité incompétente ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- le versement d'une indemnité de 560 euros fondé uniquement sur la délibération du 21 juin 2019 instituant le régime indemnitaire des agents du département et qui place ainsi son emploi dans la catégorie A 7 du régime RIFSEEP méconnaît l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 ;
- le travail de sage-femme implique une forte exposition, ainsi qu'une expertise du poste et un travail de coordination entre les acteurs, dès lors, la fixation d'une indemnité à 560 euros est nécessairement entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le décret n° 91-875 du 6 septembre 1991 pris pour l'application du premier alinéa de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 portant création d'un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel dans la fonction publique de l'État ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure ;
- les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique ;
- et les observations de Me Dalle-Crode, représentant le département de l'Isère ;
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 21 juin 2019, le conseil départemental du département de l'Isère a adopté pour ses agents, un nouveau régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP), en s'inspirant de celui institué, pour les agents de l'État, par le décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 portant création de ce régime, et composé d'une part, d'une indemnité de fonctions et de sujétions (IFSE) et d'autre part, d'un complément indemnitaire annuel. Par un arrêté du 12 juillet 2019, le président du département de l'Isère a fixé le montant du régime indemnitaire de Mme A..., sage-femme territoriale, à un montant de 560 euros brut par mois. Le 9 septembre 2019, Mme A... a formé un recours gracieux à l'encontre de cet arrêté qui a été rejeté par une décision du 4 octobre 2019. Le département de l'Isère relève appel du jugement du 26 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à la demande de Mme A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 juillet 2019, ainsi que de la décision du 4 octobre 2019 rejetant son recours gracieux.
2. Aux termes de l'article 88 de la loi susvisée du 26 janvier 1984 : " Les organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs établissements publics fixent les régimes indemnitaires, dans la limite de ceux dont bénéficient les différents services de l'État. Ces régimes indemnitaires peuvent tenir compte des conditions d'exercice des fonctions et de l'engagement professionnel des agents. Lorsque les services de l'État servant de référence bénéficient d'une indemnité servie en deux parts, l'organe délibérant détermine les plafonds applicables à chacune de ces parts et en fixe les critères, sans que la somme des deux parts dépasse le plafond global des primes octroyées aux agents de l'État. / (...) Les organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs établissements publics peuvent décider de maintenir, à titre individuel, au fonctionnaire concerné, le montant indemnitaire dont il bénéficiait en application des dispositions réglementaires antérieures, lorsque ce montant se trouve diminué soit par l'application ou la modification des dispositions réglementaires applicables aux services de l'État servant de référence, soit par l'effet d'une modification des bornes indiciaires du grade dont il est titulaire ". Aux termes de l'article 1er du décret n° 91-875 du 6 septembre 1991 pris pour l'application du premier alinéa de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Le régime indemnitaire fixé par les assemblées délibérantes des collectivités territoriales et les conseils d'administration des établissements publics locaux pour les différentes catégories de fonctionnaires territoriaux ne doit pas être plus favorable que celui dont bénéficient les fonctionnaires de l'État exerçant des fonctions équivalentes. Le tableau joint en annexe établit les équivalences avec la fonction publique de l'État des différents grades des cadres d'emplois de la fonction publique territoriale dans le domaine de l'administration générale, dans le domaine technique, dans le domaine médico-social, dans le domaine culturel, dans le domaine sportif et dans le domaine de l'animation. " Aux termes de l'article 2 du décret précité : " L'assemblée délibérante de la collectivité ou le conseil d'administration de l'établissement fixe, dans les limites prévues à l'article 1er, la nature, les conditions d'attribution et le taux moyen des indemnités applicables aux fonctionnaires de ces collectivités ou établissements. L'organe compétent fixe, notamment, la liste des emplois dont les missions impliquent la réalisation effective d'heures supplémentaires ouvrant droit aux indemnités horaires pour travaux supplémentaires versées dans les conditions prévues pour leur corps de référence figurant en annexe au présent décret. (...). L'autorité investie du pouvoir de nomination détermine, dans cette limite, le taux individuel applicable à chaque fonctionnaire. "
3. Dès lors qu'en vertu du principe de parité, les dispositions précitées de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 et du décret du 6 septembre 1991 font obligation à l'assemblée délibérante de ne pas dépasser le plafond global des primes octroyées aux agents de l'État, l'application du RIFSEEP aux agents des collectivités territoriales nécessite que l'application de ce régime indemnitaire aux agents de la fonction publique de l'État relevant de corps équivalents ait été préalablement mis en œuvre.
4. En application de l'annexe du décret du 6 septembre 1991, le cadre d'emplois des sages-femmes territoriales est assimilable à celui des cadres de santé civils du ministère de la défense. Il est constant qu'à la date de l'arrêté en litige, le RIFSEEP n'avait pas encore été rendu applicable au X cadres de santé civils du ministère de la défense. Dès lors, ce régime indemnitaire ne pouvait légalement être mis en œuvre en ce qui concerne le cadre d'emplois des sages-femmes territoriales, auquel appartient l'intéressée.
5. Le département fait valoir que l'arrêté en litige du 12 juillet 2019 ne fait jamais mention d'une IFSE mais simplement d'une " attribution de régime indemnitaire ", ce qui révèle que le président du conseil départemental n'a pas jamais eu l'intention de soumettre l'emploi de l'intéressée au RIFSEEP. Il ajoute que le courrier en date du 15 juillet 2019 accompagnant la décision en litige indique expressément que le cadre d'emplois des sages-femmes n'est pas éligible au RIFSEEP, que la délibération du 21 juin 2019 fait expressément référence dans son point 6.2 aux cadres d'emplois non éligibles au RIFSEEP, dont celui de sage-femme et que ce n'est qu'à compter de la délibération du 23 octobre 2020 que les agents départementaux exerçant la fonction de sage-femme ont pu percevoir une IFSE dans le cadre de la mise en place du RIFSEEP.
6. S'il ressort de la délibération du 21 juin 2019, que la collectivité a distingué les cadres d'emplois éligibles au RIFSEEP et les cadres d'emplois non éligibles en énumérant dans des points 6.1 et 6.2 respectivement les textes réglementaires concernant les corps de la fonction publique d'État correspondant, aucune disposition de cette délibération ne définit les modalités spécifiques du régime indemnitaire adopté pour les cadres d'emplois non éligibles au RIFSEEP, ni ne fixe pour ces agents, les montants de primes calculés au maximum de ce que peuvent percevoir les agents de la fonction publique d'État ayant un emploi comparable. Ainsi, la délibération du 21 juin 2019, n'établit aucune distinction autre que formelle entre les cadres d'emplois pouvant immédiatement se voir appliquer le RIFSEEP de ceux devant se voir appliquer un régime transitoire. Ainsi, contrairement à ce que soutient le département, en adoptant cette délibération, le conseil départemental du département de l'Isère a autorisé l'application immédiate du RIFSEEP aux agents appartenant à des cadres d'emplois qui n'étaient pas encore éligibles à ce régime indemnitaire.
7. S'agissant du cadre d'emplois dont relève la requérante, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée a été destinataire d'un courrier du 15 juillet 2019 de la directrice générale des services du département l'informant à titre personnel de ce que le département avait modifié sa délibération sur le régime indemnitaire et avait adopté le régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP), dans sa délibération du 21 juin 2019. Ce courrier explique la composition de ce nouveau régime indemnitaire et après avoir indiqué qu'il " est à noter que pour certains cadres d'emplois, dont le vôtre, le RIFSEEP n'est pas encore prévu à ce jour par les textes ou les décrets d'application ne sont pas encore parus ", ajoute que " pour autant la collectivité a fait le choix de revaloriser les montants de régime indemnitaire vous concernant ". Ce courrier explique ensuite à l'intéressée que la délibération du 21 juin 2019 prévoit douze groupes de fonctions et que chaque poste de la collectivité est classé dans un de ses groupes et l'informe qu'en sa qualité de sage-femme de PMI, elle relève du groupe A 7, correspondant à 560 euros brut par mois pour un poste à temps complet. Ce courrier s'achève par l'annonce à l'intéressée de la transmission d'un arrêté relatif à son régime indemnitaire. Il résulte de ce courrier que le département de l'Isère a clairement entendu appliquer le RIFSEEP à l'intéressée et ne s'est pas simplement borné, ainsi qu'il le prétend, à prendre comme référence les montants des plafonds indemnitaires prévus par la délibération du 21 juin 2019. Cette application du RIFSEEP à l'intéressée ressort également du courrier du 4 octobre 2019 rejetant son recours gracieux qui indique expressément que son régime indemnitaire a été révisé, en application de la classification par fonctions qui fonde le nouveau régime indemnitaire instauré par la délibération du 21 juin 2019 pour les agents du département. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige n'aurait pas appliqué le RIFSEEP à l'intéressée doit être écarté.
8. Il résulte de ce qui précède que le département de l'Isère n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a considéré qu'en appliquant le RIFSEEP aux sages-femmes territoriales alors que le corps de référence de la fonction publique d'État n'y était pas soumis, l'arrêté en litige avait été pris en méconnaissance du principe de parité énoncé par les dispositions précitées de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 et que, pour ce motif, il en a prononcé l'annulation.
Sur les frais liés à l'instance :
9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner le département de l'Isère à verser à Mme A..., une somme de 2 000 euros, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du département de l'Isère est rejetée.
Article 2 : Le département de l'Isère est condamné à verser à Mme A..., une somme de 2 000 euros, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au département de l'Isère et à Mme B... A....
Délibéré après l'audience du 6 avril 2023 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre ;
Mme Dèche, présidente assesseure ;
Mme Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 avril 2023.
La rapporteure,
P. Dèche
Le président,
F. Bourrachot,
La greffière,
A-C. Ponnelle
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transformation et de la fonction publiques, en ce qui les concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 21LY04086
al