La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/04/2023 | FRANCE | N°22LY01149

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 06 avril 2023, 22LY01149


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... B..., épouse A... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à prendre en charge les préjudices ayant résulté pour elle d'une opération subie le 16 décembre 2014 au centre hospitalier de Roanne.

Par un jugement n° 1900333 du 22 octobre 2019, le tribunal administratif de Lyon a condamné l'ONIAM à verser à Mme A... la somme de 72 750,26 euros.

P

ar un arrêt n° 19LY04596 du 6 juillet 2021, la cour administrative d'appel de Lyon a, su...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... B..., épouse A... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à prendre en charge les préjudices ayant résulté pour elle d'une opération subie le 16 décembre 2014 au centre hospitalier de Roanne.

Par un jugement n° 1900333 du 22 octobre 2019, le tribunal administratif de Lyon a condamné l'ONIAM à verser à Mme A... la somme de 72 750,26 euros.

Par un arrêt n° 19LY04596 du 6 juillet 2021, la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel de Mme A... et sur appel incident de l'ONIAM, ramené cette somme à 42 850,26 euros.

Par une décision n° 456296 du 15 avril 2022, le Conseil d'État statuant au contentieux a annulé cet arrêt en tant qu'il se prononce sur l'indemnisation des pertes de gains professionnels de Mme A... et a renvoyé à la cour l'affaire dans la limite de la cassation prononcée, qui porte désormais le n° 22LY01149.

Procédure devant la cour

Par des mémoires enregistrés le 10 mai 2022 et le 8 mars 2023, à la suite de la reprise d'instance après cassation de l'arrêt de la cour, Mme A..., représentée par Me Beynet, demande à la cour, dans le dernier état de ses conclusions :

1) de condamner l'ONIAM à payer à lui verser les indemnités de 10 105,33 euros et de 1 126 692,11 euros au titre, respectivement, des pertes de gains professionnels pré-consolidation et des pertes de gains professionnels post-consolidation, avec intérêts au taux légal à compter du 10 septembre 2016 ;

2) de mettre à la charge de l'ONIAM le versement de la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, pour le remboursement des frais exposés en cause d'appel, outre 1 400 euros au titre des frais irrépétibles de première instance.

Elle soutient que :

- au jour de l'accident médical, elle était employée au poste " responsable développement et projets internationaux ", avec un revenu net mensuel d'environ 2 880 euros ; elle était en arrêt total de travail, imputable à la complication, du 22 janvier 2015 au 31 août 2015 ; un poste de " Directeur/Directrice de Développement Commercial International " a été ouvert au début de l'année 2015 par une entité du groupe ; elle avait vocation à bénéficier de ce poste, dès la genèse de celui-ci ; c'est en raison de sa longue absence que le poste n'a pas pu lui être confié et a été pourvu par la voie externe ; il s'agissait pour elle d'une promotion ;

- la MDPH lui a attribué le 23 février 2023 la carte CMI ; le port de charges de plus de cinq kilogrammes reste contre-indiqué, ce qui n'est pas compatible avec un poste de direction à l'internationale ;

- elle aurait ainsi pu prétendre à un revenu net de 60 000 euros annuel ; son préjudice entre le 8 avril et le 31 août 2015 est de 10 105,33 euros ;

- si seule était retenue une perte de chance, elle ne saurait être inférieure à 90 %, avec une indemnité allouée de 9 094,97 euros, dès lors qu'elle était le seul profil capable en interne d'assumer ce poste stratégique ;

- sa perte de revenus à partir du 1er janvier 2017 est de 23 055 euros ;

- le barème publié à la Gazette du Palais du 31 octobre 2022 retenant un taux d'actualisation à - 1 % doit être retenu ;

- au 1er janvier 2017, la perte de revenus est de 1 094 997,22 euros ; désormais âgée de cinquante-quatre ans elle " stagne " à un poste de responsable et n'a pas pu accéder à un poste de direction ; sa perte annuelle reste de 18 660,83 euros par an ; l'indemnisation de ses pertes de gains professionnels futurs s'élève à la somme de 1 126 692,11 euros ;

- subsidiairement, la perte de revenus post-consolidation pourrait être évaluée à 752 705,53 euros ;

- sa perte de chance ne pourrait être inférieure à 90 % ; l'indemnité allouée serait alors de 1 014 022,89 euros pour une capitalisation en viager, ou de 677 434,97 euros en tenant compte d'un départ à la retraite à soixante-cinq ans.

Par un mémoire enregistré le 9 juillet 2022, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par Me Welsch, conclut à ce que la perte de chance de l'intéressée d'obtenir une promotion soit indemnisée au titre de l'incidence professionnelle et, qu'à ce titre, une somme de 10 000 euros maximum lui soit accordée et au rejet du surplus de ses conclusions.

Il soutient que :

- les pertes de gains professionnels actuels ou futurs consistent à compenser une perte effective de revenu et non hypothétique ;

- l'obtention du poste ne reste qu'une hypothèse ; il n'est pas établi que la victime aurait effectivement obtenu ce poste ni que la prise de poste aurait conduit à l'augmentation de la rémunération de Mme A... ; aucune promesse d'embauche ou de promotion n'est caractérisée ;

- aucune perte de revenus actuels n'est démontrée au regard du revenu de référence déclaré du 22 janvier 2015 au 31 août 2015 (20 220,85 euros sur la période de référence comprenant deux cent-vingt jours), des revenus effectivement perçus sur la période de référence (11 661,75 euros) et des indemnités journalières versées par la CPAM (9 494,94 euros) ;

- aucune perte de gains professionnels futurs n'est davantage démontrée ; elle a repris son activité professionnelle à temps plein le 29 février 2016 ; son droit à indemnisation théorique s'élève à 16 577,66 euros pour la période comprise entre le 1er septembre 2015 et le 29 février 2016 (cent quatre-vingt-deux jours), dont doivent être déduits les salaires effectivement perçus à hauteur de 12 538,19 euros, la prévoyance à hauteur de 6 593,60 euros et le reliquat des indemnités journalières précédemment calculée à 935,84 euros.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Picard, président ;

- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

- et les observations de Me Kerzerho, pour Mme A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... a subi le 16 décembre 2014 au centre hospitalier de Roanne une opération dont les suites lui ont été gravement préjudiciables. Par un jugement du 22 octobre 2019, le tribunal administratif de Lyon a mis à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), au titre de la solidarité nationale, la réparation des préjudices ayant résulté de l'aléa thérapeutique subi. Par un arrêt du 6 juillet 2021, la cour administrative d'appel de Lyon, statuant sur l'appel de Mme A... et sur l'appel incident de l'ONIAM, a réduit le montant de l'indemnité mise à la charge de cet office. Le 15 avril 2022, le Conseil d'État a annulé cet arrêt en tant qu'il refusait d'indemniser les pertes de gains professionnels dont Mme A... aurait bénéficié si l'opération ne l'avait pas privée de la chance d'obtenir une promotion interne. Il a retenu, contrairement à la cour, que l'intéressée justifiait de ce que cette promotion aurait induit une augmentation de sa rémunération " à un montant nettement supérieur à celui de ses revenus antérieurs ".

2. Il résulte de l'instruction que Mme A..., née en 1968, est salariée du groupe IGS sous couvert d'un contrat à durée indéterminée depuis le 1er septembre 2001 et qu'au jour de l'accident médical, non fautif, dont elle a été victime, elle occupait le poste de " responsable développement et projets internationaux " et était " chef de projet France International Graduate Schools ". D'après les pièces du dossier, non sérieusement contredites sur ce point, Mme A..., qui avait été chargée en 2012 de mettre en place un nouveau département commercial à l'international, avait été pressentie pour occuper un poste de directeur/directrice du développement commercial international, ouvert au début de l'année 2015 pour l'entité France International Graduate Schools, mais que, compte tenu de l'état de santé de l'intéressée et de son indisponibilité, celui-ci avait été pourvu le 8 avril 2015 par la voie du recrutement externe. Si les pertes de revenus que Mme A... a exposées ont été intégralement compensées, il apparaît selon toute probabilité que, en l'absence d'accident médical, elle aurait pu bénéficier de cette promotion et donc d'une évolution de sa carrière, avec une augmentation de sa rémunération dans une fourchette fixée entre 78 000 et 90 000 euros annuels bruts soit, comme l'a retenu le Conseil d'État, à un montant nettement supérieur à celui des revenus qu'elle percevait jusque-là, qui s'élevaient à 44 400 euros bruts en 2015. L'impossibilité dans laquelle elle s'est trouvée d'obtenir une telle promotion et ses répercussions sur le montant des prestations de retraite, qui s'analysent comme une perte de chance de bénéficier d'une progression de sa carrière et des avantages en résultant, et non comme une perte de revenus futurs certains, ont occasionné pour elle un préjudice qui, dans les circonstances de l'espèce, et compte tenu notamment de son âge et de ses perspectives d'évolution professionnelle, dont rien ne permet de dire que, malgré sa qualité de travailleur handicapé reconnue en 2023, elles seraient désormais inexistantes, doit être évalué à 80 000 euros.

3. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de porter à 122 850,26 euros le montant de l'indemnité due à Mme A... par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

4. Les conclusions de Mme A... relatives aux intérêts légaux, sur lesquelles le tribunal comme la cour se sont déjà prononcés, ne peuvent qu'être rejetées.

5. Dans ces circonstances, l'ONIAM versera, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 500 euros à Mme A... dont la demande, présentée sur ce même fondement, mais au titre des frais irrépétibles engagés en première instance, et à laquelle les premiers juges ont déjà donné satisfaction, ne peut en revanche qu'être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : L'indemnité que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales a été condamné à verser à Mme A... est portée à 122 850,26 euros.

Article 2 : Le jugement du 22 octobre 2019 du tribunal administratif de Lyon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales versera à Mme A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... épouse A... et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales

Délibéré après l'audience du 23 mars 2023 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 avril 2023.

Le président, rapporteur,

V.-M. Picard

Le président assesseur,

Ph. SeilletLa greffière,

A. Le ColleterLa République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 22LY01149 2

al


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY01149
Date de la décision : 06/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-005-02 Responsabilité de la puissance publique. - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. - Service public de santé. - Établissements publics d'hospitalisation. - Responsabilité sans faute. - Actes médicaux.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: M. Vincent-Marie PICARD
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : SERGE BEYNET

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-04-06;22ly01149 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award