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06/04/2023 | FRANCE | N°22LY02469

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 06 avril 2023, 22LY02469


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 11 mars 2022 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé sa destination d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans.

Par jugement n° 22002505 du 12 juillet 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour
r>Par une requête enregistrée le 3août 2022, M. D..., représenté par Me Schürman, demande à la cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 11 mars 2022 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé sa destination d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans.

Par jugement n° 22002505 du 12 juillet 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 3août 2022, M. D..., représenté par Me Schürman, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 12 juillet 2022 ainsi que l'arrêté 11 mars 2022 du préfet de l'Isère le concernant ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer une carte de séjour temporaire " vie privée vie familiale " ou de réexaminer sa situation après remise d'une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le refus de titre de séjour est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle et d'un vice de procédure en ce que la commission du titre de séjour aurait dû être saisie puisqu'est en cause une demande de renouvellement d'un titre de séjour obtenu sur le fondement de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et c'est à tort que le préfet de l'Isère a estimé qu'il représentait une menace pour l'ordre public ;

- le refus de délai de départ volontaire est illégal dès lors qu'il ne représente pas une menace pour l'ordre public ;

- l'interdiction de retour de trois années méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par son caractère disproportionné.

Le préfet de l'Isère n'a pas produit de mémoire en défense.

La demande d'aide juridictionnelle de M. D... a été rejetée par décision du 21 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement avertie du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Christine Psilakis, première conseillère,

- et les observations de Me Schürmann pour M. D....

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., né en 1999 et de nationalité serbe relève appel du jugement du 12 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 mars 2022 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a assorti ces décisions d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. D..., a demandé la délivrance de titre de séjour sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 421-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que, par l'arrêté en litige, le préfet de l'Isère a répondu à l'ensemble de ses demandes. L'arrêté litigieux n'est ainsi pas entaché d'un défaut d'examen particulier de la situation du requérant.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire (...) à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que l'intéressé est entré en France le 2 octobre 2015, et a été placé à l'aide sociale à l'enfance à compter du 23 octobre 2015 jusqu'à sa majorité acquise le 26 octobre 2017. Il a bénéficié d'un titre de séjour " étudiant-élève " du 8 avril 2017 au 31 octobre 2019 puis en qualité de travailleur temporaire du 19 décembre 2019 au 18 décembre 2020. S'il est présent depuis six années en France, où il a pu s'insérer professionnellement en occupant un emploi sous contrat à durée indéterminée à compter du 21 avril 2020 après l'obtention d'un CAP de carreleur mosaïste en juillet 2019, il a fait l'objet d'une condamnation à deux mois d'emprisonnement avec sursis et d'une peine complémentaire d'interdiction de détenir une arme, le 24 novembre 2020, pour des faits de transports d'arme et de munitions de catégorie B non autorisés en 2018, suite à son interpellation après une fusillade impliquant un véhicule dans lequel il circulait à Grenoble en compagnie d'occupants impliqués dans un trafic de stupéfiants. Ces faits, graves, s'ajoutent à d'autres condamnations prononcées, en 2018, pour des faits de vol en réunion et une composition pénale pour des faits de conduite sans permis ni assurance. Ainsi, compte tenu du caractère répété et récent des troubles à l'ordre public, le préfet de l'Isère a pu, sans méconnaître les stipulations précitées, s'ingérer dans la vie privée et familiale de M. D... pour faire prévaloir les nécessités de prévenir d'autres infractions pénales, alors qu'au demeurant les attaches familiales de l'intéressé se situent en Serbie où résident ses parents et ses sœurs. Par suite, le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire n'ont pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance (...) ". Le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues par les dispositions précitées, auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. Par les motifs exposés au point précédent, M. D... ne remplit pas les conditions posées par les dispositions de l'article L. 423-23 du code. Par ailleurs, le refus de délivrer une carte de séjour temporaire en qualité de salarié n'est pas au nombre des hypothèses pour lesquelles la saisine de la commission du titre de séjour est prévue par les dispositions de l'article L. 432-13 précité. Par suite, le préfet de l'Isère n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant les refus de titre de séjour en litige.

6. En troisième lieu aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision ". Aux termes de l'article L. 612-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public (...) ".

7. Pour refuser un délai de départ volontaire à M. D..., le préfet de l'Isère s'est fondé sur l'existence d'une menace à l'ordre public. Compte tenu de ce qui a été dit au point 4, c'est par une exacte application des dispositions de l'article L. 612-2 précité que le préfet a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour (...), l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".

9. D'une part, M. D... s'est vu refuser tout délai de départ volontaire pour exécuter l'obligation de quitter le territoire prise à son encontre et ne fait état d'aucune circonstance humanitaire qui aurait pu justifier que l'autorité administrative ne prononçât pas d'interdiction de retour sur le territoire français. Le préfet de l'Isère n'a donc pas méconnu les dispositions de l'article L. 612-6 précité en prononçant une interdiction de retour. D'autre part, compte tenu du bilan de la présence en France de l'intéressé, le préfet n'a pas entaché d'erreur d'appréciation des critères énoncés à l'article L. 612-10 la fixation à trois ans de la durée de cette interdiction de retour. Pour les mêmes motifs, cette décision ne méconnait pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. B... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 16 mars 2023 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Arbarétaz, président,

Mme A... C..., présidente-assessure,

Mme Christine Psilakis, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 avril 2023.

La rapporteure,

Christine Psilakis

Le président,

Philippe Arbarétaz

Le greffier,

Julien Billot

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier,

2

N° 22LY002469


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY02469
Date de la décision : 06/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Christine PSILAKIS
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : SCHURMANN

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-04-06;22ly02469 ?
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