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06/04/2023 | FRANCE | N°23LY00159

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 06 avril 2023, 23LY00159


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- d'une part, d'annuler les décisions du 4 juillet 2022 par lesquelles le préfet du Rhône l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

- d'autre part, d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa situation.

Par un jugement n° 2205378 du 18 octobre 2022, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administra

tif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 13 jan...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- d'une part, d'annuler les décisions du 4 juillet 2022 par lesquelles le préfet du Rhône l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

- d'autre part, d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa situation.

Par un jugement n° 2205378 du 18 octobre 2022, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 13 janvier 2023, présentée pour Mme C..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 2205378 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon du 18 octobre 2022 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour d'un an portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 100 euros par jour de retard dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de prendre une nouvelle décision dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le préfet du Rhône a indiqué qu'elle s'était déclarée séparée dans sa demande d'asile et qu'elle était mère d'un seul enfant mineur, alors qu'elle justifie de la naissance en France de deux enfants issus de sa relation avec un compatriote titulaire d'une carte de résident avec lequel elle justifie également d'une vie commune ; la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son droit à une vie privée et familiale et l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination n'est pas motivée ; elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet du Rhône s'est estimé lié par la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ; elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative l'affaire a été dispensée d'instruction.

La demande de Mme C... tendant à l'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle a été rejetée par une décision du 14 décembre 2012 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Lyon (section administrative d'appel).

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Mme C... ayant été régulièrement avertie du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Seillet, président assesseur, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante guinéenne née le 26 août 1994 à Conakry (République de Guinée), qui déclare être entrée en France le 5 mai 2019 en provenance d'Espagne, a été admise, après l'annulation par un jugement du tribunal administratif de Lyon du 3 mars 2020 de la décision du 25 février 2020 par laquelle le préfet du Rhône avait prononcé son transfert vers l'Espagne, à présenter sa demande d'asile en France, le 21 août 2020. Cette demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 4 juin 2021 puis par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 3 mai 2022. En conséquence de ce rejet, le préfet du Rhône, par une décision du 4 juillet 2022, a obligé Mme C... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi. Mme C... relève appel du jugement par lequel la magistrate désignée par la présidence du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, et d'une part, si Mme C... se prévaut de la naissance en France de deux enfants, respectivement les 5 décembre 2019 et 9 septembre 2021, alors que la décision en litige ne mentionne que la présence de sa fille aînée, il résulte de l'instruction que le préfet du Rhône aurait pris la même décision s'il avait tenu compte de la seconde naissance, alors au demeurant que la requérante n'allègue pas avoir informé le préfet du Rhône de la naissance en France de son second enfant.

3. D'autre part, si Mme C... a produit en appel les actes de naissance de ses enfants, faisant apparaître leur reconnaissance par M. A..., compatriote de la requérante titulaire d'une carte de résident, ainsi que des factures et attestations tendant à établir l'existence d'une vie commune avec ce dernier depuis son entrée en France, ces pièces ne suffisent pas à établir la réalité de cette vie commune alors qu'il ressort des pièces du dossier et, en particulier, des récapitulatifs de sa demande d'asile produits en première instance par le préfet du Rhône, que Mme C... s'était déclarée séparée et avait fait état d'une adresse, en dernier lieu à la date du 2 novembre 2021, différente de celle mentionnée sur les documents qu'elle produit, et à laquelle il n'est pas contesté que le pli contenant la décision en litige lui a été expédié et a été retiré par Mme C.... Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient Mme C..., le préfet du Rhône n'a pas entaché sa décision portant obligation de quitter le territoire français d'une erreur matérielle en mentionnant la situation de séparation dont elle s'était elle-même prévalue.

4. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

5. Si Mme C... affirme vivre depuis son entrée en France avec un compatriote titulaire d'une carte de résident qui a reconnu la paternité de ses deux enfants nés en France, les 5 décembre 2019 et 9 septembre 2021, et indiqué subvenir à leur entretien et leur éducation, à supposer même établie la réalité de cette situation, dont la requérante n'avait pas fait état dans sa demande ainsi qu'il a été dit aux points précédents, la mesure en litige, qui ne fait pas obstacle à la reconstitution du foyer familial dans le pays d'origine de la requérante dont tous les membres possèdent la nationalité, n'a pas porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée eu égard aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, cette mesure d'éloignement n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas non plus entachée d'erreur manifeste d'appréciation. Dès lors que la décision contestée n'a ni pour objet ni pour effet de séparer la requérante de ses enfants mineurs dès lors que la cellule familiale peut se reconstituer dans le pays d'origine, cette décision n'a pas porté atteinte à l'intérêt supérieur de ces enfants. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit dès lors être également écarté.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

6. En premier lieu, les moyens, déjà soulevés en première instance, tirés respectivement du défaut de motivation de la décision fixant le pays de renvoi et d'une erreur de droit, doivent être écartés par les motifs retenus par le premier juge et qu'il y a lieu, pour la cour, d'adopter.

7. En second lieu, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains ou dégradants ".

8. Si Mme C... invoque, d'une part, un risque d'excision pour sa fille née en France en cas de retour dans son pays d'origine, la seule circonstance qu'elle-même avait subi une telle mutilation n'est pas de nature à établir la réalité de ce risque pour cette enfant alors qu'elle-même et la personne qui atteste être son conjoint ont fait état de leur opposition à une telle pratique et, d'autre part, si la requérante affirme craindre de mauvais traitements, elle n'apporte dans la présente instance aucun élément de nature à établir la réalité de ces risques, alors au demeurant qu'ainsi qu'il a été indiqué sa demande d'asile a été rejetée par des décisions de l'OFPRA et de la CNDA et que la demande d'asile présentée pour sa fille a également été rejetée. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

9. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et tendant à la mise à la charge de l'État d'une somme au titre des frais liés au litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.

Délibéré après l'audience du 23 mars 2023 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

M. Seillet, président-assesseur ;

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 avril 2023.

Le rapporteur,

Ph. SeilletLe président,

V.-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 23LY00159

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY00159
Date de la décision : 06/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : DEBBACHE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-04-06;23ly00159 ?
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