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06/04/2023 | FRANCE | N°22LY02696

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 06 avril 2023, 22LY02696


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... C... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 27 janvier 2022 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être renvoyée d'office.

Par un jugement n° 2202928 du 9 août 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enreg

istrée le 5 septembre 2022, Mme B..., représentée par Me Paquet, demande à la cour :

1°) d'annuler c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... C... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 27 janvier 2022 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être renvoyée d'office.

Par un jugement n° 2202928 du 9 août 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 5 septembre 2022, Mme B..., représentée par Me Paquet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et cet arrêté ;

2°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt, sous astreinte de cinquante euros par jour de retard, et après remise sous huitaine d'une autorisation provisoire de séjour et de travail, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation après remise sous huitaine d'une autorisation provisoire de séjour et de travail ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'omission à statuer sur l'insuffisance de motivation du refus de titre de séjour et a irrégulièrement écarté comme inopérant le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé ;

- il ne repose pas sur un examen particulier de sa situation ;

- il méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- il méconnaît les articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet aurait dû faire usage de son pouvoir de régularisation ;

- cette décision ainsi que l'obligation de quitter le territoire français méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'ensemble des décisions méconnaît le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la fixation du pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

La préfète du Rhône à laquelle la requête a été communiquée n'a pas produit d'observations.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Evrard, présidente assesseure,

- et les observations de Me Paquet pour Mme B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante nigériane née le 16 novembre 1988, est entrée sur le territoire français le 26 mai 2016, selon ses déclarations, et a sollicité la reconnaissance du statut de réfugié. Sa demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 8 mars 2017, puis par la Cour nationale du droit d'asile, le 8 janvier 2018. Le 20 mars 2018, le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français. Le 22 octobre 2019, Mme B... a sollicité son admission au séjour en invoquant son état de santé, et a été admise au séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, du 8 janvier 2020 au 7 janvier 2021. Elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour au mois de janvier 2021. Par un arrêté du 27 janvier 2022, le préfet du Rhône a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être renvoyée d'office. Mme B... relève appel du jugement du 9 août 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Contrairement à ce que soutient Mme B..., les premiers juges ont expressément répondu, au point 2 du jugement, au moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté du 27 janvier 2022. En outre, la circonstance que le tribunal aurait écarté, à tort, comme inopérant le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile intéresse le fond du litige et non la régularité de ce jugement.

Sur la légalité de l'arrêté du 27 janvier 2022 :

3. En premier lieu, Mme B... reprend en appel le moyen qu'elle avait invoqué en première instance, tirés de l'insuffisance de motivation de l'arrêté contesté. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal.

4. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B... aurait présenté sa demande de titre sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, tandis que le préfet ne lui a pas opposé d'office cette disposition. Il suit de là que le moyen tiré de sa méconnaissance doit être écarté comme inopérant.

5. En troisième lieu, il ne ressort ni des pièces du dossier ni des termes de l'arrêté contesté que le préfet du Rhône n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de Mme B... avant de refuser de l'admettre au séjour et de l'obliger à quitter le territoire français.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an (...) / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ".

7. Mme B... fait valoir qu'elle présente des troubles psychiques et psychiatriques. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé, dans son avis du 28 juin 2021, que si son état de santé nécessitait une prise en charge médicale, le défaut d'une telle prise en charge n'était pas susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Les pièces produites par la requérante, qui consistent dans des rapports établis respectivement le 21 novembre 2019 par une infirmière et le 22 avril 2021 par une psychologue de l'association Amicale du Nid Rhône et des notes sociales établies par cette même association les 5 décembre 2019, 22 février 2021 et 30 mai 2022, à l'exclusion de toute attestation établie par un médecin, ne suffisent pas à contredire l'avis du collège de médecins sur les conséquences d'un défaut de prise en charge. Enfin, si la requérante fait état des risques liés à l'interruption du traitement médicamenteux en raison de son état de grossesse, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté contesté, elle avait déjà donné naissance à sa fille. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées au point 6 ne peut qu'être écarté.

8. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire (...) au bien-être économique du pays (...) ".

9. Mme B... fait état de la durée de son séjour en France, de la précarité de sa situation, de sa vulnérabilité en sa qualité d'ancienne victime d'un réseau de traite des êtres humains à des fins sexuelles, de la naissance de sa fille et de l'exercice d'une activité professionnelle sous couvert d'un contrat à durée déterminée conclu avec la société MJCM Propreté le 31 juillet 2020 et d'un contrat à durée déterminée d'insertion à temps partiel conclu avec l'association des micro initiatives rillardes le 10 septembre 2020. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile de la requérante a été rejetée au motif que les craintes alléguées ainsi que sa qualité de victime d'un réseau de traite des êtres humains n'étaient pas établies. Mme B... n'a été admise au séjour en France à raison de son état de santé que pour la période du 8 janvier 2020 au 7 janvier 2021. Si elle fait état de la naissance de sa fille, elle n'établit pas l'existence d'une communauté de vie avec le père de son enfant, ni n'apporte de précision sur la situation administrative de ce dernier, lequel, selon l'acte de naissance, est un compatriote. Il ressort des pièces du dossier que l'intéressée, qui était âgée de trente-quatre ans à la date de l'arrêté contesté, n'est pas dépourvue d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-huit ans et où résident, notamment, son fils aîné mineur et sa mère. Dans ces conditions, les décisions par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français n'ont pas porté au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dans les circonstances de l'espèce, ces décisions ne sont pas davantage entachées d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.

10. En sixième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". La décision attaquée n'a ni pour objet ni pour effet de séparer Mme B... de sa fille, qui n'a pas de liens avec son père et a vocation à suivre sa mère au Nigéria. En outre, la requérante ne fait valoir aucun élément conduisant à privilégier une séparation durable d'avec son enfant mineur demeurant au Nigéria, lui aussi ayant vocation à bénéficier des stipulations précitées à seule fin de se maintenir en France avec sa fille. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

11. En septième lieu, il résulte de ce qui précède qu'en ne faisant pas usage de son pouvoir de régularisation, le préfet du Rhône n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation.

12. En dernier lieu, Mme B... reprend en appel les moyens qu'elle avait invoqués en première instance tirés de la méconnaissance des articles L. 435-1 et L. 611-3 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il y a lieu de les écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal.

13. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.

Délibéré après l'audience du 16 mars 2023 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président,

Mme Evrard, présidente assesseure,

Mme Psilakis, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 avril 2023.

La rapporteure,

A. EvrardLe président,

Ph. Arbarétaz

Le greffier,

J. Billot

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier,

2

N° 22LY02696


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY02696
Date de la décision : 06/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : PAQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-04-06;22ly02696 ?
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