La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/04/2023 | FRANCE | N°21LY00334

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 19 avril 2023, 21LY00334


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par une première demande, M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon : 1°) d'annuler la décision du 28 mars 2019 par laquelle la directrice de l'Etablissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Mellet-Mandard (Saint-Just-Saint-Rambert) a refusé de reconnaître l'imputabilité au service et d'assurer la prise en charge de ses arrêts de travail entre le 24 janvier et le 9 décembre 2018 ; 2°) d'enjoindre au directeur de l'EHPAD Mellet-Mandard de reconnaître l'imputabilité

au service de son état de santé et de régulariser sa situation administrative ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par une première demande, M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon : 1°) d'annuler la décision du 28 mars 2019 par laquelle la directrice de l'Etablissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Mellet-Mandard (Saint-Just-Saint-Rambert) a refusé de reconnaître l'imputabilité au service et d'assurer la prise en charge de ses arrêts de travail entre le 24 janvier et le 9 décembre 2018 ; 2°) d'enjoindre au directeur de l'EHPAD Mellet-Mandard de reconnaître l'imputabilité au service de son état de santé et de régulariser sa situation administrative dans le délai d'un mois ; 3°) de mettre à la charge de l'EHPAD Mellet-Mandard une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une seconde demande, M. A... a demandé au tribunal administratif de Lyon : 1°) d'annuler l'arrêté du 28 mars 2019 par lequel la directrice de l'EHPAD Mellet-Mandard (Saint-Just-Saint-Rambert) l'a placé en congé de maladie ordinaire du 27 janvier 2018 au 21 août 2018 et en disponibilité d'office du 22 août 2018 au 24 février 2019 ; 2°) d'enjoindre au directeur de l'EHPAD Mellet-Mandard de reconnaître l'imputabilité au service de son état de santé, de le réintégrer et de régulariser sa situation dans le délai d'un mois ; 3°) de mettre à la charge de l'EHPAD Mellet-Mandard une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1907414-1907416 du 2 décembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 2 février 2021, M. A..., représenté par Me Bertrand-Hébrard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 2 décembre 2020 ;

2°) d'annuler la décision du 28 mars 2019 par laquelle la directrice de l'Etablissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Mellet-Mandard (Saint-Just-Saint-Rambert) a refusé de reconnaître l'imputabilité au service et d'assurer la prise en charge de ses arrêts de travail entre le 24 janvier et le 9 décembre 2018 ;

3°) d'annuler l'arrêté du 28 mars 2019 par lequel la directrice de l'EHPAD Mellet-Mandard (Saint-Just-Saint-Rambert) l'a placé en congé de maladie ordinaire du 27 janvier 2018 au 21 août 2018 et en disponibilité d'office du 22 août 2018 au 24 février 2019 ;

4°) d'enjoindre au directeur de l'EHPAD Mellet-Mandard, d'une part, de reconnaître l'imputabilité au service de son état de santé et de régulariser sa situation administrative dans le délai d'un mois, d'autre part, de le réintégrer ;

5°) de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de l'EHPAD Mellet-Mandard au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision de refus d'imputabilité contestée est entachée d'un vice de procédure, dès lors qu'elle a été prise en violation du secret médical ;

- l'EHPAD n'a jamais sollicité l'avis du médecin de prévention lors de l'instruction de la demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de son état de santé ;

- les conclusions de l'expertise du docteur D..., dont il n'est pas établi qu'il serait agréé, et inscrit sur la liste établie à cet effet, ne pouvaient fonder un refus d'imputabilité ;

- la décision de refus d'imputabilité est entachée d'erreur de droit, l'EHPAD ayant entendu subordonner la reconnaissance de l'imputabilité de l'état de santé, à l'établissement d'un lien direct et certain entre les arrêts de travail et l'accident ; la rechute d'un accident de service se caractérise par la récidive ou l'aggravation subite et naturelle de l'affection initiale après sa consolidation sans intervention d'une cause extérieure ; il n'est fait d'état d'aucune cause extérieure en l'espèce ;

- l'arrêté du 28 mars 2019 est insuffisamment motivé ;

- l'illégalité du refus de reconnaître l'imputabilité au service de son état de santé entache d'illégalité son placement consécutif en congé de maladie ordinaire ;

- il ne pouvait légalement être placé en disponibilité d'office dès lors qu'il n'est pas établi que son état de santé ne lui permettait pas de remplir ses fonctions ; en tout était de cause, il n'a pas été avisé de la possibilité de présenter une demande de congé de longue maladie ;

- ses droits à congés ne peuvent être regardés comme épuisés compte tenu de l'illégalité du refus de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 octobre 2021, l'EHPAD Mellet-Mandard, représenté par la Selarl BLT Droit public, agissant par Me Bonnet, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge du requérant en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés sont infondés.

Par ordonnance du 22 mars 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 mai 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

- le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique hospitalière ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère,

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me Denizot pour l'EHPAD Mellet-Mandard.

Considérant ce qui suit :

1. Ouvrier principal employé par l'Etablissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Mellet-Mandard de Saint-Just-Saint-Rambert, M. A... a été victime le 16 octobre 2007 d'un accident de travail du genou gauche, responsable d'une fissure de la corne postérieure du ménisque interne, qui a justifié une ménisectomie interne le 3 mars 2008. L'hospitalisation du 3 mars 2008 au 4 mars 2008 et les arrêts de travail jusqu'au 27 mars 2008, puis du 22 avril au 2 juin 2008, ont été considérés comme imputables au service. L'apparition d'un nouvel épisode douloureux a justifié un nouvel arrêt de travail de M. A... à compter du 22 août 2017. Le 24 janvier 2018, un arthroscanner a révélé une fissure horizontale incomplète stable de la corne postérieure du ménisque interne sans lésion cartilagineuse ou ligamentaire associée, qui a justifié que soit pratiquée une nouvelle intervention chirurgicale le 17 mai 2018. M. A... a présenté un certificat de rechute d'accident du travail et a demandé que cette lésion soit reconnue comme également imputable au service. M. A... relève appel du jugement du 2 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 28 mars 2019 par lesquels la directrice de l'EHPAD Mellet-Mandard a refusé de reconnaître l'imputabilité au service des arrêts de travail liés à ce nouvel épisode douloureux entre le 24 janvier et le 9 décembre 2018, l'a maintenu en congé de maladie ordinaire pour la période courant du 27 janvier au 21 août 2018 puis l'a placé en disponibilité d'office du 22 août 2018 au 24 février 2019.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 applicable en l'espèce : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs (...). Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...). Toutefois, si la maladie provient (...) d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ". (...).

3. Constitue un accident de service, pour l'application de ces dispositions à la date des faits de l'espèce, tout évènement, quelle qu'en soit la nature, survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci, sauf si des circonstances particulières ou une faute personnelle du fonctionnaire titulaire ou stagiaire détachent cet événement du service. Ces dispositions trouvent également à s'appliquer en cas de rechute ou de nouvel épisode douloureux. La rechute d'un accident de service, qui se caractérise par la récidive ou l'aggravation subite et naturelle de l'affection initiale après sa consolidation sans intervention d'une cause extérieure, s'apprécie par rapport à un accident préalablement reconnu imputable au service.

4. S'il a été victime d'un traumatisme sur le même genou en janvier 2007 suite à un accident survenu durant un match de football, avec diagnostic d'entorse du ligament interne, l'expertise médicale alors diligentée pour l'instruction de la demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident initial a relevé qu'en l'absence de douleurs depuis mars 2007, l'articulation était saine lors de l'accident de travail du 16 octobre 2007. L'imputabilité au service de l'accident initial ayant été définitivement admise, l'EHPAD Mellet-Mandard ne saurait utilement revenir sur l'existence d'un traumatisme du genou gauche en janvier 2007, ayant précédé cet accident, dont par ailleurs aucun élément du dossier ne permet d'établir qu'il puisse être à l'origine du nouvel épisode douloureux dont a souffert le requérant à compter du 22 août 2017. Il ne peut sérieusement se prévaloir, à cet égard, ni d'une faute de frappe commise dans le formulaire Cerfa de déclaration d'accident du travail s'agissant de la première constatation médicale de la maladie professionnelle, ni d'une prétendue incohérence du rapport d'expertise du docteur C..., dont les conclusions indiquent clairement que les arrêts de travail depuis le 24 janvier 2018 sont en relation avec l'accident du 17 octobre 2007 et doivent être considérés comme une rechute de cet accident du travail. L'IRM du 21 décembre 2007 et l'arthroscanner du 24 janvier 2018 ont objectivé une fissure de la corne postérieure du ménisque interne, de sorte que M. A... a bien présenté en 2017 une récidive d'une lésion méniscale, de même nature que celle résultant de l'accident initial. Si l'EHPAD Mellet-Mandard soutient que cette nouvelle lésion serait sans lien avec l'accident de service survenu le 16 octobre 2007, il ne se prévaut d'aucune cause extérieure de nature à l'expliquer. En particulier, il n'y a pas eu de nouveau fait traumatique, comme l'ont relevé les premiers juges, de sorte que, quelle qu'en soit la date d'apparition et comme l'a admis la commission de réforme dans son avis favorable émis le 11 janvier 2019, l'imputabilité de cette rechute à l'accident de service initial doit être reconnue.

5. Compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, M. A... est fondé à soutenir que la décision de refus d'imputabilité étant entachée d'illégalité, par voie de conséquence, l'arrêté du 28 mars 2019 par lequel la directrice de l'EHPAD Mellet-Mandard l'a placé en congé de maladie ordinaire du 27 janvier 2018 au 21 août 2018 et en disponibilité d'office du 22 août 2018 au 24 février 2019, doit être annulé.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ". Aux termes de l'article L. 911-3 du même code : " La juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L.911-1 et L.911-2, d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet ".

7. Eu égard au motif de l'annulation qu'il prononce, le présent arrêt implique qu'il soit enjoint à la directrice de l'EHPAD Mellet-Mandard de prendre un arrêté reconnaissant l'imputabilité au service de la maladie de M. A... et de reconstituer sa carrière, ainsi que ses droits à rémunération et à retraite, dans la mesure rendue nécessaire par l'attribution rétroactive de ses congés pour maladie imputable au service, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par l'EHPAD Mellet-Mandard. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier le versement à M. A... d'une somme de 2 000 euros en application de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1907414-1907416 du tribunal administratif de Lyon du 2 décembre 2020 et les arrêtés du 28 mars 2019 de la directrice de l'EHPAD Mellet-Mandard sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la directrice de l'EHPAD Mellet-Mandard de prendre un arrêté reconnaissant l'imputabilité au service de la maladie de M. A... et de reconstituer sa carrière, ainsi que ses droits à rémunération et à retraite, dans la mesure rendue nécessaire par l'attribution rétroactive de ses congés pour maladie imputable au service, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'EHPAD Mellet-Mandard versera à M. A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... et les conclusions de l'EHPAD Mellet-Mandard présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à l'Etablissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Mellet-Mandard.

Délibéré après l'audience du 28 mars 2023 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président,

M. Gilles Fédi, président-assesseur,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 avril 2023.

La rapporteure,

Bénédicte LordonnéLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au préfet de la Loire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY00334


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY00334
Date de la décision : 19/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-07-10-01 Fonctionnaires et agents publics. - Statuts, droits, obligations et garanties. - Garanties et avantages divers. - Protection en cas d'accident de service.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SCP BLT DROIT PUBLIC

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-04-19;21ly00334 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award