Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 28 juillet 2021 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de destination.
Par jugement n° 2107242 du 25 novembre 2021, le tribunal a annulé l'arrêté en tant qu'il fixe Haïti comme pays de destination et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 28 mars 2022, M. A..., représenté par Me Bailly-Colliard, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande dirigée contre le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français ;
2°) d'annuler ces décisions ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire l'autorisant à travailler dans le délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois et après remise d'une autorisation provisoire de séjour et de travail, sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le refus de titre de séjour en qualité de salarié se fonde sur un refus d'autorisation de travail illégal dont il n'a jamais obtenu communication et dont le préfet n'a pas exposé les motifs dans la décision ;
- le refus de titre de séjour porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale ;
- en refusant de régulariser sa situation à titre exceptionnel, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation.
La préfète du Rhône à laquelle la requête a été communiquée n'a pas présenté d'observations.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 31 août 2022.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les observations de Me Bailly-Colliard, pour M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant haïtien né le 20 octobre 1996, est entré en France en 2013 alors qu'il était encore mineur, avec un passeport revêtu d'un visa de long séjour. Il a obtenu, à sa majorité, un titre de séjour en qualité d'étudiant qui a été renouvelé jusqu'au 19 octobre 2019. Il a sollicité le 19 juin 2020 son admission au séjour en qualité de salarié. Par arrêté du 28 juillet 2021, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 25 novembre 2021, le tribunal a annulé l'arrêté en tant qu'il fixe Haïti comme pays de destination et a rejeté le surplus de sa demande. M. A... relève appel de ce jugement dans cette mesure.
2. Aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " d'une durée maximale d'un an. / La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail ".
3. Le préfet du Rhône a refusé de délivrer un titre de séjour en qualité de salarié à M. A... au motif que sa demande d'autorisation de travail avait été rejetée et l'intéressé informé des motifs du refus opposé à sa demande par lettre du 28 août 2020. Alors que M. A... a fait valoir devant la cour qu'il n'avait jamais été destinataire de cette lettre et qu'il ignorait les motifs pour lesquels la demande d'autorisation de travail a été rejetée, le préfet, qui n'a produit ni en première instance, ni en appel, n'a pas communiqué à la cour ce courrier du 28 août 2020 malgré la mesure d'instruction faite en ce sens. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le refus d'autorisation de travail opposé à M. A... reposerait sur l'un des motifs permettant au préfet, en application des articles L. 5221-2 et suivants du code du travail, de refuser de délivrer à M. A... une autorisation de travail. Par suite, M. A... est fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour en qualité de salarié au motif que sa demande d'autorisation de travail avait été rejetée, le préfet a méconnu l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le refus de titre de séjour doit être annulé pour ce motif, ainsi que, par voie de conséquence, l'obligation de quitter le territoire français dans le délai de quatre-vingt-dix jours.
4. Eu égard aux motifs d'annulation du refus de titre de séjour, le présent arrêt implique nécessairement, au sens de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, mais seulement, le réexamen de la demande de titre de séjour de M. A.... L'annulation de l'obligation de quitter le territoire implique quant à elle que M. A... soit dans un délai de quinze jours munis d'une autorisation provisoire de séjour en application de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre à la préfète du Rhône de délivrer dans un délai de quinze jours cette autorisation à M. A... et, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, de réexaminer sa demande de titre de séjour.
5. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Bailly-Colliard, avocate de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Bailly-Colliard de la somme de 1 500 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 2 du jugement n° 2107242 du 25 novembre 2021 du tribunal administratif de Lyon et les décisions du 28 juillet 2021 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de délivrer un titre de séjour à M. A... et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de quatre-vingt-dix jours sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à la préfète du Rhône de réexaminer la demande de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans cette attente, de le munir dans un délai de quinze jours d'une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'État versera à Me Bailly-Colliard la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la contribution de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète du Rhône et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Lyon.
Délibéré après l'audience du 16 mars 2023, à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président,
Mme Evrard, présidente assesseure,
Mme Duguit-Larcher, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 avril 2023.
La rapporteure,
A. C...Le président,
Ph. Arbarétaz
Le greffier,
J. Billot
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
Le greffier,
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N° 22LY00909