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29/03/2023 | FRANCE | N°21LY00324

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 29 mars 2023, 21LY00324


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... Comte a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir la décision n°141/2018 du 5 septembre 2018 par laquelle le directeur du centre hospitalier Pierre Oudot a prononcé son licenciement pour motif économique.

Par un jugement n° 1807036 du 1er décembre 2020, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 1er février 2021 et 27 avril 2022, l

e centre hospitalier Pierre Oudot, représenté par la SELARL CDMF-Avocats, Affaires Publiques, a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... Comte a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir la décision n°141/2018 du 5 septembre 2018 par laquelle le directeur du centre hospitalier Pierre Oudot a prononcé son licenciement pour motif économique.

Par un jugement n° 1807036 du 1er décembre 2020, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 1er février 2021 et 27 avril 2022, le centre hospitalier Pierre Oudot, représenté par la SELARL CDMF-Avocats, Affaires Publiques, agissant par Me Tissot, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 1er décembre 2020 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. Comte devant ce tribunal ;

3°) de mettre une somme de 2 500 euros à la charge de M. Comte au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les conclusions à fin d'injonction de M. Comte sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables ;

- la décision du 18 mars 2015 licenciant pour un motif économique M. Comte a été annulée par un jugement n° 1503878 lu le 7 juin 2018, pour un vice de légalité externe ; l'autorité de chose jugée qui s'attache à ce jugement ne s'opposait donc pas à ce qu'il le licencie à nouveau par la décision contestée du 5 septembre 2018 ;

- il a justifié dans cette instance tant des contraintes budgétaires de l'établissement, que de la discordance entre l'engagement contractuel de l'intéressé et le niveau de consultation effectivement réalisé, de sorte que la matérialité du motif économique avait été établie ;

- une décision de licenciement pour motif économique est légalement justifiée par le contexte d'austérité budgétaire commandé par le constat d'un déficit structurel nécessitant des économies sur le montant de la masse salariale attachée au personnel non médical et médical ; aucune erreur d'appréciation ne peut ainsi être retenue.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 26 novembre 2021 et 20 mai 2022, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, M. Comte, représenté par Me Devers, conclut au rejet de la requête, et demande à la cour :

1°) d'enjoindre au centre hospitalier Pierre Oudot, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 10ème jour suivant la notification de l'arrêt à intervenir, de procéder à sa réintégration effective dans l'emploi qu'il occupait avant son éviction illégale et jusqu'à la date de sa mise en retraite le 16 juillet 2022, de procéder à la reconstitution de sa carrière ainsi que de ses droits sociaux, et notamment des droits à la pension, de procéder au versement de l'ensemble des salaires dus à compter de la date de son éviction jusqu'au jour de sa réintégration effective ;

2°) de mettre une somme de 2 500 euros à la charge du centre hospitalier Pierre Oudot en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens soulevés sont infondés ;

- la décision litigieuse ne repose sur aucun motif économique de nature à justifier le licenciement prononcé ; l'activité du service ORL a été maintenue dans le même cadre juridique, et confiée à deux puis trois autres praticiens ; les données financières avancées par le centre hospitalier sont trop anciennes pour fonder une décision de licenciement en 2018.

Par ordonnance du 29 avril 2022, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 20 mai 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

- le décret n° 2003-769 du 1er août 2003 relatif aux praticiens attachés et praticiens attachés associés ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère ;

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;

- et les observations de Me Tissot, pour le centre hospitalier Pierre Oudot, et de Me Robert, pour M. Comte.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... Comte, médecin spécialiste ORL a été nommé praticien attaché au centre hospitalier Pierre Oudot en 2006. La décision du 18 mars 2015 prononçant son licenciement pour motif économique a été annulée par un jugement n° 1503878 du tribunal administratif de Grenoble du 7 juin 2018. A la suite de ce jugement, le directeur du centre hospitalier a pris le 5 septembre 2018 une seconde décision prononçant le licenciement, pour le même motif, de l'intéressé. Le centre hospitalier Pierre Oudot relève appel du jugement du 1er décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé cette nouvelle décision.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Comme l'ont relevé les premiers juges, et contrairement à ce que soutient le centre hospitalier Pierre Oudot en appel, le jugement n° 1503878, qui annule le licenciement édicté le 18 mars 2015 au motif que " M. Comte est fondé à soutenir que le centre hospitalier n'a pas établi les difficultés économiques justifiant son licenciement ", sanctionne un vice de légalité interne. Il en résulte que le centre hospitalier Pierre Oudot n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le jugement attaqué a sanctionné la méconnaissance de l'autorité absolue de chose jugée qui s'attachait tant au dispositif de ce jugement n° 1503878 qu'aux motifs qui en constituaient le support nécessaire.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

3. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ".

4. Sur le fondement de ces dispositions, M. Comte présente des conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint sous astreinte au centre hospitalier Pierre Oudot de le réintégrer et de procéder à la reconstitution de sa carrière.

5. Eu égard au caractère accessoire des conclusions à fin d'injonction, les parties sont recevables à les présenter pour la première fois en appel. La fin de non-recevoir opposée à ce titre par le centre hospitalier Pierre Oudot ne peut, par suite, qu'être écartée.

6. L'annulation par le juge administratif de la décision de licenciement implique la reconstitution de carrière et de droits sociaux de l'agent irrégulièrement évincé. Toutefois, lorsqu'un agent public irrégulièrement évincé a été admis à la retraite, l'obligation de reconstitution juridique de sa carrière qui découle de l'annulation par le juge administratif de la décision de licenciement prend nécessairement fin à compter de la date de son départ en retraite. De même, l'admission à la retraite, quelles que soient les circonstances dans lesquelles elle est intervenue, fait obstacle à ce que l'exécution de la décision juridictionnelle implique la réintégration effective de l'intéressé dans son emploi ou dans un emploi équivalent. Il appartient seulement à l'agent irrégulièrement évincé de demander, le cas échéant, la réparation du préjudice qu'ont pu entrainer sa mise à la retraite et la liquidation anticipée de sa pension, lorsque celle-ci est la conséquence du licenciement illégal.

7. Il résulte de l'instruction que M. Comte a été admis à faire valoir ses droits à la retraite. L'exécution du jugement du tribunal administratif de Grenoble, confirmé par le présent arrêt, ne peut impliquer sa réintégration effective dans l'emploi qu'il occupait, mais seulement de procéder, dans un délai de trois mois, à la reconstitution juridique de la carrière de M. Comte, incluant la reconstitution de ses droits sociaux, notamment de ses droits à pension, pour la période comprise entre le 5 septembre 2018 et le 16 juillet 2022, date de son départ en retraite. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. Comte, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le centre hospitalier Pierre Oudot demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. En application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier Pierre Oudot le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. Comte.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du centre hospitalier Pierre Oudot est rejetée.

Article 2 : Il est enjoint au centre hospitalier Pierre Oudot de procéder, dans un délai de trois mois, à la reconstitution juridique de la carrière de M. Comte, incluant la reconstitution de ses droits sociaux, notamment de ses droits à pension, pour la période du 5 septembre 2018 au 16 juillet 2022.

Article 3 : Le centre hospitalier Pierre Oudot versera la somme de 2 000 euros à M. Comte au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... Comte et au centre hospitalier Pierre Oudot.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2023 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère,

Mme Sophie Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 mars 2023.

La rapporteure,

Bénédicte LordonnéLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au préfet de l'Isère en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY00324


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY00324
Date de la décision : 29/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-10-06 Fonctionnaires et agents publics. - Cessation de fonctions. - Licenciement.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : CDMF-AVOCATS AFFAIRES PUBLIQUES

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-03-29;21ly00324 ?
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