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28/03/2023 | FRANCE | N°21LY02851

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 28 mars 2023, 21LY02851


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Les sociétés Alila promotion et SNC HPL Genetière ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2020 par lequel le maire de la commune de Massieux a mis en œuvre le droit de préemption urbain pour l'acquisition d'un bien immobilier situé au ....

Par un jugement n° 2005039 du 29 juin 2021, le tribunal administratif de Lyon a fait droit à cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 24 août 2021, le 13 fév

rier 2023 et le 23 février 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la commune de Massieux, r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Les sociétés Alila promotion et SNC HPL Genetière ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2020 par lequel le maire de la commune de Massieux a mis en œuvre le droit de préemption urbain pour l'acquisition d'un bien immobilier situé au ....

Par un jugement n° 2005039 du 29 juin 2021, le tribunal administratif de Lyon a fait droit à cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 24 août 2021, le 13 février 2023 et le 23 février 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la commune de Massieux, représentée par Me Gautier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 29 juin 2021 ;

2°) de rejeter la demande présentée en première instance par les sociétés Alila promotion et SNC HPL Genetière ;

3°) de condamner solidairement les sociétés Alila promotion et SNC HPL Genetière à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision en litige a été signée par une autorité compétente dès lors que le maire n'avait aucun intérêt personnel à l'affaire ;

- la décision de préemption est justifiée par un projet de création de logements en mixité sociale notamment orienté vers les personnes âgées et l'installation de services et divers établissements publics dont la réalité est établie ;

- la décision en litige n'est pas entachée de détournement de pouvoir compte tenu de l'absence d'autre terrain disponible pour réaliser le projet dont la réalité est par ailleurs démontrée.

Par des mémoires enregistrés les 29 juillet 2022, 13 février 2023 et 24 février 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, les sociétés Alila promotion et SNC HPL Genetière, représentées par Me Brun, concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la commune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 14 février 2023 la clôture d'instruction a été reportée au 24 février 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vinet, présidente-assesseure,

- les conclusions de M. Laval, rapporteur public,

- et les observations de Me Gautier, représentant la commune de Massieux, et de Me Brun, représentant les sociétés Alila Promotion et HPL Genetière ;

Considérant ce qui suit :

1. Le 3 avril 2019, la société Alila Promotion a conclu une promesse de vente avec Mme A... pour l'acquisition des parcelles ... à Massieux et sous condition suspensive d'obtention d'un permis de construire. Par un arrêté du 10 décembre 2019, le maire de la commune de Massieux a délivré à la société HPL Genetière, filiale de la société Alila Promotion un permis de construire un immeuble de cinquante-quatre logements sur trois étages avec un sous-sol à usage de parking pour une surface de plancher de 3 708 m². Par un recours gracieux du 11 février 2020, un collectif d'habitants au sein duquel figuraient M. et Mme B... a demandé au maire de retirer ce permis de construire. Le 23 mars 2020, le maire a délivré un permis de construire modificatif à la société HPL Genetière tenant compte de certains griefs formulés par le recours gracieux. A l'issue des élections municipales du printemps 2020, la liste électorale " Massieux autrement " a été élue à la majorité des suffrages et M. B... a été élu maire de la commune de Massieux. Par un arrêté du 7 juillet 2020, il a mis en œuvre le droit de préemption urbain pour l'acquisition des biens immobiliers objet de la promesse de vente conclue entre la société Alila Promotion et Mme A.... Les sociétés Alila Promotion et SNC HPL Genetière ont saisi le tribunal administratif de Lyon d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. La commune de Massieux relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif a fait droit à leur demande.

Sur la légalité de l'arrêté du 7 juillet 2020 :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales : " Sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l'affaire qui en fait l'objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires. ". Aux termes de l'article L. 2122-23 du même code : " Les décisions prises par le maire en vertu de l'article L. 2122-22 sont soumises aux mêmes règles que celles qui sont applicables aux délibérations des conseils municipaux portant sur les mêmes objets ".

3. Il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit au point 1 ci-dessus, que M. B... est le voisin immédiat des parcelles qui ont fait l'objet de la décision de préemption en litige et qui constituent l'assiette du projet porté par la société SNC HPL Genetière, à laquelle il s'est opposé notamment à travers le collectif ayant saisi le précédent maire d'un recours gracieux contre le permis de construire accordé à cette société. Il ressort également des pièces du dossier, notamment des échanges qui ont eu lieu entre M. B... et la société Alila Promotion, que M. B... craignait que la réalisation du projet de cette société entraîne une perte de valeur vénale de ses biens et des nuisances dans la jouissance de ceux-ci, dues principalement à la vue directe du projet sur sa propriété et à son dimensionnement. Contrairement à ce que soutient la commune de Massieux, il ne ressort pas des pièces du dossier que le permis de construire modificatif délivré par le précédent maire le 23 mars 2020, bien que prenant en compte certains griefs formulés par le recours gracieux du collectif d'habitants, ait permis de mettre fin aux inconvénients du projet en cause pour M. B... rappelés ci-avant. Dans ces conditions, à supposer même que la décision en litige ait été cohérente avec le programme électoral de la nouvelle municipalité, M. B..., qui retirait de la décision en litige un bénéfice direct, consistant en l'impossibilité pour la SNC HPL Genetière de réaliser le projet auquel il s'opposait, avait la qualité de personne intéressée à l'affaire au sens des dispositions précitées du code général des collectivités territoriales. Par suite, l'arrêté du 7 juillet 2020 par lequel M. B... a mis en œuvre le droit de préemption urbain au nom de la commune de Massieux a été pris en méconnaissance de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les

droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans

l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à

l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, à préserver

la qualité de la ressource en eau, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre

la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / (...) Toute décision de préemption

doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. (...) " Aux termes du premier alinéa de

l'article L. 300-1 du même code, dans sa rédaction applicable à la même date : " Les actions ou

opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en œuvre un projet urbain, une politique

locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de

favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels.". Il résulte de ces dispositions que, pour exercer légalement ce droit, les collectivités titulaires du droit de préemption urbain doivent, d'une part, justifier, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de

l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies

à cette date, et, d'autre part, faire apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption.

5. Aux termes de l'arrêté en litige, le droit de préemption urbain a été exercé par le maire en vue de la création de " logements en mixité sociale notamment orientés vers les personnes âgées ", de " sauvegarder et mettre en valeur une partie du patrimoine bâti du site " et à permettre " l'installation de services et divers équipements publics. ". La commune de Massieux fait valoir que la création d'une résidence " sénior ou intergénérationnelle " figurait dans le programme électoral de la liste " Massieux autrement ". Toutefois, ce programme ne précisait pas la localisation d'un tel projet sur le territoire de la commune. La commune se prévaut également du compte rendu du conseil municipal du 10 juin 2020 prévoyant le financement du bien immobilier situé ..., qui mentionne la création d'une " maison pluri générationnelle " ayant pour but de créer du lien entre les séniors et les jeunes. Toutefois, ce compte rendu n'explique pas pourquoi, le projet, qui est présenté comme proche d'un projet porté par la précédente municipalité, n'aura pas lieu sur le terrain qui avait été envisagé à cette fin par cette dernière, permettant de douter de la réalité de l'intention de la commune de réaliser le projet en cause sur le terrain mentionné par la délibération. Par ailleurs, aucun autre document n'atteste de la réalité de l'intention de la commune de réaliser les opérations mentionnées par la décision du 7 juillet 2020 sur les parcelles préemptées. S'il ressort des pièces du dossier que M. B... a eu des échanges de courriels avec des professionnels et des associations du secteur social, le sollicitant en vue de réaliser divers types d'équipements et de résidences, ces échanges, au demeurant pour partie postérieurs à la date de la décision en litige, ne peuvent être regardés comme se rapportant au projet dont fait état la décision de préempter les parcelles en cause. Dès lors, l'intention de réaliser un projet d'aménagement précisément sur le terrain objet de la décision de préemption n'est pas établie. Par suite, l'arrêté du 7 juillet 2020 méconnaît les articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme.

6. En dernier lieu, il résulte, d'une part, de l'opposition constante de M. B... au projet des sociétés Alila Promotion et SNC HPL Genetière, qui s'est traduite, ainsi qu'il a été rappelé aux points 1 et 3 ci-dessus, antérieurement à la décision en litige, mais aussi postérieurement, par des décisions et courriers du maire témoignant de son hostilité persistante au dit projet, engendrant de nouveaux contentieux et manifestant ainsi l'intérêt personnel qu'avait l'auteur de la décision litigieuse à ce que le projet des sociétés Alila Promotion et SNC HPL Genetiere n'aboutisse pas, et, d'autre part, de l'incapacité de la commune à établir la réalité de son intention de réaliser le projet dont elle se prévaut sur le terrain en litige, que la décision de préemption doit être regardée comme ayant été prise dans le seul but de faire échec au projet des sociétés Alila Promotion et HPL Genetière. Il suit de là qu'elle est entachée d'un détournement de pouvoir.

7. Il résulte de ce qui précède que la commune de Massieux n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 7 juillet 2020 du maire de la commune de Massieux.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Massieux la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par les sociétés Alila Promotion et SNC HPL Genetière dans l'instance et non compris dans les dépens en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les sociétés Alila Promotion et SNC HPL Genetière, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, versent quelque somme que ce soit à la commune de Massieux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Massieux est rejetée.

Article 2 : La commune de Massieux versera 1 500 euros aux sociétés Alila Promotion et SNC HPL Genetière au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Massieux, à la société Alila Promotion et à la société SNC HPL Genetière.

Délibéré après l'audience du 7 mars 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Camille Vinet, présidente de la formation de jugement,

M. François Bodin-Hullin, premier conseiller,

Mme Claire Burnichon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023.

La présidente-rapporteure,

C. Vinet

L'assesseur le plus ancien,

F. Bodin-HullinLa greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY02851


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02851
Date de la décision : 28/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-02-01-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. - Procédures d'intervention foncière. - Préemption et réserves foncières. - Droits de préemption. - Droit de préemption urbain.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINET
Rapporteur ?: Mme Camille VINET
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : CABINET ALTERNATIVES AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-03-28;21ly02851 ?
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