Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand, d'une part, d'annuler l'arrêté du 7 septembre 2021 par lequel la préfète de l'Allier a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2102400 du 22 septembre 2022, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
I. Par une requête et un mémoire enregistrés le 28 octobre 2022 et le 8 mars 2023, sous le n° 22LY03199, M. B..., représenté par Me Jauvat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté contesté ;
2°) d'enjoindre au préfet de l'Allier de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ou la mention " salarié ", ou la mention " travailleur temporaire " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que
- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'un vice de procédure, en ce que le préfet a omis de consulter la commission du titre de séjour, en méconnaissance de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle est entachée d'une erreur de fait concernant son état civil, dont il justifie par des documents authentiques ; elle méconnaît les articles R. 431-10, L. 435-3, L. 435-1, L. 432-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ; elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ; elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire enregistré le 19 décembre 2022, la préfète de l'Allier conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 novembre 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Lyon (section administrative d'appel).
II. Par une requête enregistrée le 28 octobre 2022 sous le numéro 22LY03203, M. B..., représenté par Me Jauvat, demande à la cour de surseoir à l'exécution du jugement du 22 septembre 2022 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand.
Il reprend les mêmes moyens que ceux soulevés en première instance.
Par un mémoire enregistré le 19 décembre 2022, la préfète de l'Allier conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 novembre 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Lyon (section administrative d'appel).
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ;
- et les observations de M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant guinéen, qui déclare être né le 26 mars 2002 et entré en France le 1er avril 2018, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Par un arrêté du 7 septembre 2021, le préfet de l'Allier a refusé de faire droit à cette demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M B... relève appel du jugement du 22 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande et demande à la cour d'en ordonner le sursis à exécution.
Sur la jonction :
2. Les requêtes visées ci-dessus de M. B... tendent respectivement à l'annulation et au sursis à l'exécution du même jugement. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt.
Sur la légalité de l'arrêté :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ".
4. Aux termes de l'article R. 431-10 du même code : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil ; / 2° Les documents justifiants de sa nationalité ". Aux termes de l'article L. 811-2 de ce code, la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. Aux termes de ce dernier article : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Ces dispositions posent une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère. Cependant, la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.
5. Pour refuser de délivrer à M. B... le titre de séjour sollicité, le préfet de l'Allier a estimé que l'intéressé avait commis une fraude en produisant de faux documents à l'appui de sa demande de titre de séjour et qu'il ne démontrait pas, par conséquent, être dans sa dix-huitième année à la date du dépôt de sa demande le 11 janvier 2021. M. B... a ainsi produit un jugement supplétif du 28 juillet 2020 tenant lieu d'acte de naissance mentionnant sa naissance le 26 juin 2002, établi le sous le numéro 687, et sa transcription dans les registres d'état civil de la commune de Macenta, le 8 septembre 2020 sous le numéro 332, de même qu'une carte consulaire.
6. Le jugement supplétif et l'extrait du registre d'état civil de Guinée ont été soumis par la préfète de l'Allier à l'examen technique de la direction interdépartementale de la police aux frontières, qui a émis un avis défavorable. Il ressort du rapport établi par ce service le 11 juin 2021 que l'extrait du registre de transcription d'état civil ne précise pas de détails sur la filiation (âge, profession, domicile des parents) ni la date de délivrance de l'acte en toute lettres. Il en résulte également que le jugement supplétif du 28 juillet 2020 ne comporte pas de formule exécutoire de signature du greffier en chef à cheval sur le timbre fiscal, ni d'informations concernant les témoins et le lien de parenté avec l'intéressé. Les deux documents sont imprimés au toner monochrome, qui ne fournit aucune garantie.
7. Si l'intéressé a produit en première instance un nouveau jugement supplétif du 10 mars 2022 tenant lieu d'acte de naissance et un extrait du registre de transcription d'état civil du 21 mars 2022, dont l'objet est le même que les actes plus anciens, ces documents, au demeurant postérieurs à la date de l'arrêté contesté, ne sont corroborés ou confirmés par aucune autre pièce du dossier. Au demeurant, un même acte de naissance ne peut normalement résulter de deux jugements supplétifs distincts. Compte tenu de l'incertitude affectant l'âge de l'intéressé, et alors que la carte consulaire constitue un document à usage interne pour les services consulaires sans pouvoir véritablement justifier de l'identité de son bénéficiaire sur le territoire français, le préfet ne saurait être regardé comme s'étant mépris sur son identité comme sur son état civil. M. B..., dont rien ne permet ainsi de dire qu'il aurait été confié à l'aide sociale à l'enfance entre seize et dix-huit ans, ne relève donc pas des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. En deuxième lieu, si M. B... fait état de son insertion scolaire, en particulier de son parcours dans la filière de formation professionnelle " CAP maintenance de bâtiments de collectivités " et produit des attestations de participation à des activités de bénévolat, il n'était présent en France, à la date de l'arrêté en litige, que depuis trois ans. Il est en outre célibataire, sans charge de famille et ne fait état d'aucune attache particulière sur le territoire alors qu'une partie de sa famille, dont sa mère, demeure dans son pays d'origine. Dans ces conditions, aucune atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale ne saurait être retenue ici. Par suite, le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de 1'homme et des libertés fondamentales doit être écarté, aucune erreur manifeste d'appréciation ne pouvant davantage être relevée.
9. En troisième lieu, M. B... n'a pas demandé de titre de séjour sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le préfet n'a pas examiné de lui-même cette possibilité. Par suite, il n'est pas fondé à se prévaloir de ces dispositions.
10. Aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative :1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; (...) ".
11. Le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que dans le cas de l'étranger qui remplit effectivement les conditions permettant d'obtenir de plein droit un titre de séjour, et non de tous les étrangers qui sollicitent un tel titre. M. B... n'a pas sollicité un titre sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet de l'Allier n'avait donc pas à soumettre son cas à la commission du titre de séjour.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :
12. Les moyens invoqués à l'encontre de la décision portant refus de titre de séjour ayant été écartés, M. B... n'est pas fondé à se prévaloir de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français.
13. Les moyens, identiques à ceux invoqués en première instance, tirés de ce que l'obligation de quitter le territoire en litige méconnaîtrait les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation en l'absence d'éléments nouveaux invoqués en appel, doivent être écartés par les motifs retenus par les premiers juges et qu'il y a lieu pour la cour d'adopter.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
14. Les moyens invoqués à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, M. B... n'est pas fondé à se prévaloir de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.
15. Le moyen, identique à celui invoqué en première instance, tiré de ce que la décision fixant le pays de destination en litige méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit en l'absence d'éléments nouveaux invoqués en appel, être écarté par les motifs retenus par les premiers juges et qu'il y a lieu pour la cour d'adopter.
16. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
Sur le sursis à exécution :
17. La cour statuant au fond par le présent arrêt sur les conclusions à fin d'annulation du jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 22 septembre 2022, les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont devenues sans objet. Il n'y a dès lors pas lieu d'y statuer.
Sur les frais d'instance :
18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de l'État, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution présentées par M. B....
Article 2 : Le surplus des conclusions de M. B... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. A... B....
Copie en sera adressée à la préfète de l'Allier.
Délibéré après l'audience du 23 mars 2023 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Djebiri, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 avril 2023.
La rapporteure,
C. DjebiriLe président,
V.-M. Picard
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
1
N° 22LY03199, 22LY03203 2
kc