La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/03/2023 | FRANCE | N°22LY00812

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 30 mars 2023, 22LY00812


Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés les 18 mars et 3 octobre 2022, l'association Vent du Haut-Forez représentée par Me Juilles demande à la cour :

1°) d'annuler la décision du 18 janvier 2022 par laquelle la préfète de la Loire a implicitement refusé de mettre la société Monts du Forez Énergie en demeure de déposer une demande de dérogation à la protection des espèces protégées au titre de l'article L. 411-2 du code de l'environnement ;

2) d'enjoindre à l'État de demander à la sociét

é Monts du Forez Énergie de déposer, dans un délai de trois mois, une demande de dérogation au ti...

Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés les 18 mars et 3 octobre 2022, l'association Vent du Haut-Forez représentée par Me Juilles demande à la cour :

1°) d'annuler la décision du 18 janvier 2022 par laquelle la préfète de la Loire a implicitement refusé de mettre la société Monts du Forez Énergie en demeure de déposer une demande de dérogation à la protection des espèces protégées au titre de l'article L. 411-2 du code de l'environnement ;

2) d'enjoindre à l'État de demander à la société Monts du Forez Énergie de déposer, dans un délai de trois mois, une demande de dérogation au titre de l'article L. 411-2 du code de l'environnement ;

3 ) de suspendre l'exécution de l'autorisation de défrichement jusqu'à l'instruction complète et finale de la demande de dérogation et de la décision prise sur cette demande ou, dans l'hypothèse où les travaux auraient été réalisés, de rechercher si l'exploitation peut légalement être poursuivie en imposant à l'exploitant, par la voie d'une décision modificative de l'autorisation environnementale si elle existe ou par une nouvelle autorisation environnementale, des prescriptions complémentaires ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 500 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la décision méconnaît les articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement en ce qui concerne le milan royal et les chiroptères.

Par des mémoires enregistrés les 16 juin et 19 octobre 2022 (non communiqué), la société Monts du Forez Énergie représentée par Me Guinot conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de l'association Vent du Haut-Forez une somme de 3 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête sont inopérants, dès lors que le préfet était tenu de rejeter la demande en raison de l'autorité de chose jugée attachée à l'arrêt avant-dire droit de la cour, et non fondés.

Par un mémoire enregistré le 20 juillet 2022, le ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que la requête est irrecevable et qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

Par une ordonnance du 5 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 19 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Djebiri, première conseillère,

- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public,

- et les observations de Me Juilles pour l'association Vent du Haut-Forez et de Me Gauthier, pour la société Monts du Forez Énergie ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 14 mars 2023, présentée pour la société Monts du Forez Énergie ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 6 novembre 2017 le préfet de la Loire a délivré à la société Monts du Forez Énergie l'autorisation d'exploiter des éoliennes sur les communes de Saint-Jean-la-Vêtre, La-Côte-en-Couzan et La Chamba. L'association vent du Haut-Forez a demandé par courrier du 15 novembre 2021 à la préfète de la Loire d'ordonner au pétitionnaire qu'il présente pour son projet de parc éolien une demande de dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées au titre de l'article L. 411-2 du code de l'environnement. Par décision implicite la préfète a rejeté cette demande, les associations requérantes en demandent l'annulation à la cour, compétente en premier ressort.

2. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement : " I. - Lorsqu'un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l'écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits : 1° La destruction ou l'enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ; (...) 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces ; (...) ". Le I de l'article L. 411-2 du même code renvoie à un décret en Conseil d'État la détermination des conditions dans lesquelles sont fixées, notamment, la " délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : a) Dans l'intérêt de la protection de la faune et de la flore sauvages et de la conservation des habitats naturels ; b) Pour prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l'élevage, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et à d'autres formes de propriété ; c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ".

3. Il résulte de ces dispositions que la destruction ou la perturbation d'espèces protégées, ainsi que la destruction ou la dégradation de leurs habitats, sont interdites. Toutefois, l'autorité administrative peut déroger à ces interdictions dès lors que sont remplies trois conditions distinctes et cumulatives tenant d'une part, à l'absence de solution alternative satisfaisante, d'autre part, à la condition de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle et, enfin, à la justification de la dérogation par l'un des cinq motifs limitativement énumérés et parmi lesquels figure le fait que le projet réponde, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d'intérêt public majeur.

4. Le système de protection des espèces faisant l'objet d'une protection impose d'examiner si l'obtention d'une dérogation est nécessaire dès lors que des spécimens de l'espèce concernée sont présents dans la zone du projet, sans que l'applicabilité du régime de protection dépende, à ce stade, ni du nombre de ces spécimens, ni de l'état de conservation des espèces protégées présentes.

5. Le pétitionnaire doit obtenir une dérogation " espèces protégées " si le risque que le projet comporte pour les espèces protégées est suffisamment caractérisé. A ce titre, les mesures d'évitement et de réduction des atteintes portées aux espèces protégées proposées par le pétitionnaire doivent être prises en compte. Dans l'hypothèse où les mesures d'évitement et de réduction proposées présentent, sous le contrôle de l'administration, des garanties d'effectivité telles qu'elles permettent de diminuer le risque pour les espèces au point qu'il apparaisse comme n'étant pas suffisamment caractérisé, il n'est pas nécessaire de solliciter une dérogation " espèces protégées ".

6. L'association requérante fait état des risques de perturbation et de destruction d'animaux appartenant à plusieurs espèces d'animaux protégés, et de leurs habitats, qu'il s'agisse d'oiseaux ou de chiroptères.

7. Le projet d'éoliennes en cause n'a jamais donné lieu à la délivrance d'une dérogation au titre de l'article L. 411-2 du code de l'environnement. L'arrêté du 6 novembre 2017 prévoit, en particulier, au titre de " la protection des chiroptères / avifaune ", que " un évitement de la repousse végétale favorable aux insectes est effectué sous les éoliennes par la mise en place d'un revêtement inerte (gravillons) et un entretien non chimique. " En ce qui concerne les chiroptères " l'éclairage du site est limité au balisage aéronautique... un asservissement par arrêt préventif des éoliennes est effectué. Le seuil de démarrage des éoliennes est fixé à 6m/s lors des conditions favorables à la présence de chauves-souris, ... les chauve-souris éventuellement présentes dans les arbres à abattre seront délogées avant travaux ". En ce qui concerne l'avifaune " en cas de contact avéré de l'espèce sur le site d'implantation, l'installation de nichoirs pour la chevechêtte d'Europe sera réalisé à au moins 300 mètres des éoliennes ".

8. Pour ce qui est de l'avifaune, grâce aux mesures d'évitement et de réduction, notamment le placement des éoliennes en dehors des micro-voies migratoires, l'impact du projet, qui épargne les secteurs à forte sensibilité, sur l'avifaune a été considéré dans l'étude d'impact comme faible à modéré, s'agissant en particulier du risque de collision.

9. En ce qui concerne les chiroptères, les effets attendus du projet sur les chiroptères en phase de chantier et en période d'exploitation ne présentent pas un risque caractérisé, dès lors notamment que l'étude d'impact, non sérieusement contestée, a conclu à un impact faible à modéré pour les noctules et négligeable pour les autres, alors que la régulation des éoliennes et de leur fonctionnement conduit à réduire drastiquement leur mortalité.

10. Eu égard à l'ensemble de ce qui vient d'être dit, compte tenu des enjeux identifiés et des mesures d'évitement et de réduction retenues par le pétitionnaire ou imposées par l'administration, dont l'effectivité n'est pas sérieusement remise en question, il n'apparaît pas que le projet contesté présenterait un risque suffisamment caractérisé d'atteintes à des animaux protégés ou à leurs habitats, aucune explication particulière ou pertinente n'étant fournie à cet égard sur d'autres oiseaux protégés, ou des chiroptères. La requérante n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que le refus contesté aurait été opposé en violation des dispositions ci-dessus des articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement.

11. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, la requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision contestée. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante, au titre des frais liés au litige.

12. Il n'y a pas lieu, en l'espèce, de mettre à la charge de l'association Vent du Haut-Forez une somme au titre des frais liés au litige exposés par la société Monts du Forez énergie.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'association Vent du Haut-Forez est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société Monts du Forez Énergie tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Vent du Haut-Forez, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la société Monts du Forez Énergie.

Copie en sera adressée pour information au préfet de la Loire et à la ministre de la transition énergétique.

Délibéré après l'audience du 9 mars 2023 à laquelle siégeaient :

M. Seillet, président,

M. Chassagne, premier conseiller,

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mars 2023.

La rapporteure,

C. DjebiriLe président,

Ph. Seillet

La greffière,

A. Roux

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 22LY00812 2

ar


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY00812
Date de la décision : 30/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

29-035 Energie.


Composition du Tribunal
Président : M. SEILLET
Rapporteur ?: Mme Christine DJEBIRI
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : SCP LACOURTE et RAQUIN et TATAR

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-03-30;22ly00812 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award