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28/03/2023 | FRANCE | N°22LY01827

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 28 mars 2023, 22LY01827


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

I)

Mme C... B... épouse D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 8 avril 2021 par lequel la préfète de l'Ain a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office.

II)

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 27 septembre 2021 par lequel la préfète de l'Ain a refusé de l

'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

I)

Mme C... B... épouse D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 8 avril 2021 par lequel la préfète de l'Ain a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office.

II)

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 27 septembre 2021 par lequel la préfète de l'Ain a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.

Par jugement n° 2105152-2108281 du 28 janvier 2022, le tribunal administratif, après avoir joint les deux demandes, les a rejetées.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 16 juin 2022, Mme C... B... épouse D... et M. A... D..., représentés par Me Fréry, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 28 janvier 2022 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 8 avril et 27 septembre 2021 de la préfète de l'Ain, chacun les concernant, portant refus de séjour avec obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination ;

3°) d'enjoindre à la préfète de l'Ain de leur délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, ou, à défaut, de réexaminer leur situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement, à titre principal, de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à titre subsidiaire, de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

En ce qui concerne les décisions portant refus de séjour :

- elles sont insuffisamment motivées en droit et entachées d'un défaut d'examen particulier et c'est à tort que le tribunal a écarté le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation quant à l'insertion professionnelle de M. D... au regard de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3, 1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

En ce qui concerne les obligations de quitter le territoire français :

- ces décisions sont illégales en raison de l'illégalité des décisions portant refus de séjour ;

- elles ont été édictées de manière automatique par la préfète de l'Ain sans prendre en compte l'état de santé de Mme D... ;

- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3, 1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

En ce qui concerne les décisions fixant le délai de départ volontaire :

- ces décisions sont illégales en raison de l'illégalité des obligations de quitter le territoire français ;

En ce qui concerne les décisions fixant le pays de destination :

- ces décisions sont illégales en raison de l'illégalité des obligations de quitter le territoire français ;

- ces décisions sont insuffisamment motivées au regard de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et la réalité des risques est établie.

Par un mémoire enregistré le 30 septembre 2022, la préfète de l'Ain conclut au rejet de la requête en soutenant que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

M. et Mme D... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 18 mai 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Burnichon, première conseillère.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... B... épouse D..., née le 13 avril 1990 et son époux M. A... D... né le 15 décembre 1989 tous deux de nationalité albanaise sont entrés irrégulièrement sur le territoire français le 25 août 2016 afin de demander l'asile. Leurs demandes d'asile ont été définitivement rejetées par la Cour nationale du droit d'asile le 7 décembre 2017. Suite aux annulations de précédentes mesures d'éloignement par le tribunal administratif de Lyon en mai 2019 puis janvier 2020, assorties d'injonction de délivrer des autorisations provisoires de séjour avec autorisation de travail, la préfète de l'Ain a, d'une part, par arrêté du 8 avril 2021, refusé de délivrer à Mme D... un titre de séjour en raison de son état de santé avec obligation de quitter le territoire français dans un délai trente jours et fixé le pays de destination et, d'autre part, par arrêté du 27 septembre 2021, a refusé de délivrer un titre de séjour à M. D... en tant que salarié suite à sa demande déposée le 13 février 2021, refus de titre de séjour également assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et d'une décision fixant le pays de destination. Ils relèvent conjointement appel du jugement du 28 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon, après les avoir jointes, a rejeté leurs demandes respectives tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur les décisions portant refus de séjour :

2. En premier lieu, les arrêtés en litige visent la convention internationale relative aux droits de l'enfant, la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La préfète de l'Ain énonce par ailleurs, dans les motifs de sa décision de refus de titre de séjour opposé à Mme D..., prise suite à l'injonction de réexamen ordonnée par le tribunal administratif dans un précédent jugement, les dispositions alors applicables du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Concernant M. D..., l'arrêté en litige comprend dans ses motifs les dispositions des articles L. 5221-2 et suivants du code du travail, relatifs à la nécessité d'obtenir préalablement une autorisation de travail, et l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatif à la délivrance d'un titre de séjour salarié. Ces deux arrêtés sont ainsi suffisamment motivés en droit, contrairement à ce que les requérants soutiennent.

3. En deuxième lieu, s'agissant de l'arrêté du 8 avril 2021 relatif à Mme D..., il rappelle l'ensemble de la situation administrative de l'intéressée et la procédure suivie dans la cadre de l'examen de son droit au séjour ainsi que le sens de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Par ailleurs, l'arrêté du 27 septembre 2021 concernant M. D... reprend l'ensemble des décisions le concernant notamment celles du tribunal administratif de Lyon, les différentes activités salariées exercées par l'intéressé et les motifs du refus de titre de séjour salarié. Il suit de là que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les arrêtés portant refus de titre de séjour en litige sont entachés d'un défaut d'examen particulier de leur situation.

4. En troisième lieu, l'arrêté en litige du 27 septembre 2021, qui rappelle la situation personnelle de M. D..., précise sa demande de titre de séjour présentée le 13 février 2020 sur le fondement des dispositions des articles L. 421-1, L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et énonce les différents contrats de travail conclus par M. D..., et indique que le refus qu'il lui oppose est fondé, s'agissant du premier fondement, sur l'absence d'autorisation de travail exigée par les dispositions des articles L. 5221-2 et suivants du code du travail et l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ressort des pièces du dossier que si M. D... a bénéficié de plusieurs autorisations de travail depuis juin 2018, la délivrance de telles autorisations provisoires résultent des injonctions ordonnées par le juge administratif lors de précédents jugements annulant des mesures d'éloignement opposées à l'intéressé et ne constituent, en tout état de cause, pas une autorisation de travail au sens des dispositions des articles L. 5221-2 et suivants du code du travail et de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'une des conditions prévues par l'article L. 421-1 n'étant pas satisfaite, le moyen tiré de ce que la décision en cause serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions doit, par suite, être écarté.

5. En dernier lieu, les moyens repris par les requérants en appel, tirés de ce que les refus de séjour méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant, doivent, en l'absence d'éléments nouveaux, être écartés par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

Sur les décisions d'obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, l'exception d'illégalité des refus de titre de séjour à l'encontre des obligations de quitter le territoire doit être écartée.

7. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que la préfète de l'Ain a examiné l'état de santé de Mme D... et a relevé que cette dernière n'établit pas entrer dans une des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en vertu de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur et qu'aucun élément dans l'examen de sa situation personnelle n'est de nature à remettre en cause le principe de cet éloignement. Il suit de là que Mme D... n'est pas fondée à invoquer le caractère " automatique " de l'obligation de quitter le territoire français la concernant.

8. En dernier lieu, les moyens repris par les requérants en appel, tirés de ce que les décisions les obligeant à quitter le territoire français méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant, doivent être écartés par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

Sur les décisions fixant le délai de départ volontaire :

9. Compte tenu de ce qui a été dit précédemment, l'exception d'illégalité des obligations de quitter le territoire français à l'encontre des décisions fixant le délai de départ volontaire doit être écartée.

Sur les décisions fixant le pays de destination :

10. En premier lieu, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, l'exception d'illégalité des obligations de quitter le territoire français à l'encontre des décisions fixant le pays de destination doit être écartée.

11. En deuxième lieu, les décisions fixant le pays de destination sont suffisamment motivées au regard des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment en ce qui concerne Mme D..., l'arrêté du 8 avril 2021 reprenant de manière concise le récit de l'intéressée, dont la demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, pour estimer qu'elle ne démontre pas qu'elle serait exposée à des peines ou des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

12. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". M. et Mme D... n'établissent pas la réalité des risques allégués encourus en Albanie, à raison d'un conflit avec l'ex-époux de Mme D... et père de sa première fille. Il suit de là qu'ils ne sont pas fondés à soutenir que la fixation du pays de destination les exposerait à des risques de traitements inhumains ou dégradants.

13. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté leurs demandes. Leurs conclusions aux fins d'injonction doivent également et par voie de conséquence, être rejetées ainsi que leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'Etat n'étant pas partie perdante.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... épouse D... et M. A... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie sera adressée à la préfète de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 7 mars 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Camille Vinet, présidente de la formation de jugement,

M. François Bodin-Hullin, premier conseiller,

Mme Claire Burnichon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023.

La rapporteure,

C. BurnichonLa présidente,

C. Vinet

La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière

N° 22LY01827 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22LY01827
Date de la décision : 28/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINET
Rapporteur ?: Mme Claire BURNICHON
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : FRERY

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-03-28;22ly01827 ?
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