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30/03/2023 | FRANCE | N°22LY00474

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 30 mars 2023, 22LY00474


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... D... épouse A... et M. B... A... ont demandé au tribunal administratif de Lyon, chacun pour ce qui le concerne, d'annuler les arrêtés du 18 août 2020 par lesquels le préfet du Rhône a refusé de leur délivrer un titre de séjour et d'enjoindre à cette autorité de leur délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte.

Par un jugement n° 2009456-2009457 du 15 septembre 2021,

le tribunal a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enreg...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... D... épouse A... et M. B... A... ont demandé au tribunal administratif de Lyon, chacun pour ce qui le concerne, d'annuler les arrêtés du 18 août 2020 par lesquels le préfet du Rhône a refusé de leur délivrer un titre de séjour et d'enjoindre à cette autorité de leur délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte.

Par un jugement n° 2009456-2009457 du 15 septembre 2021, le tribunal a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 14 février 2022, Mme et M. A..., représentés par Me Vernet, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et les arrêtés du 18 août 2020 ;

2°) d'enjoindre au préfet du Rhône de leur délivrer chacun un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 300 euros au profit de leur conseil sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le refus de délivrance d'un titre de séjour à Mme A... est entaché d'un vice de procédure, au regard des dispositions de l'article 1367 du code civil, du I de l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives, de l'article 1er du décret n° 2017-1416 du 28 septembre 2017 relatif à la signature électronique et de l'article 26 du règlement n° 910/2014 du parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 sur l'identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur et abrogeant la directive 1999/93/CE ainsi que l'article 1er de l'arrêté du 13 juin 2004 ayant approuvé le référentiel général de sécurité établi par l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information, dès lors que l'avis émis par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 24 avril 2019 n'apparait pas en l'état régulier ; il méconnait également les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 3 de l'arrêté du 5 janvier 2017 ;

- les refus de délivrance d'un titre de séjour en litige méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son entachés d'une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas produit d'observations.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 5 janvier 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. E...,

- et les observations de Me Beligon, substituant Me Vernet, représentant Mme et M. A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... épouse A... et M. A..., ressortissants de la République d'Albanie, nés les 29 septembre 1977 et 24 avril 1986, déclarent être entrés irrégulièrement en France le 18 décembre 2012. Leurs demandes tendant au bénéfice du statut de réfugiés ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 11 juillet 2013, décisions confirmées par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 10 mars 2015. Mme et M. A..., après avoir été destinataires chacun d'un premier refus de titre de séjour, par décisions du 19 décembre 2014, devenues définitives, ont de nouveau chacun demandé au préfet du Rhône, le 14 septembre 2018, la délivrance d'un titre de séjour, Mme A..., compte tenu de son état de santé, sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France, M. A..., pour demeurer auprès de son épouse, sur le fondement du 7° du même article. Toutefois, cette autorité, par arrêtés du 18 août 2020, a refusé de faire droit à ces demandes. Mme et M. A... relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 15 septembre 2021 ayant rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.

2. En premier lieu, aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° À l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...). La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...). (...) Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...). ". Aux termes des dispositions alors codifiées à l'article R. 313-22 du même code : " (...) le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé. ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R.313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. Le médecin de l'office peut (...) convoquer le demandeur pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires. (...).. Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. (...). ". Aux termes de l'article 5 de l'arrêté susvisé du 27 décembre 2016 : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport. / (...). ". Aux termes de l'article 6 du même arrêté : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins (...) émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté précisant : / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis mentionne les éléments de procédure. / (...) / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ".

3. Le recours pour excès de pouvoir a pour objet, non de sommer le défendeur de justifier a priori de la légalité de la décision attaquée, mais de soumettre au débat des moyens sur lesquels le juge puisse statuer. À cet égard, le défendeur n'est tenu de verser des éléments au débat que si les moyens invoqués sont appuyés d'arguments ou de commencement de démonstration appelant une réfutation par la production d'éléments propres à l'espèce. Si Mme et M. A... soutiennent que le refus de délivrance d'un titre de séjour visant Mme A... est entaché d'un vice de procédure, en invoquant l'irrégularité de la signature électronique des personnes composant le collège des médecins de l'OFII ayant émis un avis le 24 avril 2019, et en se prévalant de différentes dispositions de droit français et de droit de l'Union européenne relatives à la signature électronique, il se bornent toutefois, pour arguer de cette irrégularité, à critiquer de manière générale le document produit par le préfet en première instance au regard de sa seule apparence, et à ensuite affirmer qu'il appartiendra à cette autorité d'apporter la preuve que les médecins ont consenti à ce document, et que celui-ci n'a pas été altéré depuis son émission, puis, qu'en l'absence de cette preuve, ce document ne saurait être considéré comme ayant signé ou, si tel était le cas, que celui-ci n'aurait pas été modifié et altéré. Par suite, cette décision ne saurait être regardée comme entachée d'un vice de procédure au seul motif que le préfet n'aurait pas produit d'éléments susceptibles d'établir l'inverse des allégations des intéressés relatives à la régularité de la signature électronique mise en œuvre. Le moyen doit donc être écarté.

4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier et des termes mêmes de la décision contestée que le préfet du Rhône, pour refuser un titre de séjour à Mme A... au regard des dispositions précitées de l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, s'est approprié un avis du collège des médecins de l'OFII émis le 24 avril 2019, après examen de l'intéressée par le médecin qui a établi le rapport médical, selon lequel si l'état de santé de Mme A... nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, toutefois, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, et au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, son état de santé peut permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine. Mme et M. A... entendent contester le sens de cet avis en se prévalant de ce que la pathologie virale dont Mme A... souffre nécessite impérativement un suivi médical d'ordre biologique, virologique et d'imagerie semestriel, ainsi que la prise d'un traitement médicamenteux devant être suivi au long cours, qui ne peuvent être effectivement obtenus dans son pays d'origine. Toutefois, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, ni le certificat médical établi par un praticien hospitalier le 14 février 2020, insuffisamment circonstancié sur la disponibilité de ces soins en Albanie, ni le rapport de l'OSAR, établi le 14 mars 2017, au demeurant rédigé en langue allemande et faisant seulement l'objet d'une traduction libre par les intéressés, se basant sur des données anciennes et ne pouvant donc justifier une situation existant à la date de la décision contestée, produits par les intéressés, ne sont de nature à remettre en cause le sens de l'avis du 24 avril 2019. Dès lors, eu égard à l'ensemble de ces éléments, Mme et M. A... ne sont pas fondés à soutenir que le préfet du Rhône a méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de délivrer un titre de séjour à Mme A.... Le moyen ne peut être admis.

5. En troisième lieu, si Mme et M. A... font valoir qu'ils se trouvaient sur le territoire français, à la date des décisions contestées, depuis plus de huit années, il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit au point 1 du présent arrêt, que les intéressés entrés irrégulièrement en France le 18 décembre 2012, s'y sont toutefois maintenus, à compter de l'année 2015, de manière précaire, après un refus de leur accorder le bénéfice de l'asile et un premier refus de délivrance d'un titre de séjour, alors qu'ils avaient auparavant vécu toute leur existence en Albanie, où ils bénéficient nécessairement d'attaches. S'ils se prévalent également de ce qu'ils ont cherché à s'insérer sur le territoire français, en apprenant la langue française, en participant à des activités associatives, et en particulier, par ce biais, à des actions d'adaptation professionnelle, toutefois, les éléments produits ne peuvent être regardés comme faisant état d'une insertion d'une particulière intensité. Par suite, en prenant les refus de titre de séjour en litige, le préfet du Rhône n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit des intéressés au respect de leur vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels il a pris ces décisions. Cette autorité n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en adoptant ces décisions. Elle n'a pas davantage, pour les mêmes motifs, commis une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle des intéressés. Ces moyens doivent donc être écartés.

6. Il résulte de ce qui précède que Mme et M. A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 18 août 2020. Leur requête doit donc, dans l'ensemble de ses conclusions, être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme et M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... épouse A..., à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.

Délibéré après l'audience du 9 mars 2023, à laquelle siégeaient :

M. Seillet, président,

M. Chassagne, premier conseiller,

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 mars 2023.

Le rapporteur,

J. E...

Le président,

Ph. Seillet La greffière,

L. Contrastin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY00474

ap


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY00474
Date de la décision : 30/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. SEILLET
Rapporteur ?: M. Julien CHASSAGNE
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : SCP ROBIN VERNET

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-03-30;22ly00474 ?
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