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29/03/2023 | FRANCE | N°21LY00561

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 29 mars 2023, 21LY00561


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures

I°) Par une requête enregistrée sous le n° 1807834, M. et Mme A... et C... D... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 30 avril 2018 rendant immédiatement opposables les dispositions de la révision n°2 du volet " Risques Montagne " du plan de prévention des risques naturels prévisibles (PPRN) de la commune de Val d'Isère, ensemble la décision du 1er octobre 2018 rejetant leur recours gracieux ;

2°) de condamner l'Etat au versement d'

une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures

I°) Par une requête enregistrée sous le n° 1807834, M. et Mme A... et C... D... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 30 avril 2018 rendant immédiatement opposables les dispositions de la révision n°2 du volet " Risques Montagne " du plan de prévention des risques naturels prévisibles (PPRN) de la commune de Val d'Isère, ensemble la décision du 1er octobre 2018 rejetant leur recours gracieux ;

2°) de condamner l'Etat au versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

II°) Par une requête enregistrée sous le n° 1806559, le ... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 30 avril 2018 rendant immédiatement opposables les dispositions de la révision n°2 du volet " Risques Montagne " du plan de prévention des risques naturels prévisibles de la commune de Val d'Isère, ensemble les décisions rejetant leur recours gracieux ;

2°) de condamner l'Etat au versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement nos 1807834 et 1806559 du 22 décembre 2020, le tribunal administratif de Grenoble a joint ces demandes et a :

1°) annulé l'arrêté du 30 avril 2018 en tant qu'il rend immédiatement opposable le projet de révision n° 2 du volet " Risques Montagne " du PPRN de la commune de Val d'Isère à des secteurs de la commune où les risques naturels prévisibles sont identifiés comme identiques ou moindres à ceux évalués par le PPRN approuvé le 27 avril 2006, ainsi que la décision du 1er octobre 2018 rejetant le recours gracieux de M. et Mme D... dans cette mesure ;

2°) constaté qu'il n'y avait plus lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la requête n° 1806559 ;

3°) mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser aux époux D... et une somme de 1 500 euros à verser au ..., en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) rejeté le surplus des conclusions de la requête n° 1807834.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 22 février 2021 et un mémoire enregistré le 12 juillet 2022, M. et Mme D..., représentés par Me Fiat (SELARL CDMF-Avocats affaires publiques), avocate, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 22 décembre 2020 en tant qu'il rejette le surplus de leurs demandes ;

2°) d'annuler, dans leur ensemble, l'arrêté préfectoral du 30 avril 2018 rendant immédiatement opposables les dispositions de la révision n°2 du volet " Risques Montagne " du PPRN de la commune de Val d'Isère, ainsi que la décision du 1er octobre 2018 rejetant leur recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- aucune urgence ne justifie l'opposabilité immédiate du projet de révision n°2 du PPRN de la commune de Val d'Isère, en méconnaissance de l'article L. 562-2 du code de l'environnement ;

- l'arrêté litigieux méconnaît l'article L. 562-1 du code de l'environnement et l'autorité de la chose jugée par le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 29 mars 2016, en intégrant dans une même zone rouge des parcelles soumises à des aléas distincts, et pour certains modérés ;

- le classement en zone rouge de la parcelle B... leur appartenant procède d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 juin 2022, la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Elle expose que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 13 juillet 2022, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 6 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sophie Corvellec, première conseillère,

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me Tissot, avocat, représentant M. et Mme D... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme D..., propriétaires de la parcelle référencée B... sur le territoire de la commune de Val d'Isère, relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 22 décembre 2020 en ce qu'il a limité l'annulation de l'arrêté du préfet de la Savoie du 30 avril 2018 portant approbation des dispositions immédiatement opposables de la révision n° 2 du volet " Risques Montagne " du plan de prévention des risques naturels prévisibles (PPRN) de la commune de Val d'Isère, aux seuls secteurs de la commune où les risques naturels prévisibles sont identifiés comme identiques ou moindres que ceux évalués par le PPRN approuvé le 27 avril 2006, et, dans cette même mesure, celle de la décision du 1er octobre 2018 rejetant leur recours gracieux.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 562-1 du code de l'environnement : " I.- L'Etat élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles tels que les inondations, les mouvements de terrain, les avalanches, les incendies de forêt, les séismes, les éruptions volcaniques, les tempêtes ou les cyclones. II.- Ces plans ont pour objet, en tant que de besoin : 1° De délimiter les zones exposées aux risques, en tenant compte de la nature et de l'intensité du risque encouru, d'y interdire tout type de construction, d'ouvrage, d'aménagement ou d'exploitation agricole, forestière, artisanale, commerciale ou industrielle, notamment afin de ne pas aggraver le risque pour les vies humaines ou, dans le cas où des constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles, pourraient y être autorisés, prescrire les conditions dans lesquelles ils doivent être réalisés, utilisés ou exploités (...) ". L'article L. 562-2 du même code prévoit que : " Lorsqu'un projet de plan de prévention des risques naturels prévisibles contient certaines des dispositions mentionnées au 1° (...) du II de l'article L. 562-1 et que l'urgence le justifie, le préfet peut, après consultation des maires concernés, les rendre immédiatement opposables à toute personne publique ou privée par une décision rendue publique. Ces dispositions cessent d'être opposables si elles ne sont pas reprises dans le plan approuvé ". Enfin, son article R. 562-3 précise que : " Le dossier de projet de plan comprend : (...) 3° Un règlement précisant, en tant que de besoin : a) Les mesures d'interdiction et les prescriptions applicables dans chacune de ces zones en vertu des 1° et 2° du II de l'article L. 562-1 (...) ".

3. En premier lieu, il ressort, d'une part, des pièces du dossier, en particulier des extraits de la présentation détaillée de la révision du PPRN versés au dossier et nullement remis en cause, que la commune de Val d'Isère est exposée à un risque d'avalanches et de crues avalancheuses particulièrement élevé, dû à la présence d'une quarantaine de couloirs d'avalanches. Il n'est, par ailleurs, pas contesté que la commune connaissait alors une très forte augmentation du nombre de demandes d'autorisation d'urbanisme et une pression immobilière susceptible de générer l'apparition de nouveaux enjeux, humains et matériels, et le développement de ceux existants et de compromettre ainsi l'application de la révision à venir. Il est, à cet égard, constant que l'annulation, par un jugement du tribunal administratif de Grenoble du 29 mars 2016, de l'arrêté du 21 novembre 2013 approuvant la première révision du PPRN de la commune a eu pour effet de restaurer une version de ce document, désormais ancienne, approuvée en 2006, ne réglementant essentiellement que les zones urbanisées de la commune, sans couvrir l'ensemble des zones exposées à ces risques, ni tenir compte des évolutions intervenues depuis. Ainsi, et contrairement à ce qu'affirment les requérants, ni le PPRN adopté en 2006 alors applicable, ni d'autres réglementations, telles que le code de l'urbanisme, ne permettaient de s'opposer, avec la même efficacité que l'arrêté litigieux, aux projets susceptibles de mettre en cause la sécurité des personnes et des biens. Ainsi, et en dehors des secteurs de la commune où les risques naturels prévisibles ont été identifiés comme identiques ou moindres à ceux évalués par le PPRN approuvé le 27 avril 2006, le préfet de la Savoie a pu estimer que l'urgence justifiait l'application immédiate des autres dispositions du projet de révision n°2 du PPRN de la commune de Val d'Isère.

4. En deuxième lieu, il résulte, d'une part, des dispositions rappelées au point 2 que les PPRN ont pour objet de définir des zones exposées à des risques naturels à l'intérieur desquelles s'appliquent les interdictions, prescriptions et mesures de prévention, protection et sauvegarde qu'ils définissent. Dès lors, et contrairement à ce que prétendent les requérants, ces dispositions ne font pas obstacle à ce que des parcelles exposées à des risques de nature et d'intensité différentes, et donc à des aléas différents, soient intégrées dans des zones de même nature, si des enjeux différents, ou la nécessité de ne pas les aggraver, justifient qu'elles soient soumises à des prescriptions identiques. D'autre part, pour annuler l'arrêté du 21 novembre 2013 approuvant la première révision du PPRN de la commune de Val d'Isère, le tribunal administratif de Grenoble a, dans son jugement du 29 mars 2016 depuis devenu définitif, notamment retenu l'erreur de droit commise par le préfet de la Savoie, en délimitant la zone rouge du PPRN sur le seul fondement du " caractère bâti ou non de la zone " sans tenir compte " de la nature et de l'intensité du risque encouru ". L'arrêté litigieux définissant cette même zone comme regroupant les parcelles soumises à un aléa fort et celles bâties soumises à un aléa moyen, et prenant ainsi en compte le risque auquel elles sont exposées, il ne méconnaît pas l'autorité absolue de la chose jugée par ce précédent jugement. Enfin, la nécessité de limiter le développement d'enjeux, humains comme matériels, sur des parcelles qui en étaient jusqu'alors dépourvues justifiait que, même soumises à un risque considéré comme " moyen ", les parcelles non bâties soient, à la différence des parcelles bâties, intégrées dans cette zone rouge. Par suite, et contrairement à ce que soutiennent les requérants, le préfet de la Savoie a pu, sans erreurs de droit, intégrer dans une zone rouge, comprenant également des parcelles exposées à un aléa fort, des parcelles soumises à un aléa modéré en raison de leur caractère non bâti.

5. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté en litige a été élaboré, en combinant une cartographie des aléas et une cartographie des enjeux, humains ou matériels tenant notamment au bâti existant sur le territoire de la commune de Val d'Isère. La parcelle B... dont M. et Mme D... sont propriétaires a été classée en zone rouge, laquelle regroupe régulièrement, comme indiqué précédemment, les parcelles soumises à un fort aléa et celles non bâties soumises un aléa moyen, en y interdisant toute construction nouvelle. S'il n'est plus contesté en appel que cette parcelle est exposée à un aléa considéré comme " moyen " en raison d'un risque d'avalanche poudreuse d'occurrence centennale, M. et Mme D... se prévalent d'une autorisation d'urbanisme délivrée en 2014, sur laquelle ils n'apportent toutefois aucune précision et qui, portant sur un garage enterré, ne saurait, en tout état de cause, conférer à leur parcelle un caractère bâti, au sens du PPRN. Il en est de même des réseaux qui desservent le hameau du Crêt. Enfin, en invoquant le classement, dans des zones distinctes, d'autres parcelles du hameau, ils ne démontrent nullement que celles-ci se trouvent dans une situation identique à celle de la leur, s'agissant tant du niveau du risque auquel elles sont exposées que des enjeux qui les caractérisent. Par suite, eu égard au caractère non bâti de leur parcelle et à l'intensité du risque auquel elle est exposée, son classement en zone rouge ne procède pas d'une erreur manifeste d'appréciation.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a limité l'annulation de l'arrêté du préfet de la Savoie du 30 avril 2018 portant approbation des dispositions immédiatement opposables de la révision n°2 du volet " Risques Montagne " du PPRN de la commune de Val d'Isère, et, dans cette même mesure, celle de la décision du 1er octobre 2018 rejetant leur recours gracieux, aux seuls secteurs de la commune où les risques naturels prévisibles sont identifiés comme identiques ou moindres que ceux évalués par le PPRN approuvé le 27 avril 2006.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. et Mme D....

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... et C... D... et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2023, où siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère,

Mme Sophie Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 mars 2023.

La rapporteure,

Sophie CorvellecLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY00561


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY00561
Date de la décision : 29/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

44-05-08 Nature et environnement. - Divers régimes protecteurs de l`environnement. - Prévention des crues, des risques majeurs et des risques sismiques.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : CDMF-AVOCATS AFFAIRES PUBLIQUES

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-03-29;21ly00561 ?
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