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27/04/2023 | FRANCE | N°21LY00004

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 27 avril 2023, 21LY00004


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme C... et G... E..., M. D... E..., M. B... E..., Mme H... E..., épouse F..., et M. A... E... ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 8 octobre 2019 par lequel le préfet du Rhône a déclaré d'utilité publique les travaux à entreprendre par la communauté de communes de la vallée du Garon pour la réalisation du projet d'élargissement de la voie d'accès au centre aquatique Aquagaron, sur le territoire de la commune de Brignais.

Par un jugement n° 1909706 du 4 nov

embre 2020, le tribunal a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme C... et G... E..., M. D... E..., M. B... E..., Mme H... E..., épouse F..., et M. A... E... ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 8 octobre 2019 par lequel le préfet du Rhône a déclaré d'utilité publique les travaux à entreprendre par la communauté de communes de la vallée du Garon pour la réalisation du projet d'élargissement de la voie d'accès au centre aquatique Aquagaron, sur le territoire de la commune de Brignais.

Par un jugement n° 1909706 du 4 novembre 2020, le tribunal a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés le 4 janvier 2021 et le 12 décembre 2022, M. et Mme C... et G... E..., M. D... E..., M. B... E..., Mme H... E..., épouse F..., et M. A... E..., représentés par Me Dadon, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté du 8 octobre 2019 ;

2°) subsidiairement d'enjoindre au préfet du Rhône d'abroger l'arrêté du 8 octobre 2019 ;

3°) de condamner solidairement l'Etat et la communauté de communes de la vallée du Garon à leur verser la somme de 6 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement est insuffisamment motivé en ce qui concerne la réponse au moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 112-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le tribunal aurait dû juger que le silence du défendeur valait acquiescement aux faits ;

- l'autorité expropriante est incompétente dès lors que la voie d'accès au centre Aquagaron ne fait pas partie de la voirie d'intérêt communautaire ;

- le dossier d'enquête public comporte une appréciation sommaire des dépenses incomplète et sous-évaluée, en méconnaissance de l'article R. 112-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le projet, qui impacte une zone humide, méconnaît le principe de prévention ;

- le projet n'a pas d'utilité publique ;

- l'arrêté est entaché de détournement de procédure et de pouvoir ;

- l'approbation du plan local d'urbanisme quatre mois après l'arrêté litigieux, identifiant une zone humide, a fait perdre au projet son caractère d'utilité publique.

Par mémoire enregistré le 9 novembre 2022, la communauté de communes de la Vallée du Garon, représentée par Me Soy, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge des consorts E... une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens présentés par les consorts E... ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 20 janvier 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens présentés par les consorts E... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Duguit-Larcher, première conseillère,

- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public,

- et les observations de Me Mathevon pour les consorts E... et de Me Benabdessadok pour la communauté de communes de la vallée du Garon ;

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 8 octobre 2019 le préfet du Rhône a déclaré d'utilité publique les travaux à entreprendre par la communauté de communes de la vallée du Garon pour la réalisation du projet d'élargissement de la voie d'accès au centre aquatique Aquagaron, sur le territoire de la commune de Brignais et autorisé l'expropriation des parcelles de terrain nécessaires. Les consorts E..., propriétaires indivis de la parcelle cadastrée AP 18 située rue du Douanier Rousseau dont une partie se trouve sur l'emprise du projet, ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler cet arrêté. Ils relèvent appel du jugement du 4 novembre 2020 par lequel le tribunal a rejeté leur demande.

Sur la régularité du jugement :

2. Le tribunal a exposé, aux points 7 et 8 du jugement, les motifs sur lesquels il s'est fondé pour écarter le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article R. 112-4 du code de l'expropriation publique ont été méconnues. Son jugement est suffisamment motivé.

3. Il ressort des pièces du dossier qu'aucune mise en demeure de défendre n'a été adressée devant le tribunal aux défendeurs sur le fondement des dispositions de l'article R. 612-6 du code de justice administrative. Ils ne pouvaient, par suite, pas être réputés avoir acquiescé aux faits en application de cet article. Par voie de conséquence, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le tribunal, en ne regardant pas le préfet du Rhône et la communauté de communes de la vallée du Garon comme ayant acquiescé aux faits, aurait entaché son jugement d'irrégularité.

Sur la légalité de l'arrêté déclarant d'utilité publique le projet :

4. En premier lieu, aux termes du II de l'article L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales : " La communauté de communes peut (...) exercer, en lieu et place des communes, pour la conduite d'actions d'intérêt communautaire, les compétences relevant des groupes suivants (...) 3° Création, aménagement et entretien de la voirie (...) ". L'arrêté préfectoral du 1er février 2018 approuvant ses statuts attribue à la communauté de communes de la vallée du Garon la compétence définie au 3° de l'article L. 5214-16 précité. La délibération du 22 novembre 2016 du conseil communautaire de ladite communauté de communes précise que : " Sont d'intérêt communautaire, les voies et leurs annexes, voies qui répondent à l'un des critères suivants : voies desservant des habitations, voies assurant des liaisons entre routes départementales ou nationales. / Sont exclus de la compétence de la Communauté, les places et les parkings sans lien avec la voirie ainsi que les chemins ruraux. / (...) / la communauté de communes est compétente pour l'étude, l'élaboration et la mise en œuvre d'un schéma de voiries réservées aux modes doux de circulation ". Par suite, la communauté de communes de la vallée du Garon était compétente pour procéder à l'élargissement de l'emprise de la rue du Douanier Rousseau qui dessert des habitations afin d'y établir une piste cyclable et un trottoir. Le moyen tiré de ce que la communauté de communes n'était pas compétente pour demander au préfet de déclarer d'utilité publique le projet doit être écarté.

5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'évaluation environnementale réalisée pour la révision du plan local d'urbanisme de la commune de Brignais dont le projet avait été arrêté le 11 juillet 2019, mentionne la présence de végétation hygrophile le long de la rue du Douanier Rousseau et du chemin de Rochilly et identifie cette zone comme une zone humide à protéger. Les limites de cette zone humide figurent dans le plan de zonage du plan local d'urbanisme approuvé postérieurement à l'arrêté litigieux. Les emprises à exproprier sur la parcelle AP 18, soit 469 m2, figurent sur le plan parcellaire joint au dossier d'enquête parcellaire, à une échelle trop peu précise pour permettre un report fiable de cette zone sur le document d'urbanisme. En revanche, il ressort du plan général des travaux inséré au dossier d'enquête publique, à l'échelle 1/250ème, que ces emprises, plus étroites que l'emplacement réservé, forment une bande de terrain orientée d'Ouest en Est, d'une largeur , à l'extrémité Ouest, de l'ordre de 5 mètres mesurée depuis la limite sud de l'actuelle rue du Douanier Rousseau, réduite progressivement à 3 mètres à l'extrémité Est de la parcelle AP 18, afin de coïncider avec l'angle Sud-Est de la zone humide délimitée sur la même parcelle, sans empiéter sur cette zone protégée. Ainsi, contrairement à ce que soutiennent les requérants, et alors même qu'ils ne sont pas contredits par le ministre sur ce point, le terrain à exproprier, tel que déterminé dans le dossier d'enquête publique, épargne la zone humide. Par suite, et sans égard aux mentions contradictoires portées sur l'arrêté de cessibilité pris le 29 juillet 2020, les consorts E... ne sont pas fondés à soutenir que le projet déclaré d'utilité publique par l'arrêté litigieux, porterait atteinte à un secteur identifié comme présentant un intérêt environnemental, et méconnaitrait de ce fait le principe de prévention.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 112-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d'ouvrages, l'expropriant adresse au préfet (...), pour qu'il soit soumis à l'enquête, un dossier comprenant au moins : (...) 5° L'appréciation sommaire des dépenses ". L'obligation ainsi faite à l'autorité publique qui poursuit la déclaration d'utilité publique de travaux ou d'ouvrages a pour but de permettre à tous les intéressés de s'assurer que ces travaux ou ouvrages, compte tenu de leur coût total réel, tel qu'il peut être raisonnablement apprécié à l'époque de l'enquête, ont un caractère d'utilité publique.

7. Le dossier adressé par la communauté de communes au préfet comporte l'appréciation sommaire des dépenses. Le coût de l'opération correspondant au réaménagement de la chaussée de la rue du Douanier Rousseau est chiffré à 239 884,52 euros HT. Il inclut le montant des acquisitions (hors frais de notaire), l'indemnité de remploi et le montant des travaux. Sont distingués les coûts relevant de la partie des travaux d'ores et déjà réalisés et ceux restant à réaliser. L'estimation sommaire des dépenses n'avait pas à faire apparaître le coût des travaux du chemin de la Lande, déjà réalisés et qui concernent la construction d'une piste cyclable dans une rue limitrophe, ni ceux de l'aménagement de 50 mètres supplémentaires de voie et d'un ouvrage d'art qui permettraient, à terme, de relier la nouvelle voie cyclable à une voie préexistante, ce projet étant distinct du projet autorisé par l'arrêté litigieux. Enfin, compte tenu de ce qui a été indiqué au point 5, le projet ne porte atteinte à aucune zone humide et l'évaluation sommaire des dépenses ne devait, en conséquence, pas comprendre le chiffrage de mesures permettant de compenser une telle atteinte. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'estimation sommaire des dépenses était insuffisante.

8. En quatrième lieu, il appartient au juge, lorsqu'il doit se prononcer sur le caractère d'utilité publique d'une opération nécessitant l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu'elle répond à une finalité d'intérêt général, que l'expropriant n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation, notamment en utilisant des biens se trouvant dans son patrimoine et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social ou économique que comporte l'opération ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente.

9. L'opération en cause consiste à poursuivre l'aménagement de la rue du Douanier Rousseau afin d'y créer des cheminements piétons ainsi que des voies de vélo. Cette rue, bordée dans sa partie sud d'habitations, constitue depuis la route départementale la plus proche l'un des moyens d'accès au centre aquatique Aquagaron qui accueille jusqu'à 15 000 usagers par mois, dont de nombreux écoliers qui y arrivent en car. Ces aménagements permettront de sécuriser la circulation sur cette rue, tant pour les véhicules que pour les piétons, et de fluidifier la circulation, la rue présentant un décroché au niveau de la parcelle des consorts E.... Cette opération répond à une finalité d'intérêt général. Elle ne pourrait être réalisée dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation. Son coût n'apparaît pas excessif. L'atteinte portée à la propriété des consorts E... est limitée, puisque l'opération concerne une bande de terrain le long de la voie actuelle, qui représente moins de 5 % de la superficie de leur parcelle qui n'est pas bâtie et est actuellement non constructible. Cette opération ne les prive pas d'un accès futur à la rue du Douanier Rousseau. Enfin, cette opération n'empiète pas, ainsi que cela ressort des documents graphiques, sur la zone humide située à proximité dont l'existence avait été constatée peu de temps auparavant. Dans ces conditions, ce projet, qui ne présente pas d'inconvénients excessifs et répond à une finalité d'intérêt général, présente un caractère d'utilité publique.

10. En dernier lieu les requérants reprennent en appel, sans les assortir de précisions pertinentes, les moyens tirés de ce que l'arrêté serait entaché d'un détournement de procédure et d'un détournement de pouvoir. Il y a lieu, par adoption des motifs du tribunal de les écarter.

11. Il résulte de ce qui précède que les consorts E... ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté leur demande. Leur requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris en ses conclusions aux fins d'injonction compte tenu de ce qui a été dit au point 9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des consorts E... une somme à verser à la communauté de communes sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête des consorts E... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la communauté de communes de la vallée du Garon présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... et G... E..., désignés représentant unique des requérants, à la communauté de communes de la vallée du Garon et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.

Délibéré après l'audience du 30 mars 2023, à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président,

Mme Evrard, présidente assesseure,

Mme Duguit-Larcher, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 avril 2023.

La rapporteure,

A. Duguit-LarcherLe président,

Ph. Arbarétaz

Le greffier,

J. Billot

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier,

2

N° 21LY00004


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY00004
Date de la décision : 27/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

34-01-01 Expropriation pour cause d'utilité publique. - Notions générales. - Notion d'utilité publique.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : CABINET GUITTON-DADON

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-04-27;21ly00004 ?
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