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30/03/2023 | FRANCE | N°20LY02419

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 30 mars 2023, 20LY02419


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'association Protection de la grande forêt de Taillard, l'association Les sources de Taillard, l'association pour l'amélioration et la défense du patrimoine forestier de Saint-Sauveur-en-Rue, M. et Mme S... et M... AL..., AK... AE..., A.... et Mme AA..., Arthur et Jeannine Barralon, M. et Mme Q... et AD... AG..., M. W... I..., M. et Mme B... et E... V..., AM... AH... et AB... T..., AI... F... et M. AC... Z..., M. R... N..., M. et Mme M... et AP... N..., M. et Mme W... et AQ... AN..., M. et Mme H... et Y... P...,

M. et Mme K... et D... AF..., M. et Mme O... et L... AE..., C... ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'association Protection de la grande forêt de Taillard, l'association Les sources de Taillard, l'association pour l'amélioration et la défense du patrimoine forestier de Saint-Sauveur-en-Rue, M. et Mme S... et M... AL..., AK... AE..., A.... et Mme AA..., Arthur et Jeannine Barralon, M. et Mme Q... et AD... AG..., M. W... I..., M. et Mme B... et E... V..., AM... AH... et AB... T..., AI... F... et M. AC... Z..., M. R... N..., M. et Mme M... et AP... N..., M. et Mme W... et AQ... AN..., M. et Mme H... et Y... P..., M. et Mme K... et D... AF..., M. et Mme O... et L... AE..., C... et M. J..., Denise et Jacky Vacher, M. et Mme U... et X... AO... ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 11 mai 2018 par lequel le préfet de la Loire a autorisé la société Les Ailes de Taillard à exploiter une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent à Saint-Sauveur-en-Rue et Burdignes.

Par un jugement n° 1807047 du 27 mars 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 23 août 2020 et des mémoires enregistrés le 28 mai 2021, le 12 juillet 2021 et le 5 janvier 2023 (non communiqué), présentés pour l'association Protection de la grande forêt de Taillard, l'association Les sources de Taillard, l'association pour l'amélioration et la défense du patrimoine forestier de Saint-Sauveur-en-Rue, M. et Mme S... et M... AL..., AK... AE..., A.... et Mme AA..., Arthur et Jeannine Barralon, M. et Mme Q... et AD... AG..., M. W... I..., C... G... AH... et Sylvette T..., M. AC... Z..., M. R... N..., M. et Mme M... et AP... N..., M. et Mme W... et AQ... AN..., M. et Mme H... et Y... P..., M. et Mme O... et L... AE..., C... et M. J..., Denise et Jacky Vacher, M. et Mme U... et X... AO..., AJ... AH... ayant qualité de représentante unique pour l'application de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1807047 du 27 mars 2020 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler la décision susmentionnée ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les associations appelantes ont intérêt à contester les arrêtés préfectoraux en litige, eu égard à leur objet et aux impacts du projet en cause ; les particuliers ont intérêt à agir eu égard aux émergences sonores importantes de l'installation en cause et, pour certains d'entre eux, de la vue sur les éoliennes et de l'alimentation en eau de leurs propriétés par des sources ;

- l'étude d'impact est insuffisante s'agissant de la ressource en eau, tant sur l'analyse de l'état initial que l'étude des effets du projet, qui s'apparente à l'omission de prise en compte des sources privées non déclarées, et des effets du projet sur la forêt de Taillard, identifiée comme site écologique prioritaire et réservoir de trame verte par le Parc naturel régional, l'étude d'impact se limitant à renvoyer à la demande de défrichement ;

- l'arrêté en litige méconnaît l'article L. 333-1 du code de l'environnement et l'obligation de cohérence ; il porte atteinte aux intérêts protégés par l'article L. 511-1 du même code, en particulier à la sécurité publique en raison du risque d'incendie, à la santé et à la commodité du voisinage, en raison des émergences sonores, à la ressource en eau, qu'il s'agisse de captages publics ou privés, à la protection de la forêt du Massif de Taillard et au paysage des Monts du Pilat.

Par des mémoires enregistrés le 23 février 2021 et les 26 et 30 juillet 2021 (non communiqués), présentés pour la société Les Ailes de Taillard, elle conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge des appelants d'une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la requête est irrecevable à défaut d'intérêt pour agir des appelants et que les moyens qu'ils soulèvent ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 9 juin 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle soutient, en renvoyant aux écritures de l'administration en première instance, que les moyens soulevés par les appelantes ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 21 décembre 2022 la clôture de l'instruction a été fixée au 6 janvier 2023.

Par un mémoire en intervention enregistré le 6 janvier 2023 (non communiqué), présenté pour l'association Sites et Monuments, ont été présentées des observations au soutien de la requête tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Lyon du 27 mars 2020 et de l'arrêté du 11 mai 2018 par lequel le préfet de la Loire a autorisé la société Les Ailes de Taillard à exploiter une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent à Saint-Sauveur-en-Rue et Burdignes.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ;

- le code de l'environnement ;

- le décret du 2 octobre 2015 relatif au Conseil général de l'environnement et du développement durable ;

- l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Seillet, président ;

- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

- et les observations de Me Grisel, pour l'association Protection de la grande forêt de Taillard et autres, et de Me Thiry, pour la société Les Ailes de Taillard ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 13 mars 2023, présentée pour Mme AH... et autres ;

Considérant ce qui suit :

1. La société Les Ailes de Taillard a déposé auprès du préfet de la Loire, le 27 novembre 2015, un dossier de demande d'autorisation au titre de la législation relative aux installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) pour l'exploitation d'un parc éolien composé de dix aérogénérateurs et de deux postes de livraison sur le territoire des communes de Burdignes et Saint-Sauveur-en-Rue, et a complété son dossier le 12 janvier 2017. Par un arrêté du 11 mai 2018, le préfet de la Loire a délivré l'autorisation sollicitée. L'association Protection de la grande forêt de Taillard et d'autres personnes ont demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation de cet arrêté. L'association Protection de la grande forêt de Taillard et autres relèvent appel du jugement par lequel ce tribunal a rejeté leur demande.

Sur l'intervention de l'association Sites et Monuments :

2. Aux termes de l'article R. 632-1 du code de justice administrative : " L'intervention est formée par mémoire distinct. / (...) ". Toute personne qui justifie d'un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l'objet du litige est recevable à former une intervention.

3. L'association Sites et Monuments, anciennement dénommée société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la J..., en raison de l'agrément dont elle bénéficie sur le fondement de l'article L. 141-1 du code de l'environnement, a intérêt à l'annulation de l'arrêté du 11 mai 2018 par lequel le préfet de la Loire a autorisé la société Les Ailes de Taillard à exploiter une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent à Saint-Sauveur-en-Rue et Burdignes. Il suit de là que son intervention au soutien de la requête, doit être admise.

Sur l'étude d'impact :

4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 512-6 du code de l'environnement : " I.-A chaque exemplaire de la demande d'autorisation doivent être jointes les pièces suivantes : (...) / 4° L'étude d'impact prévue à l'article L. 122-1 dont le contenu est défini à l'article R. 122-5 et complété par l'article R. 512-8 ; (...) ". L'article R. 512-8 du même code dispose que " I.- Le contenu de l'étude d'impact mentionnée à l'article R. 512-6 doit être en relation avec l'importance de l'installation projetée et avec ses incidences prévisibles sur l'environnement, au regard des intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1. " Aux termes de l'article R. 122-5 du même code : " I. - Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, installations, ouvrages, ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine (...) ".

En ce qui concerne les ressources en eau :

5. Il résulte de l'instruction qu'outre la circonstance que la qualité de l'étude d'impact dans son ensemble a été soulignée tant par l'autorité environnementale que par le syndicat du parc naturel du Pilat dans leurs avis respectifs, l'étude hydrogéologique produite en annexe de cette étude, comme l'ont relevé les premiers juges, a constaté que les captages utilisés pour l'alimentation en eau potable des populations étaient situés exclusivement en périphérie du périmètre du projet, certains périmètres de protection recoupant néanmoins son emprise, a détaillé chacun des captages d'eaux superficielles et sources d'eaux souterraines, leur implantation géographique et leur périmètre de protection et les sensibilités qualitatives et quantitatives qu'ils recouvrent, a analysé les incidences et sensibilités autour de chaque éolienne projetée et des principales installations, notamment l'éolienne E10 à proximité de laquelle se trouvait une zone humide prise en compte dans la définition du projet, et a également proposé des mesures conservatoires pour limiter les risques hydrogéologiques, principalement durant le chantier, avec, notamment, le balisage des zones sensibles et la mise en place de mesures de surveillance autour de certains ouvrages durant les travaux d'implantation des éoliennes. Dès lors, et alors même que certaines sources ou certains captages d'eau situées à proximité du site d'implantation mais non déclarés n'auraient pas été mentionnés, l'étude d'impact n'est pas entachée, sur ce point, d'une insuffisance.

En ce qui concerne les effets sur la forêt de Taillard :

6. Alors que, contrairement à ce que soutiennent les appelants, si l'étude d'impact, en son point VII.4.4 consacré au seul impact du projet " sur l'exploitation forestière et l'agriculture " mentionne une surface à défricher de 3,8 ha, ladite étude, dans son ensemble, ne se limite pas à renvoyer à la demande de défrichement portant sur une superficie bien inférieure à la surface de la forêt de Taillard sur laquelle les effets du projet se feront sentir, il résulte de l'instruction que cette étude d'impact comporte de nombreux développements concernant la forêt de Taillard dans son ensemble, recensant notamment le type de boisement et d'espèces présentes, mentionnant en particulier le recensement de " 92 espèces végétales dont aucune n'est menacée ou rare en J... et aucune n'est protégée en J... et dans la région Rhône Alpes ", et indiquant, en particulier, que " La zone du projet des Ailes de Taillard ne fait obstacle à aucun élément de la Trame Verte et Bleue régionale ". L'étude d'impact relève ainsi que le projet se situe dans une zone à enjeu faible s'agissant des milieux naturels car l'implantation des éoliennes doit intervenir dans de jeunes plantations de résineux, effectuées après la tempête de fin d'année 1999, à l'exception de l'éolienne E10 dans une zone de boisement mâture mais d'intérêt floristique très limité, s'agissant également de résineux. L'étude, qui comporte également l'analyse des mesures de compensation au défrichement, est, en outre, complétée par une étude écologique et d'incidences Natura 2000, qui porte sur une zone plus importante que la zone d'implantation du projet, et conclut que " au regard du schéma d'implantation retenu, nous considérons que la réalisation du projet éolien de Taillard n'entraînera aucune incidence dommageable sur les espèces végétales et les habitats remarquables identifiés dans l'aire d'étude rapprochée. " Dès lors, l'étude d'impact n'est pas davantage entachée d'insuffisance sur ce point.

Sur la méconnaissance des orientations de la charte du Parc naturel régional du Pilat :

7. Aux termes de l'article L. 333-1 du code de l'environnement : " I - Un parc naturel régional peut être créé sur un territoire dont le patrimoine naturel et culturel ainsi que les paysages présentent un intérêt particulier. / Les parcs naturels régionaux concourent à la politique de protection de l'environnement, d'aménagement du territoire, de développement économique et social et d'éducation et de formation du public. A cette fin, ils ont vocation à être des territoires d'expérimentation locale pour l'innovation au service du développement durable des territoires ruraux. Ils constituent un cadre privilégié des actions menées par les collectivités publiques en faveur de la préservation des paysages et du patrimoine naturel et culturel. (...) / V- L'État et les collectivités territoriales ainsi que les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre ayant approuvé la charte appliquent les orientations et les mesures de la charte dans l'exercice de leurs compétences sur le territoire du parc. Ils assurent, en conséquence, la cohérence de leurs actions et des moyens qu'ils y consacrent, ainsi que, de manière périodique, l'évaluation de la mise en œuvre de la charte et le suivi de l'évolution du territoire. (...) / Les schémas de cohérence territoriale, les schémas de secteurs, les plans locaux d'urbanisme et les documents d'urbanisme en tenant lieu ainsi que les cartes communales doivent être compatibles avec les chartes dans les conditions fixées aux articles L. 131-1 et L. 131-7 du code de l'urbanisme. (...) ".

8. Il résulte de ces dispositions que la charte d'un parc naturel régional est un acte destiné à orienter l'action des pouvoirs publics dans un souci de protection de l'environnement, d'aménagement du territoire, de développement économique et social et d'éducation et de formation du public sur le territoire du parc et à assurer la cohérence de cette action avec les objectifs qui y sont définis. Il appartient, dès lors, à l'État et aux différentes collectivités territoriales concernées de prendre les mesures et de mener les actions propres à assurer la réalisation des objectifs de la charte et de mettre en œuvre les compétences qu'ils tiennent des différentes législations, dès lors qu'elles leur confèrent un pouvoir d'appréciation, de façon cohérente avec les objectifs ainsi définis. Toutefois la charte d'un parc naturel régional ne peut légalement imposer par elle-même des obligations aux tiers, indépendamment de décisions administratives prises par les autorités publiques à leur égard. Elle ne peut davantage subordonner légalement les demandes d'autorisations d'installations classées pour la protection de l'environnement à des obligations de procédure autres que celles prévues par les différentes législations en vigueur. Si les orientations de protection, de mise en valeur et de développement que la charte détermine pour le territoire du parc naturel régional sont nécessairement générales, les mesures permettant de les mettre en œuvre peuvent cependant être précises et se traduire par des règles de fond avec lesquelles les décisions prises par l'État et les collectivités territoriales adhérant à la charte dans l'exercice de leurs compétences doivent être cohérentes, sous réserve que ces mesures ne méconnaissent pas les règles résultant des législations particulières régissant les activités qu'elles concernent.

9. Il résulte de l'instruction que, comme l'ont relevé les premiers juges, si l'axe 3.5 de la charte du parc naturel régional du Pilat, relatif notamment au développement des énergies renouvelables, fait état de possibilités limitées de développement de l'éolien au regard des richesses paysagères et environnementales dans les zones ventées, il n'interdit son implantation que sur les secteurs concernés par des études de classement " sites paysagers d'intérêt national " des ensembles paysagers " crêts et cirque de la Valla-en-Gier " et " haute vallée du Furan ", qui ne correspondent pas à la zone d'implantation du projet. Si, en dehors de ces secteurs, la charte avait prévu que tout projet d'équipement éolien devait satisfaire aux exigences d'une intégration paysagère optimale et prendre en compte la préservation de la biodiversité et que les projets éoliens devraient être " orientés de façon privilégiée dans les secteurs où la sensibilité est moindre ", les niveaux de sensibilité paysagères devant être cartographiées dans les deux premières années de la charte, il n'est pas contesté que cette cartographie n'est jamais intervenue, de sorte qu'il n'existe pas de détermination par la charte de " secteurs où la sensibilité est moindre ". Si les requérants se prévalent de ce que le site est, pour une grande partie, classée en " réservoir de trame verte ", il résulte de l'instruction qu'il n'est toutefois pas compris dans la zone classée " trame verte " elle-même, alors, au demeurant, que la zone d'implantation correspond à un secteur forestier dont le boisement avait été détruit par une tempête en 1999 et que les mesures prévues se limitent à une régulation des résineux autour des éoliennes. Comme les premiers juges l'ont également relevé, le projet en cause est implanté sur le périmètre de la zone de développement de l'éolien qui avait été autorisée par un arrêté préfectoral du 17 octobre 2011, dans un secteur privilégié, " sans contraintes majeures ", et dont la qualité de la topographie, l'accessibilité et l'impact réduit sur les milieux naturels avaient justifié de la retenir et le site, qui se situe en limite sud du Parc naturel régional du Pilat, avait été choisi au terme d'un diagnostic, auquel les instances de ce parc avaient participé, parce qu'il ne s'étendait pas sur l'ensemble de la crête et qu'il était éloigné des enjeux patrimoniaux et paysagers des Crêts du Pilat et du Crêt de la Perdrix, qui constituent le point culminant du paysage, du Mont Chaussître et des bourgs accueillant des monuments historiques. Dans ces conditions, et alors même que l'avis défavorable émis par le bureau du syndicat du Parc naturel régional du Pilat, le 10 mai 2017, évoque un " site écologique prioritaire " et un objectif de protection des " reliefs structurants majeurs ", l'autorisation d'exploitation litigieuse ne peut être regardée comme incohérente avec les orientations fixées par cette charte et les documents qui y sont annexés.

Sur les intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement :

10. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. (...) ". L'article L. 512-1 du même code dispose que " Sont soumises à autorisation les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1. (...) " alors que son article L. 181-3 précise que : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas. "

En ce qui concerne les atteintes à la sécurité publique en raison du risque d'incendie :

11. Les appelants font valoir que les communes de Burdignes et Saint-Sauveur-en-Rue sont classées depuis 2011 en zone de risque majeur d'incendie de forêt, au vu de la nature forestière d'une grande partie de leur superficie, l'étude d'impact ayant d'ailleurs mentionné une sensibilité forte du site aux feux de forêt, et que les éoliennes sont un facteur aggravant du risque incendie, même si l'occurrence est faible comme le relève l'étude, alors que le parc éolien doit être implanté au sein d'un massif de plusieurs centaines d'hectares, les éoliennes étant, en outre, difficilement accessibles, en raison de leur localisation sur la crête de Taillard. Toutefois, il résulte de l'instruction que des mesures de prévention et d'atténuation pertinentes ont été prévues s'agissant du risque d'incendie, le service départemental d'incendie et de secours de la Loire ayant donné un avis favorable au projet en cause, le 27 avril 2016, sous réserve de prescriptions reprises tant dans les arrêtés de permis de construire que par l'arrêté d'autorisation d'exploitation en litige, consistant notamment en des obligations de déboisement et de débroussaillement autour des éoliennes, en l'instauration de servitudes de passage pour la création de dessertes et la réalisation d'équipements de défense de la forêt contre l'incendie, la création d'un accès de chaque éolienne par les véhicules poids lourds via une voie engin hors chemin et l'installation d'une citerne. Dès lors, le projet autorisé ne peut être regardé comme de nature à exercer un impact sur la sécurité publique, en raison d'un risque d'incendie en méconnaissance des dispositions précitées du code de l'environnement, alors même que n'auraient pas été prévues par l'arrêté en litige les conditions d'intervention sur un incendie par voie aérienne.

En ce qui concerne les atteintes à la santé et la commodité du voisinage :

12. Si les appelants soutiennent que le projet litigieux était de nature à porter atteinte à la santé et à la salubrité publiques en raison des émergences sonores nocturnes importantes, dans certaines conditions de vent, il résulte de l'instruction et, en particulier, comme l'ont relevé les premiers juges, de l'étude d'impact, que, si malgré la mise en œuvre d'un plan de gestion du bruit, des émergences supérieures à trois décibels (dB) sont susceptibles d'être atteintes sur certains points de mesure, les émergences sonores diurnes et nocturnes ainsi constatées demeurent conformes aux exigences des articles 26 et suivants de l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement, compte tenu d'un bruit ambiant inférieur à trente-cinq dB, alors que des prescriptions sont également prévues pour mesurer le bruit de réception réalisé dans l'année suivant la mise en service des éoliennes, l'exploitant étant par ailleurs soumis à des mesures correctrices en cas de dépassement des valeurs autorisées. Dans ces conditions, il n'apparaît pas que les émergences sonores relevées par les appelants caractériseraient un risque pour la santé publique des habitants, dont les plus proches résident à près d'un kilomètre du projet.

En ce qui concerne les atteintes aux ressources en eau :

13. Si les appelants soutiennent qu'il existe des risques d'atteintes à la ressource en eau résultant de l'impact du projet sur les captages publics et les sources privées, les critiques déjà énoncées en première instance sur ce point doivent être écartées par les motifs retenus par les premiers juges et qu'il y a lieu, pour la cour, d'adopter.

En ce qui concerne les atteintes à la forêt du massif de Taillard :

14. Ainsi qu'il a été dit au point 6, l'étude d'impact a relevé que le projet se situe dans une zone à enjeu faible s'agissant des milieux naturels, l'implantation des éoliennes devant intervenir dans de jeunes plantations de résineux, effectuées après la tempête de fin d'année 1999, à l'exception de l'éolienne E10 dans une zone de boisement mâture mais d'intérêt floristique très limité, s'agissant également de résineux, alors que l'étude écologique et d'incidences Natura 2000 a conclu qu'au regard du schéma d'implantation retenu, la réalisation du projet éolien ne devait entraîner aucune incidence dommageable sur les espèces végétales et les habitats remarquables identifiés dans l'aire d'étude rapprochée. Dans ces conditions, et alors même qu'est prévue une limitation de la croissance des arbres dans un rayon de 80 mètres autour de chaque éolienne et un impact global sur l'exploitation forestière, estimé à 15 079 m² par éolienne, aucune atteinte aux intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement n'est établie.

En ce qui concerne les atteintes invoquées au paysage du Mont du Pilat :

15. Pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions en raison de l'incompatibilité du projet éolien avec le patrimoine naturel et culturel, compte tenu de la visibilité des machines depuis un certain nombre de points de vue et de sites classés et de la présence d'un certain nombre d'espèces d'oiseaux et de chiroptères, les premiers juges ont notamment relevé que, si le site d'implantation, situé à une altitude comprise entre mille deux cent quarante à mille trois cent quatre-vingt mètres et dans une zone qui avait été détruite par la tempête de la fin d'année 1999, sera visible à plusieurs dizaines de kilomètres, aucun site classé n'est situé à proximité du projet qui ne sera que faiblement visible depuis les sites classés du Crêt de l'Œillon et du Crêt de la Perdrix, situés respectivement à seize et dix-huit kilomètres, et depuis le Suc de Barry, situé sur le chemin de grande randonnée du Tour d'Annonay, en deuxième plan de montagne, comme depuis le site des tourbières de Gimel, alors que l'implantation des éoliennes le long de la ligne de crête ainsi que la présence de forêts sont de nature à atténuer leur visibilité. Par ces motifs, qu'il y lieu pour la cour d'adopter, le moyen tiré de la violation des dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'environnement doit être écarté.

16. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir soulevées par la société Les Ailes de Taillard, l'association Protection de la grande forêt de Taillard et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à la mise à la charge de l'État, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, d'une somme au titre des frais liés au litige.

17. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des requérants une somme au titre des frais exposés à l'occasion de la présente instance par la société Les Ailes de Taillard.

DÉCIDE :

Article 1er : L'intervention de l'association Sites et Monuments est admise.

Article 2 : La requête de l'association Protection de la grande forêt de Taillard et autres est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la société Les Ailes de Taillard tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... AH..., première dénommée pour l'ensemble des appelants pour l'application de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la société Les Ailes de Taillard.

Copie sera adressée au préfet de la Loire.

Délibéré après l'audience du 9 mars 2023 à laquelle siégeaient :

M. Seillet, président ;

M. Chassagne, premier conseiller ;

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mars 2023.

Le président, rapporteur,

Ph. SeilletL'assesseur le plus ancien,

J. Chassagne

La greffière,

L. Contrastin

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohérence des territoires, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

1

2

N° 20LY02419

lc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY02419
Date de la décision : 30/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

29-035 Energie.


Composition du Tribunal
Président : M. SEILLET
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : AARPI JAKUBOWICZ et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-03-30;20ly02419 ?
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